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mardi, 21 avril 2009

Cérémonies sans fin

Dimanche soir aura lieu la énième cérémonie des Molières. Foutu calendrier, comme il passe ! On se demande ce qui pourrait ébranler quelque peu ce programme ironique dans lequel on nous suggère plus ou moins de faire tenir nos existences, et qui égrène ses soirées  en paillettes d’années en années et d'écran en écran, comme si tout avait été déjà dit, écrit, joué, nominé. Comme si le théâtre était mort. C’est un vieil habitué des princesses et des princes, des révérences et des coupes de champagne rose, le vieux Frédéric Mitterand, qui tentera de conférer un peu de piquant à la soirée. Voilà qui promet. Trois écuries sont en lice pour le Molière du théâtre public : la Comédie Française, le TNP ou le TNS. Christian Schiaretti se taille d’ailleurs une part de lion : son Coriolan, plusieurs fois nominé, ne représente-t-il pas, au fond, ce que le théâtre subventionné peut produire de plus conventionnel -c'est-à-dire de ni pire ni meilleur, pour la bonne santé des abonnements et des soirs de galas ? des acteurs formés à s’envoyer la réplique (quelle qu’elle soit) sur un plateau vide et mouvementé, de façon claire et intelligible afin qu’on l’entende cette putain de réplique, même si on est mal placé, tout au fond. Pour le Molière de la mise en scène, Schiaretti se retrouve en compétition avec Braunschweig, Lidon, Lavigne, Nordey et Long. Le suspense est insoutenable. Ces paroles de Tadeusz Kantor, tristes, magnifiques et par lui prononcées au moment de la fondation du théâtre Cricot 2, en 1955, lequel d’entre nous aura donc la force d’aller les hurler sur la scène moisie du théâtre de Paris, dimanche soir à 20h30 ?


Situation en 1955

 

La situation des théâtres est désespérée.

Depuis très longtemps une avant-garde ne s’est plus manifestée dans le théâtre.

Tout se noie dans des sauces assaisonnées de Dieu sait quoi.

L’éclectisme règne

Le radicalisme est soit interdit, soit déprécié

Les imbéciles, solidement installés dans leur situation dans la vie, se servent cyniquement du prestige de l’art dans leurs intérêts propres.

Ils persuadent tout le monde de leur monopole de la vérité et de l’art.

Fabriquent l’opinion générale sur leur connaissance, leur bon goût, leur savoir sublime

Ce sont eux qui font que l’artiste – le vrai – est méprisé, suspecté, raillé et exterminé.

T.Kantor, Le théâtre de la mort, L'Age d'homme, 1987

 

00:26 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : théâtre, tadeusz kantor, schiaretti | | |

Commentaires

Je vais m'acheter Le théâtre de la mort de Kantor.
Les éditions L'Age d'homme sont décidément de bonnes éditions.

Écrit par : michèle pambrun | mardi, 21 avril 2009

Editions de Bablet et non pas de L'Age d'homme (qui sont des éditions en Suisse), pour "Le théâtre de la mort, l'âge d'homme" de Tadeusz Kantor. Merci, Solko.
Ah l'immédiateté des commentaires et les petites cervelles ! :-)

Écrit par : michèle pambrun | mardi, 21 avril 2009

Tiens, c'est étonnant à quel point je ne suis pas d'accord avec vous. Pour différentes raisons, d'ailleurs. D'abord, parce que je n'aime guère Kantor (mais n'ayant rien vu, je fais ici référence à ce que j'ai lu). Ensuite, parce que je pense que ce sont en grande partie les avant-gardes depuis Dada, et peut-être même Rimbaud (et sinon lui-même, sa récupération) qui ont mené les arts à leur stupide et moutonnière impasse de rebelles à confort. Enfin parce que je comprends mal votre reproche fait au théâtre conventionnel, le théâtre essentiellement étant convention, et convention partagée (à son sommet, l'opéra); de sorte que je trouve que le théâtre conventionnel est aussi le théâtre de toujours, à concurrence toutefois de sa part de modernité lui échappant... J'espère que ce que je dis est à peu près clair (j'ai essayé de faire bref).

Écrit par : Pascal Adam | jeudi, 23 avril 2009

Après quoi, les Molière, et là je suis bien d'accord avec vous, on s'en bat l'oeil...

Écrit par : Pascal Adam | jeudi, 23 avril 2009

@ Pascal :
Je n'ai jamais trop raisonné en termes d'écoles. Pour moi, Kantor arrive sur scène davantage tel un individu, avec toute la mémoire historique dont il est chargé, le drame de la Pologne et de la guerre, la vision burlesque du monde, tout ce qui habite et donne vie à ce qu'on pourrait appeler son "esthétique dada". La Classe morte est l'un des spectacles les plus déstabiblisants que j'ai vu.
Vous savez, il y a eu les imitateurs et les continuateurs de Racine qui ont fait les tragédies qu'on sait au XVIIIème, il y a eu les romanciers qui ont imité Proust, Joyce ou Céline durant toute le seconde partie du XXème siècle : il en va de même de ce théâtre de la précarité sorti de 14/18. En faire en n'ayant rien à raconter, c'est dramatique. Ce que j'appelle théâtre conventionnel, c'est cela : un théâtre de continuateurs.
Comme Racine ou Joyce n'ont eu de pires ennemis que leurs immédiats imitateurs, les "avant-gardes" depuis Dada en France (mais Kantor est en Pologne dans une autre affaire si j'ose dire) n'ont fait que jouer avec ce qui n'était pas un jeu à l'origine. Rien de pire, en effet, qu'une avant-garde institutionnalisée. C'est un peu l'effet que me fait Schiaretti : je trouve qu'il ne fait que continuer en bon élève une convention de plateau largement à bout de souffle (le TNP des années 60) , sans vraiment "monter" au sens ou, justement, les conventions théâtrales plus amples dont vous parlez l'exigent, Shakespeare. Tout ça est très intéressant et demanderait de plus amples développements, évidemment. J'espère donc que ce que je dis est à peu près clair...

Écrit par : solko | samedi, 25 avril 2009

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