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lundi, 31 janvier 2011

Terres

Deux personnages marchent en direction d’une « terre jaune », une terre idéale dont l’un d’entre eux, Kétal,  se dit persuadé qu’elle existe. C’est celui qui déambule devant. Derrière, Aride, un plus petit, qui porte le plus lourd bagage et se plaint : « C’est encore loin ? » Ainsi débute Terres, la pièce de Lise Martin que Nino d’Introna vient de créer au TNG de Lyon.

Très vite les deux hommes découvrent cette terre jaune (Israël ? L’Ouest Américain ? Le paradis perdu ?) puis en prennent possession, malgré la mention propriété privée inscrite en lettres capitales dessus. Le (les) propriétaires déboulent bientôt, en revendiquent eux aussi la propriété. Et c’est la guerre. Le texte de Lise Martin demeure suffisamment simple, ouvert et allégorique pour intéresser le jeune public auquel Nino d’Introna s’adresse aussi dans son théâtre.

Ce qui est surtout et constamment captivé ici, c’est l’œil. Car cette terre jaune, qui n’est qu’Idéal, la scénographie la fait vivre au gré de la marche et des stations des acteurs dans un carré de couleur. C’est du visuel minutieusement réglé.

A lire la direction d’acteurs, on comprend que le choix de Nino d’Introna fut de mettre en scène avec le plus de légèreté possible le caractère incessamment belliqueux de l’espèce. Du public. Même petit. Même tout petit : Le spectateur peut ainsi découvrir  à un tournant du spectacle que la scène est dans un bac à sable.  Et tout le spectacle converge alors vers une image finale, belle trouvaille, vraiment, pour éclairer d’un nouveau jour le titre de la pièce et l’allégorie qui la sous-tend.

Impossible de ne pas songer alors  à Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain s’avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. »

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Dans un entretien avec Blandine Dauvilaire, journaliste à Théâtre contemporain.net, Nino d’Introna révélait en janvier 2010 : 

« Je pense qu’en réalité, tout ce que l’on voit chez les hommes dans la société actuelle, se trouve déjà à l’origine de l’humanité, c'est-à-dire dans la petite enfance. Il y a finalement peu de différence entre cette folie qui consiste à vouloir posséder une terre ou une femme, et deux enfants autour d’un bac à sable qui se battent pour la propriété d’un seau. Sans batailles, l’humanité ne pourrait probablement pas exister. Mais je n’ai pas de solution, alors j’ai envie de montrer que la propriété est la base de la relation. »

Terres, de Lise Martin, mise en scène de Nino d’Introna, avec Maxime Cella, Thomas Di Genova, Alexis Jebeile, Sarah Marcuse.

TNG, Lyon 9ème -  jusqu’au 5 février 2011 

 

06:03 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nino d'introna, théâtre, tng, lise martin, terres, lyon | | |

Commentaires

Merci, vraiment, de cette chronique, Solko. Je note et ne manquerai pas d'envoyer à d'autres ce que je viens de lire là. Et j'espère voir ce spectacle un jour.

Je suis sous le coup, s'agissant de spectacle destiné aussi au jeune public, d'un spectacle que j'ai vu vendredi : "Johnny" (d'après "Le renégat" une nouvelle de Jack London ; Johnny est un enfant qui travaille dans les usines du début du XXe siècle), donné par la compagnie Tara Théâtre (théâtre noir de marionnettes), basée en Midi-Pyrénées.
Dans la technique du "théâtre noir", où l'espace scénique est défini par la lumière, et où tout ce qui ne doit pas être vu disparaît dans le noir, derrière le mur de lumière, les marionnettes évoluent, libres des contraintes de la réalité et de la gravité.
C'est un travail d'une intelligence remarquable, une part belle faite au silence et au mouvement, d'où les marionnettes tirent leur humanité. Les figures du pouvoir sont représentées par des visages démesurés et désarticulés, sortes de spectres ; et du point de vue plastique toujours, il y a une admirable animation de la machine à tisser qui s'emballe au rythme d'une bande-son percutante. Un traitement burlesque et poétique opposé à une situation dramatique.
Si vous avez l'occasion, ne manquez pas ces 55 minutes d'intelligence et de beauté.

Écrit par : Michèle | lundi, 31 janvier 2011

Le problème de ces spectacles, c'est qu'ils tournent peu. Mais j'ai bien noté pour le cas où.

Écrit par : solko | lundi, 31 janvier 2011

C'est là qu'on peut réaliser, aussi, même non-croyant, ce qui était révolutionnaire dans la philosophie chrétienne... :0)

Écrit par : Sophie K. | lundi, 31 janvier 2011

Connais-tu "les transformations de l'homme" de Lewis Mumford, publié par l'encyclopédie des Nuisances ? Mumford y développe exactement cette idée d'un christianisme, "religion axiale", qui réconcilie "le village à l'universel" (je le cite).

Écrit par : solko | lundi, 31 janvier 2011

On m'en avait parlé, il me semble, mais je ne l'ai pas lu... (Rhâ. le temps me manque tellement...)

Écrit par : Sophie K. | mardi, 01 février 2011

«La propriété, base de la relation»... Mais la propriété, c'est le vol, comme disait l'autre. Non?

Écrit par : Natacha S. | lundi, 31 janvier 2011

Alors, la relation est le vol...
(ce que croient tous les ermites...)

Écrit par : solko | lundi, 31 janvier 2011

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