samedi, 02 avril 2011
La pizzeria électorale
Me souviens qu’il y avait jadis à Lyon deux cafés se faisant vis-à-vis sur le cours Lafayette : l’un, bien nommé Au tout va bien ; l’autre, Au tout va mieux. N’ai jamais su comment leur douce cohabitation de part et d’autre de la même rue se déroulait au jour le jour : procès interminables au verdict incessamment différé ? Les deux proprios buvaient-ils le coup ensemble discrètement la nuit tombé ? Comme des vaches ? A moins, ce qui n’est pas non plus impossible, qu’ils fussent le même ?
Depuis que l’électeur moyen n’a plus guère de choix, mais sur sa gauche comme sur sa droite quelques options, la vie politicienne s’est mise à ressembler au cours Lafayette. Une pizzeria sarkoziste d’un côté, une pizzeria socialiste de l’autre. Les deux sont en train de garnir leurs cartes. A la porte les consommateurs trépignent ou s’en foutent, c’est selon leur degré d’implication dans le merdier.
La pizzeria socialiste, qui tente de redorer son chiffre d’affaires, propose depuis peu une carte assez fournie. Un président venu d’ailleurs, entendez (pour ne pas faire de fâcheux contresens) du FMI, des hôtels cinq étoiles et des réunions où on cause sérieux de l’état du monde capitaliste : bref, celui qui s’y connaît, a la main longue, tape sur l’épaule de tous les chefs d’Etat, une sorte de pro avec qui roupiller tranquille cinq bonnes années, même si d’autres en Grèce la trouvent mauvaise. Comme ça et là des remarques sur cette stratégie de com grosse comme une maison ont fusé, c'est vrai qu'il faisait loin du terroir vu d'ici le DSK, la maison vient de sortir une pizza contraire : made in Corrèze, cette dernière, du bien de cheu nous, même si ça vous a un parfum de Hollande. Adoubé par la femme d’un ancien président en plein cœur de ses terres, la pizza François, qui porte le nom d’un plus ancien président encore, est un peu maigrichonne depuis qu’elle a fait un régime d’enfer, et se serre arrosée de Douce France. Bref : le citoyen mondialiste comme celui attaché à ses racines trouvera aussi chez le pizzaïolo Le Gall chaussure à son pied. D’autant que cuisinée par Jean-Marc Germain, la pizza Aubry, sérieuse et militante, reste aussi sur la carte. On ne sait à quel prix. Quelques semaines de cuisson, et vous la trouverez bien croustillante. Plus les plus jeunes, la carte PS propose aussi la pizza Montebourg, la pizza Valls, des plats plus simples, moins cher et à emporter. Et pour ceux qui aiment le réchauffé, reste un classique de la boutique, la pizza Royal.
Si avec ça l’électeur moyen trouve pas assiette à sa portée.
En face, on commence à s’inquiéter devant la richesse de l’offre. Mince alors, une boutique qu’on croyait quasi en dépôt de bilan ! La pizzeria sarkoziste, du nom de son repreneur, propriétaire, cuisinier en chef, plongeur et serveur en toutes circonstances depuis quatre ans, bruit de rumeurs : des querelles de cuisine font que la tambouille est moins convaincante depuis peu. Des clients râlent et se plaignent. Ils menacent d’aller en face. Voire de se barrer aux extrêmes, au bistrot de Marine ou au pub Mélenchon. Bref, comme si la Lybie et le Japon, l’Irlande et le Portugal ne suffisaient pas, c’est la crise aussi au conseil d’administration. Du coup, tous les stratèges en com de la maison renouvellent la carte et multiplient les options à leur tour.
La pizza du chef, la Sarkozy, demeure en l’état : pimentée de petites phrases fumigènes à la mode Louvrier, un débat par ci, un débat par là, causer serait agir, en attendant, on gère, on gère, on gère. Sauf que l’actionnaire principal a beau s’activer aux quatre coins de la planète, ça rouspète sec chez certains clients. La pizza Borloo serait bientôt sur la carte. Moins de piment, plus de sucre. De la douceur, de l’enrobé. Du sucré-salé servi flambé avec son pinard. La pizza Villepin pointe aussi le bout de sa mèche. Il paraît qu’il y aurait de l’anguille dedans.
La pizza Copé mitonnée par Millot fait dans le ni-ni, au contraire de la pizza Fillon, qui donne dans le front de la vertu. Les deux inconciliables. Histoire, comme dans la boutique d’en face, de ratisser large. Chacune à leur façon, de la pizza de notables aguerris, de toute façon, rétive aux dents cariées des prolos. Sacré problème, comment sortir les prolos de leur bistrot et de leur pub ?
L’année qui vient risque d’être cruelle ; mon conseil à chacun : bien regarder de chaque côté de la route avant de traverser, dans un sens comme dans un autre, si le besoin s’en fait sentir. Un front national ou un front de gauche est si vite arrivé ! C’est du camion balourd, à chaque extrême, et ça ne fait pas dans la dentelle. De la semi-remorque bien montée. Au moins, ça roule dans la merde et le cambouis, disent les chauffeurs. Au moins c’est du réel. Les patrons de pizzas, Au tout va mal, et Au tout va moins mal n’ont pas fini de réviser leurs menus et leurs tarifs. Ils se rappelleront que tout exercice électoral, comme d'ailleurs tout exercice polémique, n'est qu'un jeu de saveur bien orchestré entre de purs lieux communs.
