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vendredi, 25 décembre 2015

Propter nostram salutem descendit de caelo

J’ai croisé cette nuit six des 120 000 policiers et gendarmes mobilisés, les églises étant, parait-il, « des cibles potentielles d’attaques terroristes ». Trois d’entre eux déambulaient dans la rue saint Jean presque déserte. L’un s’est arrêté devant la vitrine d’un marchand de bonzaïs, pour désigner à ses deux collègues une plante qui, leur dit-il, « gobe les mouches comme ça. »  (et vivement, il rabattit les doigts de sa main gauche sur sa paume, la dextre tenant le fusil). Rangers, bérets, treillis, drôles de bergers ! Trois autres sur le parvis de la primatiale. Il était 22 heures environ, les portes étaient encore fermées. J’ai filé tout droit, vers l’église saint-Georges où l’on célébrait « selon le rite extraordinaire », comme on dit à présent, c'est-à-dire en latin, dos au peuple et selon le missel d’avant Vatican II.  Devant cette église, point de surveillance, ou alors très discrète.

C’est la nuit de la Nativité. « Depuis quatre mille ans nous le promettaient les prophètes », et depuis deux mille, pouvons nous rajouter, martyrs et saints l’ont glorifié.  La chrétienté, c’est d’abord une histoire, qui débute à nouveau cette nuit. C’est aussi une architecture, des églises répandues partout dans le monde pour la raconter encore et encore, aux hommes de bonne volonté. Ce sont, enfin et surtout, des sacrements. La chrétienté, ça ne se laisse pas terroriser aussi facilement que ça. Tout ce climat dans lequel le gouvernement et les médias tiennent l’opinion parait s’évaporer dans une sorte d’illusion artificielle, théâtralement entretenue, lorsque la chorale entame l’introït : « Dominus dixit ad me : Filius meus es tu, ego hodie genui te » (1)

Je me suis demandé un jour combien d’hosties les hommes avaient dévoré depuis l’établissement de l’Eucharistie. Combien, à travers les siècles des siècles et au cours de leurs misérables vies ?  Insondable mystère de la présence continue du Dieu invisible. Je me suis souvent demandé aussi ce qui avait pu se passer dans la tête des premiers disciples, quand ils virent leur Christ pour la première fois prendre ce pain, ce simple pain posé là, sur la table, et leur dire tout à coup : « Prenez et mangez, car ceci est mon corps… ». Leur surprise. Leur tête !  Pouvaient-ils imaginer, eux, ce qu’Il était en train de fonder ? D’instituer ? Et ces milliards, ces milliards d’hosties à venir ? Jusqu'à cette nuit pleine de militaires... In saecula saeculorum...

Le Christ : qu’elle est sainte, en effet, cette nuit, bien au-delà des menaces des fous d’Allah et des craintes des politiciens…. Cette nuit, Sa première nuit de nouveau… L’un des abbés, à la sortie, me serre chaleureusement la main :

« C’est beau...

   Oui, c’est très très beau !»

Je suis revenu à pied, ne rencontrant finalement que très peu de monde, dans cette nuit de Noël aux relents anormalement printaniers, l’autre menace contre laquelle les rondes militaires ne peuvent rien. Quel temps ! Je portais en moi cette simple parole du Credo, «  propter nostram salutem descendit de caelo » et j’étais comme vidé de tout le reste. Ca et là, des traces d’urine, de vomi, des détritus. Dans le ciel sombre, sous la basilique de Fourvière, les lettres brillantes du « Merci Marie » retrouvaient un sens pleinement religieux : malgré tous les efforts de la municipalité pour le réduire à une formule lapidaire pour syndicat d’initiative (où est passé le « Marie Mère de Dieu de jadis » ?), oui, merci Marie pour ce Fils. Car Dieu, affirment les théologiens, lui ayant laissé pleinement son libre arbitre, elle aurait pu se refuser, comme la plupart d’entre nous nous refusons, à Lui.

Magnificat ! Une histoire sainte dans laquelle vivre, donc. Certes, nous ne sommes plus habitués, empêtrés dans nos raisonnements limités. Une ancienne action de grâces byzantine que j’aime particulièrement dit à un moment « Mère compatissante du Dieu de Miséricorde, ayez pitié de moi et placez la componction et la contrition dans mon cœur, l’humilité dans mes pensées, et la réflexion dans la captivité de mes raisonnement. » La réflexion dans la captivité de mes raisonnements… J’aime beaucoup. Beaucoup… Quelle captivité de mes raisonnements, en effet, me fait encore tiquer devant tel ou tel point du Credo, n’en pas comprendre toute l’authentique sagesse ni gouter toute la surnaturelle réalité ? Ah, si l’on comprenait vraiment ce que signifie la rémission des péchés, la communion des saints, la résurrection de la chair, quel Gloria unanime s’élèverait alors ! Et comme on clouerait le bec à tous les prôneurs de valeurs abstraites et théoriques ! Ne parlons pas des faiseurs de Jihad ! Et de quelle utilité nous seraient alors militaires comme politiques...

merci_marie.jpg

(1) Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui »