Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 19 août 2014

Je hais les touristes (2)

Au fond le touriste, où qu’il aille, n’est nulle part un étranger. Il n’est d’ailleurs jamais non plus à l’étranger puisque ses périples déclinent à l’infini une seule conception du monde, celle de citoyen de la planète.  C’est à ce titre qu’il voyage, un visa et une carte visa en poche.Celui qui partout se trouve chez lui, ayant tôt bu à la mamelle de la post-modernité,  est charnellement convaincu que la planète entière n’attend que lui, que la terre est sa nation, son village. Le communicant qui trouva la formule « le village global » résuma en elle l’essence même de ce qu’est la perspective spirituelle d'un touriste. 

D’où l’arrogance feutrée qui parcourt les traits du touriste en train de héler un taxi à la sortie d’un aéroport.  Le touriste est partout chez lui, car l’aéroport et le taxi ne figurent pour sa bourse que le prolongement de son domicile. Ce qui fait le lien entre sa chambre à coucher et la chambre d'hôtel où le taxi le dépose, c’est un certain style de vie, a certain way of life comme on dit, dans la langue du touriste. Ibis, Mercure, Novotel, Pullman, Marriott développent des programmes fidélité, tout comme United Airlines, Air France, Emirates, des programmes pour cumuler les miles. Le touriste ne voyage pas, il visite. Trois petits tours. Il capitalise des vols et des chambres d’hôtels. Le capital est sa matrice.

A quelque classe sociale qu’il appartienne, le touriste se vit partout comme un hôte de marque. Normal. Les paysages qu’ils traversent s’organisent autour de sa personne, ainsi que l’industrie du service qui gravite autour de chacun de ses besoins.  Aussi, à quelque classe sociale et à quelque nation  qu’il appartienne, le touriste devient – qu’il le veuille ou non -  un représentant du système mondialisé qui autorise sa libre circulation à travers le grand village planétaire. Il contribue, certes, aux échanges monétaires de devises ; mais cette participation économique à la marche du monde n’est rien au regard de sa participation proprement idéologique : avec ses valises à roulettes, ses appareils photos, ses lunettes de soleil et ses tenues vestimentaires interchangeables, il est une sorte d’homme-sandwich qui véhicule partout les signes dominants du monde auquel il appartient.

 

Partout, il en affirme la toute-puissance. Avec ses congés payés, il en assure gratuitement – voire à ses frais – la propagande la plus béate et la publicité la plus efficace, sur les cinq continents. Au contraire du voyageur, le touriste ne quitte jamais le système dans lequel il vit, non. Rivé à lui, bien au contraire, il le transporte en tous les sentiers par où il passe. Ambassadeur et citoyen du monde. Leur monde.

tourisme,village global,United Airlines, Air France, Emirates,Ibis, Mercure, Novotel, Pullman, Marriott,

Touristes, piazza di Spagna, Roma

Commentaires

C'est beau la Place d'Espagne... Mais, un peu plus à l'Ouest, il y a l'Autel de la Paix d'Auguste et son mausolée. C'est superbe, et moins noir de monde !

Écrit par : Jérémie S. | mardi, 19 août 2014

Certes. Le touriste est un veau. C’est Brel qui en fit une chanson ? Ou Bécaud ? Me souviens plus..
Mais il y a aussi de vieilles gens, des pauvres gens, qui n'ont jamais eu les moyens, ni dans leur portefeuille ni dans leur tête pour oser voyager de leurs propres ailes et qui, à un moment donné n'en n'ont pas moins éprouvé le désir de voir un peu par-delà leurs remparts.
Ceux-là se sont fourvoyés sur le tard dans des bus organisés pour aller voir le Mont saint-Michel,le Mont Dore ou la ligne bleue des Vosges.
Ils offrent un spectacle, au sens premier du terme, lamentable, c'est vrai.
Mais je ne leur jetterais pas la pierre.
Ils me font plutôt de la peine et ma haine irait plutôt vers cette organisation de la vie à coups de frustrations; frustrations que le commerce fait mine de combler en se remplissant les poches.
Ma haine cible plus les causes que les conséquences.

Écrit par : Bertrand | mercredi, 20 août 2014

Bien sûr, Bertrand, les victimes sont seulement responsables, là où les bourreaux sont pleinement coupables. Mais j'ai connu (vous aussi, j'en suis sûr) un certain nombre de vieux à qui on ne l'aurait jamais faite, si j'ose dire...

Écrit par : solko | mercredi, 20 août 2014

En tout cas je connais un vieux à qui on ne la fera jamais :))))

Écrit par : Bertrand | mercredi, 20 août 2014

Les commentaires sont fermés.