mardi, 29 décembre 2009
Chose littéraire du temps jadis
Il n’y a rien à faire, on a beau me dire (et avec raison) que je suis moi aussi un contemporain ; j’ai beau apprécier bien évidemment certains textes d’auteurs vivants - & dont certains sont si vivants qu’ils fréquentent même ce blog – je suis un indécrottable amateur des reliures écornées, des pages jaunies, des textes qui s’y lovent. L’occasion m’est donnée à nouveau de l’expérimenter puisque je prépare une « conférence » (ce mot est un peu barbare, on songe à « con fait rance » ; peut-être vaudrait-il mieux employer ce terme désuet de causerie) - une causerie donc (comme celles que faisait le lundi le vieux Sainte-Beuve) mais qui aura lieu un mercredi (le 3 février exactement ; on aura ici l’occasion d’en recauser bien sûr.)
Occasion de se replonger dans l’arôme de toutes ces feuilles roussies, odorantes, de passer le doigt sur leurs pages et d’y sentir le relief laissé par le typo – la main de l’ouvrier au service de la pensée de l’écrivain – main & pensée étant à prendre au sens noble, noblesse du sens laissé doublement par ces caractères dans leur forme et dans leur signification doublement, l'une par l'autre et l'autre par l'une, élaborées : Ah, pour le coup, quelle joyeuse mélancolie ! Lyon vu de Fourvières, par exemple, édité en 1833 chez Léon Boitel, éditeur imprimeur quai Saint-Antoine, 36…. Je suis passé en coup de vent, ce week-end au Quartier Latin. Beaucoup de librairies universitaires et de sciences humaines, pssssst, en une quinzaine d’années, envolées ! Un magasin de fringues, de portables, de kebab à la place. Un Quartier Latin qui n’avait déjà au temps naguère de latin que le nom et qui bientôt… J’ai tout de même retrouvé en ce samedi où Paris était désert et froid, ce face à face si étonnant de Saint Nicolas du Chardonnet et du palais de la Mutualité, cette longue et chère rue des Ecoles qui, de la Sorbonne à Jussieu en passant par le Collège de France, étale son relief inégalement bossu et puis la rue Saint-Jacques non loin de laquelle s’éteignit le pauvre Lélian, la place du Panthéon, ce lacet de la rue de Vaugirard qui ceint le Luxembourg, la splendide rue de Tournon, la rue Garancière veuve dorénavant de ses éditeurs anciens - quelle place inutile tient ce foutu Sénat ! -, la place Saint-Sulpice, la chapelle vide de Delacroix… J’ai l’air de m’égarer ; pourtant non : on erre dans les rues de Paris comme dans les pages des vieux romans lyonnais et vice-versa, mémoire immatérielle, suavité…
Et donc cette conférence qui, à un moment ou à un autre, abordera le thème, bien sûr de la décentralisation littéraire, question qui fut chère au cœur de Léon Boitel et de tous ces romantiques lyonnais parfaitement oubliés sauf de quelques-uns et dont ce vieil ami Béraud fut parmi les derniers authentiques descendants.
Des livres empilés un peu partout, des citations à rassembler, à entrer dans l’ordi, un beau désordre, vraiment... qui ressemble à celui de l’esprit, organiser, mettre en forme…
Pour ce travail tout en lenteur, le silence…
11:32 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : causerie, littérature, quartier latin |
Commentaires
Nous vous laisserons donc avec ce silence si précieux. Celui qui est nécessaire pour arpenter les rues de Paris et tenter de se souvenir des quartiers que vous avez connus dans votre jeunesse. Paris qui est toujours comme un livre ouvert, comme la mémoire de la nation. Et puis maintenant ce silence qui s’impose pour feuilleter tous les livres qui s’empilent dans votre bureau, ces livres du passé sans qui nous ne serions rien. Silence des monastères, aussi, où l’on est en quête d’une vérité autre, silence de chacun de nous, quand nous plongeons dans notre être intérieur, à la recherche de nous-mêmes.
Écrit par : Feuilly | lundi, 28 décembre 2009
"con fait rance"? hé mais Solko c'est grave, c'est du pur Lacan ça!!!!
Écrit par : Sophie | mardi, 29 décembre 2009
Par Roland Barthes! C'est du pur Lacan, en effet, vouos avez raison Sophie.
Écrit par : Feuilly | mardi, 29 décembre 2009
Lacan, Barthes...
Tout de suite les grands noms !
Moi, ça me rappelle plutôt Raymond Devos ou Bobby lapointe...
Écrit par : solko | mardi, 29 décembre 2009
Sophie ya aussi Le con fait rang et puis le con ferrant et là quand on se marre...
Ah la la je préfère aussi bobby lapointe et ce serait bien qu'il se pointe nous redonner un peu le moral.
Écrit par : Michèle | mardi, 29 décembre 2009
Vous n'avez pas le moral Michèle?