13:16 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique |
Commentaires
Les cartes d'électeurs servent de moins en moins . C'est une tarte à la crème de mettre en cause l'absence de civisme des citoyens. Les partis qui aiment avoir un électorat à la carte proposent des menus qui ne correspondent guère aux appétits de ces derniers. Ceux ci ont le sentiment d'être roulé dans la farine par de marionnettistes qui s’autoproclament, la gueule enfarinée, candidats, se discernent des brevets de compétence péchés dans des écoles « ad hoc » puis dans des institutions appropriées. Servir de l'avocat semble être le BA BA de la tambouille électorale. Le croquant moyen sait à quelle sauce, il va être mangé. Que ce soit un parti ou un autre, il dégustera. Dans chaque programme , il trouve à boire et à manger, il peut récriminer. Ce sera en vain jusqu'à plus soif. Le gâteau se partage entre les partis dominants.Quand l'un a l'état , l'autre règne sur les régions . Au final, être,Ils sont tous « cantonnés » dans des prébendes plus ou moins mirifiques. toucher le magot que donne la République au titre du financement des partis politiques semblent être leur objectif ultime.Cela fait tourner la boutique. A défaut d'idées , ils ont de l'argent.Il fut un temps où les partis rassemblaient de gros bataillons du corps électoral, maintenant , ils sont, fiers d'afficher leurs divisions qui multiplient les financements électoraux comme des rentes viagéres. Ils ont compris que le ridicule ne tue pas.D'un côté, L'impétrant joue les chefs de guerre éclair de peur de se retrouver chocolat. La catastrophe nucléaire nippone révèle ses failles électorales en exposant ses lobbies. Ses séides, sentant les vents hésitants, lui jappent au nez. Ils se verraient bien qualifiés pour être le nouveau calife. Le premier ministre trouve sa fonction inutile, le démontre en omettant d'être le chef de l'exécutif, mais se sculpte une stature à l'Antoine Pinay. Le chef du parti majoritaire qui ne pourra jamais être garde des sceaux ,tellement, ses dents rayent le parquet est près à tous les aggiornamentos pourvu qu'il soit le président et les autres « Camembert ». Les godillots UMP sont là pour écoper.
De l'autre côté, un postulant se drape dans un voile de tulle vertueuse se présente en dénonçant la prolifération des candidats , ce qui justifie sa candidature. Un responsable d'une grande institution internationale, fait mine d'entendre des voix, croit que la France l'appelle alors que c'est sa femme qui se verrait bien première dame de France, histoire d'épater la galerie (Lafayette). Il y a celui qui fait un petit tour de valse, celui qui se méfie des mélanches sacrés salés, celui doté d'une robuste constitution et n'a peur de rien, il y a la Royal, canine prête à mordre, sans oublier leur chef à tous qui hésite à crier, mais qui en meurt d'envie « Tous à l'Aubry » . Tout cela fait un peu primaire ce que dénonce ceux qui n'y trouvent pas leurs compte. Les « verts « vont le rester vert,vont servir pour trinquer contre un bol de soupe. La nouvelle Gauche se sent un peu gauche ; Ils marinent tous avec la trublionne qui a le front de les mettre à la peine et de les contraindre à se défausser. L'électeur , lui est prié de suivre, intelligemment, les sondages qui s’interprètent, différemment, selon la droite et la gauche. Les seconds couteaux sont à la manœuvre, ils s'escriment par voie de presse pour promouvoir leur champion. Ils ont une devise à la Dumas « Un pour tous, tous pour lui ». Tout cela est assez tarte/tignolesque.
Écrit par : patrick verroustp | samedi, 02 avril 2011
Tiens, tu es dans les menus, toi aussi ? ( Toi, c'est la France, et moi le France, hahahaha !)
Écrit par : Sophie K. | samedi, 02 avril 2011
(PS : "se sert arrosé", plutôt, non ? ... Siiii.) :0)
Écrit par : Sophie K. | samedi, 02 avril 2011
Le mal est réparé
Écrit par : solko | samedi, 02 avril 2011
("arrosée" voulais-je dire, pardon.)
Écrit par : Sophie K. | samedi, 02 avril 2011
Sais-tu, Solko, que l'Alsace fut et reste clivée, quoique les oppositions soient moins marquées, et surtout moins rudes. Religieusement s'entend ? Dans certain village de la plaine, il y eut pendant fort longtemps, de part et d'autre de la rue principale, deux restaurants qui se faisaient face, dont l'un proposait à la carte son plat le plus connu : la carpe à la catholique, pendant que le concurrent, à quelques pas de là, proposait la carpe à la protestante.
C'étaient les mêmes carpes, tirées des mêmes eaux.
Écrit par : fredlôtre | lundi, 18 avril 2011
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