dimanche, 15 juin 2014
Le match France Honduras menacé
Contre toute attente, la plupart des footballeurs des équipes engagées dans le Mondial se sont déclarées en grève ininterrompue, afin de protester contre les mesures prises par le gouvernement, visant à remettre en cause leur statut d’intermittents. Un joueur, en effet, n’appartenant financièrement à aucun club, se trouve contraint d’accumuler des heures de jeu au fil des mois et des championnats. Entre chaque match, il doit donc se déclarer au chômage et y toucher de quoi survivre. Or, si cette réforme scélérate aboutissait, le nombre d’heures de jeu exigé par les assurances chômage pour valider un dossier de prise en charge deviendrait si élevé, que pour espérer un modeste SMIC, un footballeur moyen devrait jouer quatre à six matches par semaines, ce qui le transformerait en gladiateur, voire mercenaire du spectacle, ce qui est proprement inenvisageable dans une démocratie éclairée, même si des esprits chagrin continuent à affirmer que le football n'est qu'un divertissement mineur, dont après tout on pourrait bien se passer.
Quand on voit pendant ce temps, parader à Avignon des directeurs de compagnies théâtrales subventionnées par le Qatar et les oligarques russes, compagnies dont les acteurs embauchés à l’année touchent des salaires pouvant s’élever jusqu’à plusieurs millions d’euros par an -le tout pour intervenir dans deux ou trois créations par saison-, on se dit que la vénération pour l’art théâtral et le mépris pour le sport est proprement invraisemblable dans ce pays ! Certes, les Concours Tragiques occupaient dans la Grèce antique un moment important dans l’année, mais je tiens à rappeler la place conjointe des Jeux olympiques dans la patrie d’Homère et de Socrate. Enfin quoi, tout pour la tête, rien pour le corps ? Cela veut dire quoi, ces auteurs dramatiques honorés comme des dieux vivants sur Terre, quand les directeurs de clubs et les entraîneurs en sont réduits pour survivre à vendre jusqu’à leurs boutons de culottes et manifester à poil ?
Intermittents footballeurs nus, manifestants à poil dans les rues du Brésil
Sur une chaîne d’informations non stop, on voit ainsi des troupes de comédiens multi millionnaires répéter dans la Cour du Palais des Papes, cernés par des caméras comme s’ils étaient des ministres. Les metteurs en scène sont acclamés tels des dieux, de salles de presse en salles de presse. On se presse pour recueillir la plus humble déclaration quant à leur dernière création. La moindre de leur intention de jeu est reprise en boucle sur tous les écrans et répercutée par tous les gratuits de France, comme s’il s’agissait d’une affaire d’Etat. Le théâtre bénéficie d’une telle couverture médiatique par rapport au football, étonnez-vous que l’art dramatique suscite une tel engouement dans les classes populaires !
Et pourtant ! La belle affaire, honnêtement, de savoir s’il faut tirer Shakespeare davantage du côté comique ou dramatique, si la diérèse doit permettre de relancer le souffle ou de contraindre au soupir dans l’alexandrin racinien, si les salles proposant des pièces consacrées à la critique du pouvoir et à l’exposé du fonctionnement de sa propagande doivent être ouvertes aux – de 12 ans ! Pendant ce temps là, nous, pauvres footeux, essuyons de concert le dédain des directeurs de chaîne et celui des élus politiques. Ras le bol de l’élitisme ! La culture, ça suffit, y'a le sport aussi ! Voilà pourquoi, las de discriminations si vives et si incessantes, nous entamons une grève de la faim illimitée, et ce jusqu’à ce que mort s’en suive.
17:35 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : avignon, intermittents, brésil, mondial, football, théâtre, satire, littérature, palais des papes, france honduras |