Écrit par : Sophie | mardi, 29 décembre 2009
Bon, si on commence à dire que les cons font rangs devant le con ferrant, ça va pas déplacer les foules, et il vaut mieux garder l'idée de la causerie, la cause rit, tout de suite, sans faire son Lacan ni son Lapointe, voilà qui sonne plus gai, n'est-ce pas Sophie et Michèle ?
Écrit par : solko | mardi, 29 décembre 2009
Oui. Sonnons plus gai!!! D'accord.
Écrit par : Sophie | mardi, 29 décembre 2009
Soit, bonne causerie Solko. (je relirai ce billet demain dans de meilleures conditions)
Écrit par : tanguy | mardi, 29 décembre 2009
La cause rit, ça me va si ça vous va. Le moral, Sophie, c'est une politesse que de le garder, mais vous avouerez que vraiment hein : rôled de ondem !
Heureusement on a les seriescau de Solko.
Écrit par : Michèle | mardi, 29 décembre 2009
@ Michèle : C'est très beau ce que vous dites du moral : "une politessse de le garder". Et cela rejoint une réflexion sur la politesse que j'étais en train de mener pour un billet à venir.
Écrit par : solko | mardi, 29 décembre 2009
Et bonne année, cher Solko.
Et bonne année à tous.
Et voilà.
Écrit par : Pascal Adam | mercredi, 30 décembre 2009
Je hais les tours de Saint-Sulpice
et quand je les rencontre
je pisse
contre
(Tristan Tzara)
Écrit par : jihem | mercredi, 30 décembre 2009
J'admire à l'envers la maxime :
Si c'est une politesse que de garder le moral, je suis finalement bien heureux d'être souvent grossier.
Les gens polis ont souvent des secrets à cacher à leurs semblables
Écrit par : Bertrand | mercredi, 30 décembre 2009
La causerie, on l'imagine autour d'un bon feu de cheminée. Alors, peut-être que pour retrouver cette ambiance, on devrait allumer un feu dans la salle de conférence. Les rues par lesquelles vous êtes passé à Paris, en face de la rue Saint-Jacques, non loin de Gibert et près d'un tout petit parc, il y a une statue de Montaigne avec une citation où le grand auteur parle de son amour pour la capitale. Quant aux bouquistes et librairies qui disparaîssent, c'est regrettable mais compréhensible, on trouve tellement moins cher sur internet, frais de livraison compris.
Écrit par : pier paolo | mercredi, 30 décembre 2009
Pour répondre à Pier Paolo sur les bouquins qu’on trouve moins chers sur Internet. Je suis bien d’accord et c’est toute l’ambigüité d’Internet ! Sans bouger de son fauteuil on trouve disques et livres rares qui vous livrés directement dans votre boite aux lettres. Non seulement ça tue le petit commerce de ces amoureux des livres et disques, derniers héros de la culture, mais en plus ça enlève tout le plaisir que nous avions à fouiner dans les bacs ou étagères de ces marchands. C’est dramatique mais d’un autre côté je n’ai pas les moyens de payer plus cher ce que je peux obtenir à un prix raisonnable ailleurs. Cruel dilemme !
Écrit par : Corboland78 | mercredi, 30 décembre 2009
Oui, tout à fait Coboland78, je suis face au même dilemme : hélas, mon porte-monnaie n'est pas extensible à l'envie :-) et je vais au moins cher. Pour ce qui est du plaisir de fouiner, certes rien ne vaut les bouquinistes, mais il m'est arrivé de "fouiner" longuement sur internet et d'éprouver une joie immense en trouvant enfin ce que je cherchais, puis une fois la commande passée les mains tremblantes, attendre impatiemment l'arrivée du livre par courrier en courant vérifier ma boîte aux lettres tout en éprouvant en même temps la peur que le livre ne se perde en route, et enfin une fois celui-ci arrivé, courir chercher des ciseaux pour ouvrir l'enveloppe ou la déchirer sauvagement, rrrhhhh...
Écrit par : pier paolo | mercredi, 30 décembre 2009
@ Corboland et Pier Paolo : Oui bien sûr, le net littéraire prendra une certaine relève, heureusement. Et les sites de bouquinistes ont l'avantage d'autoriser des recherches sur la France, voire le monde entier, et d'être plus efficaces. On peut regretter néanmoins que se perde le charme de nombreuses rues de nos grandes villes. Il se peut aussi qu'une certaine exigence intellectuelle ainsi qu'un certain eclectisme soient quelque peu malmenés par les difficultés rencontrées par beaucoup de maisons d'éditions universitaires.
Nous sommes donc tous logés un peu à la même enseigne, et plongés dans le même dilemme
Écrit par : solko | mercredi, 30 décembre 2009
"On erre dans les rues de Paris comme dans les pages d'un roman" (pas forcément lyonnais je pense) : c'est tellement vrai... et combien peu en goûtent la saveur !
