samedi, 05 septembre 2015
Un résidu d'Agneau
Il aura donc fallu, pour « émouvoir » les opinions publiques et solidariser les dirigeants européens [qui n’attendaient sans doute qu’un feu vert médiatique pour bouger un petit doigt] qu’à la logique effrayante du nombre des migrants, morts ou en exode, se substitue celle, éminemment chrétienne, du visage humilié de l’Unique, rejeté par les flots nez dans le sable telle une méduse crevée ou un tas d’algues ; un Unique innocent jeté en pâture au scandale du monde, qui semble christique. Un enfant d’homme, pensez-donc : un enfant en victime sacrifiée ! La vieille Europe en pleine apostasie se souvient d’un seul coup qu’elle était jadis chrétienne et son cœur palpitant fait mine de s’émouvoir. Grand bien lui en fasse ! Certains se disent qu’autour de cette émotion, ils pourront enfin réunifier les marchés et tripatouiller dans le dos des petites gens ce qu’ils appellent une politique d’immigration commune et, pourquoi pas pendant qu’ils y sont, une gestion des cultes remodelée à leur guise … N'en rêvent-ils pas ?
Plusieurs ombres au tableau c’est certain ; tout d’abord, et ce n’est pas la moindre, le fait qu’à l’exercice de la raison se substitue une fois de plus avec cette photo le registre très communicationnel de l’émotion. Pour susciter la compassion, la raison semble partout disqualifiée dans l’univers de propagande des medias. L’exercice de la raison ainsi dépréciée ne nous semble plus adéquat que dans les domaines scientifique ou économique. A la rigueur politique : Des domaines glacés. Soit. Preuve d’une méconnaissance dorénavant totale du rôle historique de la théologie, car c’est bien de là que Dame Raison sortit jadis toute armée pour engendrer l’Occident, toute belle telle Vénus issue de la mer. Car pour qu’une émotion soit efficiente dans une société civilisée, il faut qu’elle soit raisonnée ; les Pères de l’Eglise savaient ce que nos dirigeants rastaquouères et corrompus (Merkel et Hollande en chasse d’un Nobel de la Paix ?) font mine d’avoir oublié.
Ensuite, il faut rappeler des choses plus triviales. Tout scandaleuse que soit la mort du « petit Aylan », elle n’a rien de sacrificielle car Aylan n’est ni un martyr comme certains imposteurs le prétendent, ni même une victime consentante. [Des débats plus ou moins nauséeux s’élèvent d’ailleurs sur les intentions de sa famille pour gagner l’Allemagne]. Il n’est qu’une victime de plus de l'impuissance des hommes & des femmes à vivre en paix. Or, sacraliser cette mort, cela revient ipso facto à la décontextualiser : c'est-à-dire la dépolitiser. Qui a intérêt à cela ?
Cet enfant est malheureusement mort à cause des politiques menées depuis des années dans son pays, à cause sans doute aussi – (mais l’enquête le dira-t-elle ?)- de l’irresponsabilité de son père. Faire de sa mort un sacrifice permet donc de jouer sur une religiosité des masses dont il faut rappeler avec force qu’elle constitue bien plus un poison qu’un remède. Car l’image de cet enfant-hostie (une fausse hostie, car elle ne témoigne pas du sacrifice accompli) certes dénonce, mais ne permet en rien d’expier. Si sa photo éveille une catharsis comme au théâtre, elle est impuissante à susciter, comme la véritable hostie, la repentance dans la réalité. Cet œcuménisme entre toutes les religions du monde qu’on nous vend, empreint d’une pitié symbolique et bon marché, masque en réalité le libéralisme le plus trivial, un humanisme de foire et une solidarité uniquement spectaculaire.
Qu’apprenons-nous de tout cela ? Que l’Europe semble vivre encore au diapason d’une religiosité sans Christ et sans transcendance, une religiosité politico-médiatique qui, pour avoir mis l’homme au centre de ses rites et de ses icones, n’aura évidemment jamais la puissance et la vertu nécessaires pour créer une paix véritable entre eux ; tout au plus un consensus imposé par un matraquage de bons sentiments de plus en plus inopérants, tandis que la compétition entre les uns et les autres ne cessera de croître. J’en conclus pour ma part que les beaux penseurs et les beaux parleurs que nous sommes ont encore besoin de la transcendance de l’hostie véritable – c'est-à-dire de la conscience du sacrifice accompli par la victime unique, innocente et consentante –. Pour mettre un terme aux conflits et débats, le Christ en l'hostie est partout plus que jamais nécessaire en tant que victime accomplie, raisonnée, expiatoire. Le Christ, pas ses succédanés maçonniques ou autres. Je vois d’ailleurs que si le Moyen Orient et l’Afrique du Nord sont en cet état, c’est que cette zone du monde se trouve écrasée sous un double diktat : celui d’un Islam belliqueux qui retrouve ses ambitions premières, et celui de l’arrogance idéologique des pays droits-de-l’hommistes ; chacun à sa façon combat ou ignore le sacrifice expiatoire de la Croix incarné dans l’hostie - le Graal absolu - c’est pourquoi ils s’entendent, au fond, si bien ensemble…
En attendant, si l’Europe continue de tourner le dos non seulement à ses racines chrétiennes, mais aussi à nier son tronc, ses branches et ses feuilles chrétiennes, elle risque d’y laisser son âme bel et bien, tout cela pour avoir céder aux sirènes des faux-prophètes évoqués il y a des siècles par le doux et aimable Jean. Comble d'ironie, ce désastre programmé aura été l'œuvre de gens qui n'auront eu de cesse de se revendiquer des Lumières, des firmaments sublimes du Progrès, de la Laïcité, de la Paix, de Démocratie, de la Raison... Toute arbre se reconnaît, dit-on, à ses propres fruits...
11:48 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : aylan, migrants, syrie, france, merkel, turquie |
Commentaires
Ce petit garçon symbolise et représente peut-être toutes les victimes innocentes de cette barbarie.
Écrit par : Julie | vendredi, 25 septembre 2015
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