lundi, 07 août 2017
Vladimir
Je suis tellement habitué à la laideur autorevendiquée de l’art contemporain qu’en me retrouvant nez à nez avec cette statue colossale de Vladimir 1er sur la place Borovitskaïa, en face du Kremlin, je suis tombé dans le panneau : Le gigantisme (16 mètres de haut ), la croix brandie, l’épée à la main, la frise de bas-reliefs en arrière, ce ne pouvait qu’être un monument ancien !!! un bémol, cependant : comment aurait-il pu sans encombre traverser en un tel lieu l’ère soviétique dans sa totalité ? Je demandai quelques explications, et j’appris qu’un autre Vladimir, plus contemporain, venait en réalité tout juste d’inaugurer cette statue colossale en novembre dernier, à l’occasion de la fête de l’Unité qui commémore ici la fin des Temps des Troubles en 1613.
Novembre dernier ? Ça alors ! Sainte Russie ! Imagine—t’on l’érection d’un tel monument à la gloire de Clovis ou de Jeanne d’Arc sur la place de la Concorde, à deux pas de l’Élysée ? En France, on préfère le plug anal de MacCarthy ou bien le vagin géant d'Anish Kapoor. Comme j'aimerais pouvoir dire du bien de mon pays, plutôt que de le vilipender sans cesse, me dis-je en en imaginant déjà les plaintes des braillards, les pétitions des laïcards, les procès les procès es associations…
Il y eut certes des débats en Russie sur le bien-fondé politique de l’opération Vladimir Sviatoslavitch ( en russe : Владимир Святославич1er); ce prince de la Rus' de Kiev ne posa jamais le pied à Moscou (et pour cause !) et dans le cadre du conflit ukrainien, certains parlèrent de propagande u pouvoir en place. On débattit également de l'emplacement à allouer à cette cette œuvre gigantesque, mais pas sur la nature même du projet, personne ne contestant le fait que le baptême du prince Vladimir 1er Sviatoslavitch en Crimée en 988, fût à l’origine de la nation au sens historique du terme… La Russie est chrétienne, c'est un fait avéré. La France ne l'est plus.
Je mesurais au pied de cette statue quel piège s’est refermé sur la France : ses principes maçonniques de laïcité élevés en valeurs universelles dont on répand le catéchisme pervers dans le monde entier, son prétendu allié américain qui n'a de cesse depuis un siècle de défaire son influence partout où il le peut, ce fameux rôle qu'elle s'attribue dans la construction européenne, ses amitiés africaines et arabes on ne peut plus ambigues, sa tradition d’accueil constamment réaménagée… ses fameux Droits de l'Homme, enfin, dont le sacre idéologique n'a jamais servi qu'à voiler les turpitudes de la République... Après avoir transformé en parc culturel tout l’héritage français de l’Ancien Régime, les dirigeants républicains n’ont eu de cesse de proclamer que l’Histoire de France commençait avec leur Déclaration : soit. Au sens propre, les rois de France sont donc devenus obscènes, comme sont en train de le devenir les santons de la crèche, et bientôt les Français de souche qui résistent.
Les Russes, eux, ne se perdent pas dans autant d'arguties. Vladimir 1er, donc ! Le projet, soutenu par l'Église orthodoxe et le ministère de la Culture, rappelle non seulement « les racines chrétiennes » de la Russie, dont la France ne se souvient que si l'on égorge un prêtre sur l'autel, mais aussi ses liens historiques avec l'Ukraine, que par tous les moyens Européens et Américains tentent d’arracher et de faire basculer de leur côté. Poutine, dans son discours d‘inauguration, saisit l'occasion et cita même la Crimée :
« Ce fut en Crimée (…) que le Grand Prince Vladimir fut baptisé avant d’apporter le christianisme à la Russie. (…) Le christianisme a été une puissante force unificatrice spirituelle qui a contribué à impliquer les diverses tribus et les unions tribales du vaste monde slave orientale dans la création d’une nation russe et de l’État russe. Ce fut grâce à cette unité spirituelle que nos ancêtres pour la première fois et pour toujours se sont considérés comme une nation unie. Tout cela nous permet de dire que la Crimée, (…), et Sébastopol ont une importance civilisationnelle et même sacrée inestimable pour la Russie. » Voilà qui est envoyé.
En France, où l’on tremble pour installer nos santons dans des lieux publics de peur de déplaire à des musulmans ou d’enfreindre des principes maçonniques, un tel discours risquerait d'entraîner son auteur vers quelque tribunal sur le champ. Nous en sommes là. Alors, à l’ombre de la Croix de Vladimir, je me prends de nouveau à prier pour mon pauvre pays, oui, celui dont Marthe Robin dit un jour que lorsque toutes les solutions intellectuelles, politiques et militaires (nous n’en sommes plus très loin) auront échoué, il sera sauvé par une intervention du Saint Esprit… En attendant, tant d'eau coule sous tant de ponts que Brigitte Macron devient la marraine d'un panda chinois nouveau-né, et que le PSG qatari offre un pont d'or à un club catalan pour débaucher un attaquant brésilien... Vive la France, et vive la Sainte Russie !
Baptême de Vladimir 1er, bas relief derrière le monument (détail). Une oeuvre contemporaine...
17:59 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : moscou, vladimir1er, poutine, place borovitskaïa |