Avant d'arriver place St Sulpice, il y a aussi la rue du même nom où subsistent deux trois belles librairies. Je n'ai pas connu le temps florissant des éditeurs dans ce quartier-là mais quel charme tout de même !
Écrit par : Zabou | mercredi, 30 décembre 2009
Bonjour Zabou,
Je vous souhaite une belle fin d'année, je pense que vous avez dignement fêté la Nativité.
Effectivement, la libraire de l'âge d'homme qui publie les journaux de Bloy est vraiment bien, d'un autre temps... Vous connaissez surement, les uns et les autres.
Écrit par : tanguy | mercredi, 30 décembre 2009
Bonsoir Tanguy,
Très belle fin d'année à vous aussi !
Oui, j'ai fêté dignement la Nativité mais les festivités de fin d'année seront, comme il se doit, bien plus profanes ! J'espère qu'il en a été / en sera de même pour vous.
Cette petite librairie est très belle aussi, en effet.
(Désolée Solko de ce brin de causette chez vous alors que vous causez d'une causerie et de causeries [d'ailleurs, au passage, je signale qu'il y a une réédition des Causeries du lundi en cours. Je ne sais pas quand le projet aboutira car nous n'en sommes qu'au travail sur le tome 1 mais c'est franchement passionnant]).
Écrit par : Zabou | mercredi, 30 décembre 2009
Je passais juste me faire un petit sniff d'arôme de feuille roussie,(amôres de liufles ourises) pour la route (supl que quelques ruhes). Et vous enroucager. Et pisu vous triquiter je cite : "Pour ce travail tout en lenteur le silence"... Lenteur, silence, c'est très beau, je vous suis . Mais ce mot" travail" (je vais pas jouer les rocretirces du cab),masi entre nuso le mot"travail" c'est pas plus rugiloxe que "conférence", ("qu'on ferre à Anse" avec l'accent de St Chamaond), j'ai décidé d'être contrariante, ça me fait penser à l'oulipo ! Connaissez vous cette variation homophonique ? Le Bonaparte Manchot ?) Variment lapointe ! (et du puco, je m'aperçois, que Lapointe est l'anagramme de poilante, ah mais vraiment ! les mots nous en font voir( rivo et i-bero ! ;-), c'est plus un blog, c'est une ardoise magique, (draponnez moi Kloso, prou la cafonde) Verenons à son montous : Si vous remplacez "conférence" par "causerie", ( et vous avez raison, "causerie" c'est tout à fait marchant), il faudrait remplacer aussi le mot "travail" par le mot "oeuvre" (oyez z'y dont moi ça : "Pour l'oeuvre, tout en lenteur, le silence". Ca fait quand même plus habillé ;-) gonsez trusout à l'ytogimolée ! cela dit pour votre "causerie", je vous souhaite tout le coeur à l'ouvrage. Nous en resaucerons beni... Et pour la bonne année à vosu et tosu sov imas, j'attends la rehue châhe, vous vasez uqe ej sius sètr à vechal rus sel rohiares.
@Chimèle : Si j'étais près de chez vous je vous offrirai (rirofafi)
"les raviatoins hofoquimones de l'ioupol"(déjà prononcez ça demain dix fois à voix haute à votre boulangère, ça varigotte). Et aussi, je vous offrirai (rorififa) une toubeille de pamchagne prou le romal, ce seriat un totu epit bedut...
Écrit par : Frasby | jeudi, 31 décembre 2009
Solko,
Je vous ai retrouvé la citation de Montaigne sur Paris, figurant sur sa statue près de la rue Saint-Jacques, dans la rue des Ecoles : "Je l'aime tendrement jusqu'à ses verrues et ses taches. Je ne suis français que par cette grande cité." (Essais, III, 9). Pour la photo de la statue c'est ici
: http://images.google.com/imgres?imgurl=http://www.routard.com/images_contenu/communaute/photos/publi/047/pt46619.jpg&imgrefurl=http://www.routard.com/photos/paris/46620-montaigne.htm&usg=__WUidtT3dX8yZMn-UL13pxzL0N84=&h=585&w=390&sz=100&hl=fr&start=3&sig2=kLrMw3T392yfxl0yeg7F1g&tbnid=vUjoWg6JXpUEDM:&tbnh=135&tbnw=90&prev=/images%3Fq%3Dmontaigne%2Bstatue%2Bparis%26gbv%3D2%26hl%3Dfr&ei=EIM8S9POOeic4AakrbGqCA
Écrit par : pier paolo | jeudi, 31 décembre 2009
@ Frasby : Merci pour l'ardoise magique. Voilà qui éveille des souvenirs. Et comme je sais uqe vous êtres "sètr à vechal rus sel rohiares" je vous garde plein de voeux aux frigidaire pour le jour où vous entrerez en 2010.
Écrit par : solko | vendredi, 01 janvier 2010
@ Pier Paolo :
Merci pour cette photo de Montaigne.
Bonne année à vous.
Écrit par : solko | vendredi, 01 janvier 2010
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