Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 27 novembre 2010

La bourse ou la vie

portraits à la bourse.JPG

 

Degas - Portraits à la Bourse.

 

Que des spéculateurs puissent aussi facilement s’attaquer à des Etats, que des gouvernements puissent aussi facilement se dédouaner de leurs responsabilités, n’est-ce pas la preuve d’une faillite globale de la civilisation même ?

Le vocabulaire guerrier, mis au service de la défense des intérêts particuliers, s’est emparé de l’économie, il a gagné le discours politique, institutionnel, sociétal, démocratique : chaque parti cherche son « patron », chaque syndicat son « leader », chaque équipe son « coach », et chacun son banquier.  

Ce qui fait couler le navire est un processus suicidaire dans le crédit duquel, un jour,  tout le monde a placé au moins un penny : tout le monde le sait, chacun en témoigne à sa façon, dans un banquet de dupes où quiconque voit son voisin manger une part plus petite ou plus grande que lui du même gâteau crie à l’inégalité de son seul point de vue.

La langue de bois accouche ainsi d’un langage de fer généralisé, qui tient lieu de morale pragmatique devant laquelle, peu ou prou, tout esprit est sommé de s’incliner. 


 

 

 

Je suis de mon temps. J’aime l’argent (Balzac, La Cousine Bette)

 

Je le hais, comme vous haïssez Dieu  (Baudelaire, L’Etranger)

 

Le sang du Pauvre, c’est l’argent. On en vit et on en meurt depuis les siècles. Il résume expressivement toute souffrance. Il est la Gloire, il est la Puissance. Il est la Justice et l’Injustice. Il est la Torture et la Volupté ; Il est exécrable et adorable, symbole flagrant et ruisselant du Christ sauveur, in quo omnia constant  (Bloy, Le Sang du pauvre)

 

Oh ! argent, que j’ai tant méprisé, et que je ne puis aimer quoi que je fasse, je suis forcé d’avouer que tu as pourtant ton mérite ! »   (Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe)

 

Quand on n’a pas d’argent à offrir aux pauvres, il vaut mieux se taire. Quand on leur parle d’autre chose que d’argent, on les trompe, on ment presque toujours

(Céline, Voyage au bout de la nuit)

 

De deux hommes qui dînent ensemble au restaurant, c’est celui qui paie qui s’assoit le plus lourdement sur sa chaise, qui en fait craquer le dossier, qui appelle le garçon de sa voix la plus haute et s’emporte à cause du canard trop cuit ou de la friture manquée 

(Flaubert, L’Education sentimentale)

 

Je dirai de l’argent ce qu’on disait de Caligula, qu’il n’y avait jamais eu un si bon esclave et un si méchant maître. (Montesquieu, Mes Pensées)

 

On a tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens (Rousseau, Discours sur les sciences et les arts)

 

Personne n’accepte de conseils ; mais tout le monde accepte de l’argent : l’argent vaut donc mieux que les conseils (Swift, Instructions aux domestiques)

10:55 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, argent, économie | | |

Commentaires

"Tant qu'il y aura de l'argent, il n'y en aura jamais assez pour tout le monde" (Allen Ginsberg).
Merci pour ce florilège littéraire.

Écrit par : nauher | samedi, 27 novembre 2010

Beaucoup d'entre nous ont payé pour savoir que ce que l'argent fait perdre...

Écrit par : Sophie K. | dimanche, 28 novembre 2010

Je dis comme nauher, merci pour ce florilège littéraire.

Écrit par : Michèle | dimanche, 28 novembre 2010

Merci aussi pour le tableau de Degas.

"Ce que l'on pourrait d'abord prendre pour une simple scène de la vie parisienne est avant tout un portrait : celui du banquier Ernest May (1845-1925), collectionneur et amateur de Degas.

D'apparence chaotique, mais puissamment évocatrice, la composition s'appuie sur une architecture solide et ingénieuse. Le peintre observe son sujet avec une certaine distance. Fils d'un banquier qui a fait faillite, Degas connaît le milieu de l'argent mais refuse d'y pénétrer.
May domine la scène. Autour de lui, d'autres personnages suggèrent l'agitation qui règne à la Bourse. L'artiste ne montre toutefois pas leurs visages, ou il laisse leurs traits flous, afin de diriger l'attention sur le modèle. May le visage blême et allongé, paraît étonnamment plus âgé que ses trente-quatre ans. A la distinction de ses traits, on le croirait volontiers sorti d'une toile du Greco, peintre que Degas admire. Par contre, quelque chose du sentiment de l'artiste à l'égard de la bourse et du monde de la finance transparaît à travers le grotesque des personnages de gauche, à l'arrière-plan. Au-delà de son modèle, ce que Degas donne à voir, c'est la représentation des codes et des coutumes de tout un groupe social représentatif de son temps."

Je ne sais de qui est le commentaire, je l'ai trouvé sur le site du Musée d'Orsay.

Écrit par : Michèle | lundi, 29 novembre 2010

@ Michèle : " de tout un groupe social représentatif aussi de notre temps." A moins que nous ne nous trouvions dans le même. Au grotesque s'est entre les deux rajouté le cynisme.

Écrit par : solko | mardi, 30 novembre 2010

Les commentaires sont fermés.