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mercredi, 12 novembre 2014

L'homme, l'homme, l'homme...

N’ont plus que ce mot à la bouche, tout ça pour avoir envoyé une sonde sur une comète. L’homme ! J’avoue que s’il m’est arrivé très souvent d’être heureux d’être un homme et d’être vivant, plus que ça, d'en être même ivre de joie, de juste respirer, et ce à n'importe quel âge de ma vie, je n’ai jamais, jamais je crois, été fier d’appartenir à cette espèce de grand prédateur imbécile qui est la mienne. J'ignore pourquoi, mais c'est un fait. Sauf peut-être en pénétrant, le cœur palpitant dans quelque grande production de l’esprit : la Comédie humaine de Balzac, la cathédrale de Chartres, par exemple...

J’entendais tout à l’heure un binoclard de la Cité des Sciences, exalté jusqu’à la déraison, comparer « la prouesse technologique » des scientifiques européens à la construction d’une cathédrale. Mais c’est oublier un peu vite que la cathédrale, dans son intention, n’était point une œuvre tournée vers la célébration de soi, this famous human being, mais vers Dieu, c'est-à-dire une forme d’Autre, d’Absolu, même s’il paraît qu’Il nous fit à son image.  Non pas une oblitération du ciel, mais au contraire, une ouverture vers lui, et avec majuscules, s'il vous plait !

 

Et d'autres, parler d'humanisme, tout ça parce que leur machin s'est accroché à ce caillou. Qui cela va-t-il rendre heureux ? Qui cela va-t-il rendre ivre de joie ? Bref, cet autosacramental dérisoire de l’espèce, cet entre-soi célébré par les fadas de Google avec leur doodle puéril et répandu sur tous les écrans,  est aussi inquiétant que dérisoire. Et puis Philae, ce nom ridicule, cette propagande débile pour l’Europe quand on sait ce que la zone euro aura fait vivre à la Grèce, justement… Non, décidément, l’humanisme ramené à ça, j'ai vraiment du mal... vanité, plutôt, tout cela n'est que pure vanité, et célébration immodeste, mise en scène aussi immodeste que grossière de technophiles, tandis que la planète meurt et avec elle la conscience des peuples qui survivent de plus en plus péniblement dessus.

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dimanche, 16 mars 2014

Quand on parle du Loup

Une mise en scène de Nino d’Introna, c’est avant tout une succession d’images, qui se construisent et se déconstruisent devant le spectateur, pour laisser place à une autre, et ainsi de suite : le tout devenant le  fil conducteur d’une histoire racontée. C’est la raison principale pour laquelle nous aimons ses spectacles. Il pratique un théâtre magnifiquement visuel, de création en création plus épuré.

Certes, il vous dira que le détour par le visuel est la façon la plus simple et la plus signifiante de s’adresser à son premier public, les enfants. Mais il sait bien aussi que la ruse de la théâtralité est toute là : l'émotion doit naître du visuel. C'est l'artifice le plus juste et le plus universel dont dispose un homme de théâtre pour raconter une histoire aux gens de tous âges, de toutes générations. N’était-ce pas le conseil d’Ariane Mnouchkine à Philippe Caubère : « parle leur comme s‘ils avaient sept ans. » ? 

Cette année, Nino d’Introna a choisi de parler du loup, de raconter le Petit Chaperon Rouge. Le propos est de décliner les deux versions du conte (celle de Perrault et celle de Grimm) selon les différentes interprétations d’une même chanson, le fameux My Way, qui devient une sorte d’unité de lieu, de temps, d’action.  

 My way, -entendez mon chemin, mon destin-, du point de vue du Petit Chaperon Rouge, c’est en effet le devoir écouter sa mère, dont les conseils sont souvent indigestes, d’assister sa grand-mère dans sa dépendance (thème très à la mode), d’affronter enfin le loup qui tente et séduit, de danser avec lui. Du point de vue du loup, c'est d'être à la hauteur de la peur qu’il inspire, et de porter la solitude qui découle d'elle. Du point de vue de la mère et de la grand mère, c'est d'assumer cette fonction parentale de plus en plus malmenée, la transmission.  En constituant une thématique commune aux personnages, My Way, - mon chemin, celui à quoi je dois me tenir sans m’égarer– est bien le centre de gravité de l’action.

My Way, c’est aussi le décor retenu, un chemin en Z qui est tout autant  scénique (lieu de l’action) que métaphorique (chemin de la vie).  My Way, c’est enfin la solitude finale à laquelle chaque personnage, chaperon, loup, grand-mère, est subtilement rendu à la fin : « Cette histoire raconte la répétition intergénérationnelle. Je me dis que peut-être la mère a déjà vécu la même peur, la grand-mère aussi, que c’est une transmission de prudence que chacune fera à son tour à sa propre fille, pour mettre en vigilance l’enfance contre les dangers de la vie. Il est inimaginable que l’homme puisse vivre sans la peur », explique Nino d’Introna.

 

Cette lecture personnelle du metteur en scène se construit harmonieusement à partir des dénouements divergents de Perrault et des Grimm (chez l’un la petite fille est mangée, chez les autres elle est sauvée par le chasseur qui ouvre le ventre du loup) : les deux sont en effet  interprétés, ce qui apporte au spectacle à la fois la distanciation indispensable du récit (ah le subjonctif imparfait et le futur de choir de Perrault !), et l’immersion dans le premier degré de la dramaturgie (le rideau de scène devenu loup, par exemple). Le classicisme du conte, aussi immuable qu'universel, s’exprime ainsi dans une forme à la fois jubilatoire, légère et émouvante qui fait mouche. Hier soir, le spectacle a été ovationné. 

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© Cyrille Sabatier

 

Quand on parle du Loup, TNG - du 15 au 22 mars

Une création de Nino d'Introna,

avec Maxime Cella, Angélique Heller, Hélène Pierre