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lundi, 22 septembre 2008

Essai de rentrée

C'est une des rares bonnes nouvelles de cette rentrée prétendument littéraire : la ré-édition de Orwell anarchiste tory de Jean Claude Michéa. 

J'ai découvert Jean Claude Michea, comme beaucoup de lecteurs, en l'an 2000, à l'occasion de la parution de son petit livre bleu, l'Enseignement de l'Ignorance. Bel oxymoron, à l'époque où Claude Allègre, le grotesque et rougeaud Hardy de Jospin, imposait à un corps professoral (sidéré de découvrir que le socialisme était l'un des meilleurs alliés de la droite libérale) la réforme planifiée par l'OCDE; réforme dont X.Darcos, agrégé de lettres et ministre de Sarkozy, fait avaler en toute tranquillité les dernieres couleuvres à une opinion publique occupée à compter ses sous dans un porte-monnaie de plus en plus flasque, et à un corps professoral en pleine déliquescence.

Un peu plus tard, Jean Claude Michea, directeur de collection chez Climats, m'a fait découvrir le penseur américain Christopher Lasch (1932-1994), l'une des figures les plus complexes et les plus originales de la critique contemporaine. De cet esprit lumineux et jusqu'alors inconnu au bataillon, j'ai donc lu successivement  La culture du Narcissisme, Le seul et vrai paradis, et, plus récemment, Le Moi Assiégé, tous publiés chez Climats avant que la fort parisienne maison Flammarion ne rachète la petite maison d'édition du sud de la France  ( Ah, les déboires éditoriaux, je laisse à cette occasion à Bertrand Redonnet le soin d'en parler.)

Jean Claude Michéa, c'est aussi  Orwell éducateur (2000), Impasse Adam Smith (octobre 2002), L'empire du moindre mal (2007). Un travail critique toujours éclairé, un style décapant, le ton du polémiste passé par l'Université  : au hasard, ceci, que je prends dans le très joli "Pour en finir avec le XXIème siècle", texte qui servit de préface à La Culture du Narcissisme de Lasch, en cette année particulièrement ridicule que fut l'an 2000 (son passage au nouveau millénaire, son "arrivée des nouvelles technologies", son éclipse, rappelez-vous, j'en passe - et des meilleures) : "Pour s'être laissés déposséder du peu d'autonomie politique qui leur restait par ces bienvaillants tuteurs à l'esprit si ouvert, les vaincus du monde moderne, -c'est-à-dire, comme toujours, les travailleurs  et les simples gens - finissent par se retrouver, pour des raisons symétriques, dans la même situation d'impuissance que les ouvriers du XIXème siècle, lorsqu'ils ne s'étaient pas encore dotés d'organisations politiques indépendantes." 

Michea, fils de communistes et lecteur passionné d'Orwell, éclaire les zones d'ombre et débusque les compromis du monde assoiffé où nous nous trouvons; monde de narcisses liquidateurs, de progressistes prédateurs, d'ébahis de la vie consommateurs de psychotropes, monde dans lequel le paradoxe tient lieu d'attitude et le double langage de sincérité.

 

00:00 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : jean claude michea, littérature, actualité, société, libéralisme, orwell | | |

Commentaires

Vous me donnez envie de lire Michéa cet "esprit lumineux" (ah, d'Orwell seulement lu "A Paris et à Londres dans la dèche" et "1984"). Quels titres! "Impasse Adam Smith" c'est formidable.
(et sinon, je prends risque de paraitre flagorneuse, tant pis, bah, je pense pas que vous le prendrez comme ça, mais vous m'avez fait rire avec "cette année 2000 ridicule" ! je suis bien d'accord! Mon père -que j'aime tant- capitaine au long cours et féru d'astronomie ne décolérait pas, lui si calme, contre cette "mascarade de l'éclipse" -enfin il voulait dire: ce qu'on en avait fait.
L'éventail vous salue!

