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vendredi, 07 janvier 2011

Mortes saisons du langage

Heureux de me retrouver, clavier en main sur un site que j'affectionne particulièrement, à l'occasion de ces vases communicants. Pendant que je vous parle, là, sur Solko, de langage et de son saccage chaque jour répugnant, l'ami Roland a pris les clefs de l'Exil et s'est installé chez moi.  Manière pour nous deux de concrétiser publiquement une complicité que nous avons depuis bientôt deux ans sur cette inextricable tissage de textes que constituent les blogs.

Amicalement

Bertrand

 

redonnet image.jpg

 

Pauvre langage ! Langage de pauvres !

Vous le savez aussi bien que moi, mais j’ai quand même toujours envie de le dire…Plus rien ne signifie rien….Je lis, par exemple - car on pourrait multiplier les exemples à l’envi  - : « Le moral des ménages est en baisse » ou, a contrario, « le moral des ménages est au beau fixe ».

Le moral réduit à son expression la plus triviale : le taux de consommation.

 

Le cœur de la vie-même chiffré, pesé, évalué, soupesé, vendu, mesuré, établi, estimé, jaugé, aliéné, négocié, soldé, liquidé, rétrocédé, monnayé, calculé, compté, combiné, agencé, réfléchi, troqué à l’aune de la masse de  cochonneries entassée dans la chaumière du citoyen.

Langage mort, reflet  d’une réalité morte.

 

J’avais, pour de Non de Non, écrit cette chanson que j’avais affublée d’une musique : Sim, La, Ré, La, Sim, Fa dièse mineur etc.…Le projet était de l’enregistrer et de la mettre en ouverture de blog.

Ça ne s’est pas fait…Il m’arrive de la chanter en solo. C’est toujours un peu naïf, une chanson. Et comme Roland  était un co-auteur de Non de Non, l’occasion des vases communiquants s’offre à moi de la lui offrir :

 

Ils ont envahi nos pays

Et ravagé nos territoires,

Sans une salve, sans un fusil,

A la seule force de leurs miroirs. 

 

Ils ont déformé tous nos mots,

Ils ont pillé notre langage

En l’enfouissant sur leurs images,

Nous ont murés dans leur ghetto.

 

Couper la langue des insoumis,

C’est plus propre que d’leur couper l’cou,

Et c’est surtout mieux garanti

Pour les voir vivre tous à genoux.

 

Quoi que tu dises, que tu écrives,

Ta rime ira à leur moulin,

Ta poésie à la dérive

De toi ils  feront une putain !

 

Nous sommes condamnés au silence

A moins de leur faire allégeance.

Y’a plus qu’à mettre dans la balance,

Tout  l’désespoir de la violence

 

Et fi de toute hésitation,

Atermoiements et réflexions,

Nous ne reprendrons la parole,

Qu’aux accents de la Carmagnole.

 

06:22 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : bertrand redonnet, poésie, littérature, l'exil de mots, chanson | | |

Commentaires

il y a une chose extraordinaire dans la perception - ainsi que dans l'expression - du langage, ça s'appelle la polysémie.
ce qui donne: on part de "l'ignorance toujous mêne à la servitude" et on arrive à "un serviteur ne peut servir deux maîtres, tout comme un bras ne peut bander deux arcs à la fois".
et pour répondre au deuxième couplet, ce n'est pas grave, car toutes choses sont libres du langage^^

Écrit par : gmc | vendredi, 07 janvier 2011

MACHALLAH

Ne se font envahir
Que des enclos prgrammés
Pour se soumettre
Aux normes propriétaires

La poésie ne connait
Que soumission au tonnerre
Pur velours du riotgun
Une guerre pour une guerre

La poésie toujours dérive
Au gré du vent
Qui empêche la vie de croupir
Dans des marigots assoifés

Personne ne fait taire
Le poète et son exécution
Tel un principe inaltérable
Sous l'essence d'un parfum d'Arménie

Écrit par : gmc | vendredi, 07 janvier 2011

Et déjà, la terminologie employée est horripilante : "ménages" ne renvoie pas aux couples, mais à la ménagère et à son... tiens, on ne dit pas "ménager", donc faudra dégotter un équivalent. Le "ménage", outre que le mot renvoie illico au dépoussiérage des choses accumulées, n'a aucune connotation humaine (on revient à l'extrait de Kontrepwason), je crois qu'il n'existe rien de moins tendre, de moins excitant, de moins intellectuel ni de moins érotique que ce mot-là. Nous avons donc un couple qui ressemble à une paire de Playmobil, madame en rose, monsieur en bleu, et le sondeur fait ensuite semblant de s'intéresser à l'état d'une cervelle commune (erk !) qu'il estime, effectivement, inexistante. Comment ? En lui collant la même mesure que celle des baromètres. Ah oui, j'adorerais que celle-ci se fixe une bonne fois sur le cran "Tempête", tiens.
(Merci pour ce vase communicant qui nous permet de découvrir un nouveau blog.) :0)

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 07 janvier 2011

@ Sophie K : Le mot "ménage" n'est-il pas la version "chauffage-central" de l'ancien "foyer" du temps des cheminées (de châteaux comme de fermes)?

Écrit par : solko | vendredi, 07 janvier 2011

Solko : Ah c'est possible, oui. Auquel cas nous serions des feux, comme jadis... :0)
(C'est quand même moche, "ménages"...")

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 07 janvier 2011

Cela me rappelle un récit assez caustique d'Eric Reinhart, "le moral des ménages". Le personnage principal, après avoir grandi entre un père et un mère très "classe moyenne" et avoir subi le goût prononcé de ses géniteurs pour Michel Delpech retrouve ce dernier bien plus tard dans une impasse sombre et l’assassine sauvagement en le forçant à chanter jusqu'à son dernier souffle "on dirait qu'ça t'gêne de marcher dans la boue / on dirait qu'ça t'gêne de manger avec nous"...

Écrit par : solko | vendredi, 07 janvier 2011

Nous n'irons pas par quatre chemins ,
et n'auront pas le coeur de nos festins .
Des entrailles dont nous nous faisions gloire ,
nous les aveuglerons des mots veufs de notre bel espoir .

Écrit par : lebrac | vendredi, 07 janvier 2011

Pire que les ménages, il y a la ménagère - de moins de 50 ans, car ensuite elle n'intéresse plus personne-. Celle-là, cible favorite des marchands de lessive, s'exprime par la bouche des publiciteux d'une manière épouvantable. Ecoutez seulement les radios, qu'est-ce qu'elle est conne la pauvre ménagère. A une époque il y avait des spécialistes qui taguaient les affiches publicitaires en ridiculisant le slogan. Et l'équipe Chabat Lauby, excellente. Désormais mission impossible, y'en a trop.

Écrit par : Zoë Lucider | vendredi, 07 janvier 2011

La ménagère de cinquante ans peut néanmoins se réconforter, en écoutant les interventions radiophoniques de français moyens de tous âges et de tous sexes, et se dire qu'elle n'est plus la seule à être aussi conne ! Car les cibles étant dorénavant toutes les catégories d'âge, la teen-ager, le papa trentenaire ou le couple de seniors n'ont plus grand chose à lui envier (et vice-versa) en terme de connerie !

Écrit par : solko | samedi, 08 janvier 2011

Solko : pas la pire de Delpech, mais on peut comprendre l'envie de cogner. Ce qui corrobore aussi que le fait d'écrire peut permettre, parfois, de ne pas assassiner... :0)

Zoë : Invasion Los Menageres ?

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 07 janvier 2011

franchement, assasssiner michel delpech...quelle rigolade; vous avez lu un truc pareil, solko?^^ un jour où la saison était morte, rayon langage?

Écrit par : gmc | vendredi, 07 janvier 2011

@ GMC : Cela s'appelle la traversée d'un objet culturel indéterminé, par temps pluvieux, dans le centre qui les ditribue (FNAC) et où on peut les consulter en libre accès

Écrit par : solko | samedi, 08 janvier 2011

Il y a une trentaine d'années, il y avait dans toute entreprise, un directeur du personnel. Il a été remplacé par un directeur des ressources humaines. Aujourd'hui, il n'y a plus ni personnel ni ressource, mais une "variable d'ajustement". Les salariés, chassés de leurs savoirs et de leurs pratiques, ne sont plus qu'une masse abstraite supposée disponible à merci et révocable aussi facilement. Une statistique. Les plans de licenciements qu'on appelait déjà plans sociaux avec une noire ironie, s'appellent aujourd'hui "plans de sauvegarde de l'emploi".
Le discours médiatique a fait disparaître le mot salaire, devenu "le coût du travail", qui est donc une charge, un poids pour l'employeur (on ne parle plus de patron). Il n'y a plus non plus de profits, mais de la création de richesse. D'un côté un coût, de l'autre une création.
La charge idéologique est transparente, lumineuse.
Gérard Mordillat (dont on peut toujours penser qu'il enfonce des portes ouvertes) en écrit, dans son dernier roman "Rouge dans la brume".

Écrit par : Michèle | samedi, 08 janvier 2011

C'est partout, en effet, le règne de la novlangue. Dans l'éducation nationale, les élèves sont des apprenants et, par métonymie, certains qualifient les parents d'élèves de "géniteurs d'apprenants". Il y aussi ceux qui disent "les mamans" ou les "papas"... Le langage de l'infantilisation redouble alors celui de la dépersonnalisation
On retrouve la chanson de Bertrand qui s'en prend à ceux "qui ont déformé tous nos mots". Je ne connaissais pas Gérard Mordillat : un écrivain à suivre, donc. Merci.

Écrit par : solko | samedi, 08 janvier 2011

Voilà que j'étais absent depuis quelques jours...
Je lis donc tous ces commentaires, tous plus édifiants les uns que les autres...

Je remarque quand même, oui, cette notion sexiste ou a-sexué de ménage. En tout cas pas quelque chose de joliment amoureux..Une sorte de SARL de la libido bafouée.
Me suis marré pour Delpech, aussi...

Écrit par : Bertrand | samedi, 08 janvier 2011

N'oublions pas, dans l'analyse de la langue dominante, le livre lumineux d'Eric Hazan : "LQR, La propagande du quotidien" (Raisons d'agir, février 2006).

La fin de cette chanson m'a fait penser à une ballade de Georges Moustaki, rappelée le 11 janvier sur mon blog.

Écrit par : Dominique Hasselmann | mercredi, 12 janvier 2011

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