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samedi, 07 septembre 2013

Paul Lintier rééedité (enfin)...

C'est une des très bonnes surprises de la rentrée éditoriale, que l'on doit à Bernard Giovanangeli : les œuvres de guerre de Paul Lintier, écrivain fauché au front dans la fleur de l'âge, dont on a souvent parlé sur ce blogue  (ICI et ICI) sont désormais accessibles autrement qu'en épuisés sur ebay. Il s'agit de ses deux journaux, Ma Pièce et de Le tube 1233, avec les passages censurés. Jean Norton Cru, le pourfendeur des Dorgeles et autres Barbusse accusés d'être des mystificateurs, écrit dans son fameux Du Témoignage (1) à son sujet :  « Nous ne nions pas le talent d’écrivain de ceux que la fortune a gâtés, mais nous trouvons un talent égal, parfois supérieur, chez ces artistes probes, Lintier, Cazin, Genevoix, Galtier-Boissière, pour ne nommer que ceux-là ». 

 

Couverture Avec une batterie de 75.jpg

Si Lintier a pu échapper à la critique de l'exigeant Norton Cru, c'est qu'en effet il ne cède pas au lyrisme épique ni au lyrisme idéologique. Loin des académies et des salles de rédaction, ses remarques sont brèves, il cherche le mot juste pour dépeindre le quotidien parfois commun dans les tranchées, les camarades aux émotions changeantes, les opérations menées, annulées, réussies, ratées, les espoirs, le cafard  : voici pour exemple le portrait de François, du 23 décembre 1915 sur l'Hartmannswillerkopf, dans Le Tube 1233 :

 

« François est un petit breton imberbe, aux traits durs, aux cheveux rudes, plantés bas, à la mâchoire solide. Son visage aurait presque une expression farouche si le regard limpide de ses yeux gris ne l’adoucissait. Il est fort comme un cheval. Irritable et violent par boutades, son vrai caractère n’apparait qu’à la longue. François est un sentimental, un homme facile à émouvoir et bon. On me dit qu’aux premiers jours de la guerre, il fut brave jusqu’à la témérité. Mais un accident de tir où périt un pointeur de batterie, un de ses amis très chers, émut François si profondément que depuis il craint bien plus la pièce – qu’il pointe avec une grande sûreté et un coup d’œil impeccable, - que les coups de l’ennemi. »

4e de couverture.jpg

cliquez pour agrandir

 

(1) Norton Cru Du Témoignage, réed Allia, 1997

Commentaires

Très envie de lire ces deux livres (je ne connaissais pas l'auteur)... Merci Roland.

Écrit par : Sophie K. | samedi, 07 septembre 2013

Honte à moi, je n'ai jamais acheté Le Tube 1233, avec la préface de Béraud, comme je me l'étais promis, non plus que Ma Pièce. Et bien sûr non plus Etude sur Andrien Bas.
J'ai (presque) tout Béraud. J'ai La Peur de Gabriel Chevallier. Pas acheté non plus celui que conseillait aussi Dominique Rhéty "La fleur au fusil" de Galtier-Boissière.
Vais acheter dare-dare cette réédition et peut-être un jour celui préfacé par Béraud...

Ce qui me dérange un peu dans la 4e de couverture, c'est qu'on écrive que Paul Lintier est mort "pour la Patrie". Qu'on écrive cela encore aujourd'hui...

Écrit par : Michèle | dimanche, 08 septembre 2013

Il faut lire "Les Enfants humiliés" ou la "France contre les robots" de Bernanos pour comprendre cette notion de patrie, telle que Lintier, Béraud ou d'autres ont pu l'éprouver, et qui est aujourd'hui lettres mortes.

"On a volé leur patrie aux Français, on leur a littéralement arraché des mains; on a substitué au sentiment de la patrie la notion juridique de l'Etat. Les bonnes gens ont de moins en moins l'occasion de prononcer le nom de leur pays avec un certain accent - celui qu'ils prenaient jadis pour répéter entre eux la phrase traditionnelle, l'exclamation familière à tous les pauvres types embêtés par les puissants de ce monde: "Ah! si le Roi savait". "Si la France savait" est une espèce d'appel emphatique à l'Histoire, totalement hors de la portée des pauvres types. "Si l'Etat savait!" aurait plutôt un sens sinistre, car les pauvres types savent que l'Etat n'intervient jamais que pour réclamer la part du lion (quelle actualité -ndrl), ne s'agirait-il que d'une modeste croûte de pain".
(in Les enfants humiliés)

Comment ce sentiment s'est égaré pour être remplacé par le mépris dans le cœur du peuple après 14 18, Bernanos en a fait un portrait saisissant dans "La France contre les robots".
Je crois donc que ce n'est pas trahir Lintier que de dire "mort pour la Patrie".

Écrit par : solko | dimanche, 08 septembre 2013

Eh bien ! J'ai copié 8 extraits de "Ma Pièce" (acquis et lu grâce à vous!) avant la rentrée car j'ai prévu de faire étudier ce témoignage à mes élèves de 3ème... Aussi quelle surprise!
Je ne peux pas faire acheter la réédition à mes élèves donc je vais en rester aux extraits copiés et à la lecture orale d'autres passages. Mais je vais sans doute acheter la réédition pour pouvoir lire "le tube 1233" que je n'avais pas trouvé d'occasion.
Saurez-vous si l'édition chez Plon attrapée sur eBay est "censurée" ou complète, Solko?

Écrit par : Tanguy | dimanche, 08 septembre 2013

Elle est censurée. Celle-ci est la première à rétablir, grâce à l'apport de D.Rhéty, les passages censurés

Écrit par : solko | dimanche, 08 septembre 2013

- Michèle : Mort pour la Patrie, c'est ainsi que Paul Lintier considère sa mort quand il l'imagine dans "Ma Pièce", mais je ne saurai dire s'il changea de vue par la suite...

Écrit par : Tanguy | dimanche, 08 septembre 2013

Ah merci, en fait je n'ai pas été très clair, je parlais de "Ma Pièce" chez Plon. Visiblement la censure ne concerne pas ce texte mais plutôt "Le tube 1233".
De toute façon je vais me procurer cette réédition incessamment sous peu.

Écrit par : Tanguy | dimanche, 08 septembre 2013

Il me plairai de lire ces livres, moi, qui voue un profond respect aux monuments aux morts. "Ceux de 14" reste un désir. Genevoix, cet écrivain d'un autre temps dont les livres étaient dans la bibliothèque de mon père. L'année prochaine, nous allons commémorer le centenaire de cette Grande Guerre, et nombre de livres vont sortir. Lu dans "Le Point",qu'une pépite américaine sur cette Grande Guerre est sortie " Compagnie K" de William March, roman publié en 1933. L'auteur qui a vécu cette guerre donne la parole à 115 soldats de la "Compagnie K" du simple soldat au capitaine. Hemingway lui aurait exprimé sa dette après avoir publié "Pour qui sonne le glas".

Écrit par : Anne.D | jeudi, 12 septembre 2013

Les commentaires sont fermés.