Écrit par : sophie L.L | dimanche, 21 septembre 2008

Le ridicule an 2000, oui, je signe. Toutes ces lunettes en carton vendues partout... On dépensait nos derniers billets en francs. Ceux qui parlaient tout seuls dans la rue, un cordon ombilical dans l'oreille, passaient encore pour des cons. On ignorait encore ce qu'était un gratuit. Dans un rapport de l'OCDE, je lisais : "il faudra supprimer des programmes d'éducation la lecture de tous les textes inutiles". (C'est à dire la philosophie, la littérature...).
Michea, certains l'accusent d'être devenu un boutiquier. On dit toujours ça du succès. La lecture de ses livres reste stimulante, vraiment. Ce n'est pas rien, dans un monde où le grotesque BHL passe pour un philosophe, et son épouse ridicule pour une diva.

Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008

Vous devriez savoir que mon BHL grille en enfer depuis que votre crétin d'ami l'y a précipité et que je suis devenue sur la toile l'égérie des gourdes. J'admets être une conne, mais je refuse le terme ridicule. Quant à mon titre de diva, il est tout à fait mérité ; qui mieux que moi a porté au zénith l'image de la blonde décervelée ? Cela dit, je vous remercie d'avoir parlé de moi, surtout dans la dernière phrase de votre article. Après tout, c'est par elle que le lecteur finit et ça l'oblige à penser à moi. Tout plutôt que l'obscurité.

Écrit par : Arielle D. | dimanche, 21 septembre 2008

Ah ! ah ! Arielle D. réagit ... Et bien, par son attitude elle confirme vos propos. Mais nous venons tous de l'obscurité et nous y retournerons tous sans exception. Rien n'est plus éphémère que la gloire d'un artiste alors qu'ils visent en permanence l'éternité ... Un peu de modestie voyons ! D'ailleurs les vrais grands artistes sont modestes. Cela ne semble pas être le cas ici.

Écrit par : simone alexandre | dimanche, 21 septembre 2008

Très bonne nouvelle en effet que cette réédition. A bientôt...

Écrit par : Pascal Adam | dimanche, 21 septembre 2008

Bonjour Pascal et merci de votre visite. Je respecte le voeu que vous avez prononcé dans votre "cellule" en en fermant les commentaires ; j'en suis donc un lecteur au passage aussi silencieux que régulier. J'ai craint que vous nous fassiez ce que j'appelle "le coup de Tang" ( encore que Vaste Blogue soit ré-entrouvert) à l'occasion de l'anniversaire de Theatrum Mundi. Le billet 210 est toujours un moment dur à passer. Heureux de vous voir en selle pour cent billets de plus.
A bientôt, donc.

Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008

Michéa cité par Sollers aujourd'hui dans le Journal du dimanche. Bon, je pense que si vous ne lisez plus Le Monde c'est pas pour lire le JDD comme on dit (tout est dans le "on" comme vous dites!), mais moi ça me plait qu'il soit évoqué dans cette page comme une des parutions ultra intéressantes de la rentrée.

Écrit par : sophie L.L | dimanche, 21 septembre 2008

Merci, Sophie, du renseignement. Cela dit, je méprise Sollers autant que j'estime Michea. Sérieusement. Pour moi, Sollers est un con, de toute éternité. Mais que le marquis des lettres décomposées à la bouche en cul de poule fasse à Michéa un peu de promo dans le JDD, je n'irai pas le déplorant...

Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008

Votre esprit est féroce, chez Solko ! Brusquement, je me sens moins seule ... N'est pas concernant Sollers que Jean Edern Hallier avait ce geste auguste du semeur (mais par dessus l'épaule) quand il animait cette émission littéraire dont j'ai oublié le nom, à la télé ? ...

Écrit par : simone. | dimanche, 21 septembre 2008

En me relisant, je m'aperçois que le " ce " de n'est-ce pas est passé à la trappe. Merci de bien vouloir le remettre en place, au moins mentalement. Sorry ... Il est tard, je dois commencer à fatiguer.

Écrit par : simone (bis) | dimanche, 21 septembre 2008

Je vous assure, chère Simone, qu'il n'y a pas moins féroce que moi. Et pourtant Sollers, tout comme d'ailleurs sa dulcinée, m'a toujours donné de l'urticaire. Vous avez raison, Jean Heldern a bien dû semer du Sollers, comme du Kristeva, par-dessus son épaule. Est-ce pour cela que ça a tant repoussé ? Tout ce qu'on sème sur un plateau télé fait donc des petits...Ah, pauvres de nous !

Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008

J'aime beaucoup cette phrase "Sollers est un con de toute éternité "
On devrait la faire apprendre par coeur aux enfants à leurs parents, puis aux collégiens,puis aux lycéens et dans les facs . A force on arriverait peut être à bout de ce vieux machin .

Écrit par : frasby | dimanche, 21 septembre 2008

Ah, Frasby, comme ça fait du bien, n'est-ce pas, de casser du sucre sur ce vieux machin quand il se fait tard et qu'on a pas envie de se coucher !

Écrit par : solko | dimanche, 21 septembre 2008

Moquez vous ! moquez vous ! C'est vrai qu'il fait se tard et que j'ai sûrement des choses plus édifiantes à lire que de perdre mon temps à babiller pour ne rien dire à propos de rien...

Écrit par : frasby | lundi, 22 septembre 2008

Nous conclurons donc en soulignant l'analogie entre rien et Ph. Sollers, ce qui n'est pas tout à fait rien !

Écrit par : solko | lundi, 22 septembre 2008

chaque chose portant en elle son contraire, c'est même plutôt flatteur, non?

Écrit par : gmc | lundi, 22 septembre 2008

Sollers, une totalité ? Non, n'exagérez pas GMC. Quel serait, appliqué à son cas, le contraire de rien ?

Écrit par : solko | lundi, 22 septembre 2008

Merci pour cet article.

Orwell anarchiste tory? Ca me paraît réellement bizarre qu'il se soit défini ainsi. Peut-être que son Dans la dèche à Paris et à Londres rejoint le tory, mais que faire de 1984, Animal farm ou bien encore (et surtout Hommage à la Catalogne).

Orwell pour moi c'est le POUM et le POUM c'est une assemblée de victimes des stratégies politiques. Comment être tory quand on a été lâché en Espagne, comment être socialiste quand on a été lâché en Espagne.

Écrit par : Léopold | mercredi, 24 septembre 2008

Dans les appendices de l'Hommage à la Catalogne, Orwell rappelle sa distance à l'égard des partis (y compris le POUM : En fait son engagement est auprès de l'humain ( voir le très beau portrait de l'Italien inconnu qui ouvre "Hommage à la Catalogne"). Il va vite découvrir les limites des partisans miliciens, serviteurs de la cause, dont l'ambition n'est pas très nette : C'est à partir de ce paradoxe, justement, que Michea réfléchit. Et c'est l'occasion, pour lui, de mettre en lumière la collaboration efficiente, dans l'essor historique du capitalisme, entre partis de gauche et de droite pour abolir la culture ouvrière et "la common decency" (société décente ) source de l'engagement d'Orwell contre le fascsme et le capitalisme. Orwell comprend que la destuction plus ou moins programmée, en tous cas concertée, de cette "common decency" était indispensable à l'installation de la société du marché généralisé. Michea travaille beaucoup églement à partir des essais d'Orwell, publiés par "l'Encyclopédie des Nuisances", pour montrer en quoi ce dernier a été si l'on veut précurseur dans la critique du système. Je vous conseille ces lectures... Je suis en train de lire le chapitre rajouté dans la ré-édition (à propos de 1984), qui sera l'objet tantôt d'un billet. On pourra en reparler. Le gros problème demeurant l'impossibilité d'agir au-delà...

Écrit par : solko | mercredi, 24 septembre 2008

ça y est! J'ai trouvé l'article dont tu me parlais sur mon blog!
J'en profite donc pour déposer un commentaire.
Indéniablement, notre époque actuelle nous renvoie au roman d'Orwell.
Un livre ô combien pessimiste écrit en 1948. En inversant les 2 dernières lettres, tu obtiens 1984.
Un roman que l'auteur écrit en se sachant condamné... Personnellement, j'ai vraiment envie de découvrir le livre de Jean Calude Michéa!
je vais tout faire pour le le procurer!

Écrit par : eeeelsoliver | samedi, 27 septembre 2008

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