Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 15 novembre 2010

Les Jeco à Lyon

JECO-11.2009-BDT3.jpg

 

On a rarement l'occasion de parler d'économie sur ce blog. C'est un tort. Mais le taulier reconnaît modestement qu'il n'y connait pas grand chose. C'est pourquoi il a demandé du renfort et est ravi d'héberger ce compte-rendu d'Alain Combes sur les JECO qui viennent de s'achever.

 

Certains, et pas seulement Madame Christine Lagarde, avaient inscrit sur leur agenda de la semaine 45 : «JECO» à Lyon, «G20» à Séoul. En effet, avant le  cinquième G20, s’est déroulée dans la capitale rhodanienne, la troisième édition des journées de l’économie organisées par Pascal Le Merrer, professeur à l’ENS-LSH.
Le point commun de ces deux manifestations?
Dans les deux cas on a discuté de l’avenir du monde et la comparaison s’impose d’autant plus que le thème principal de l’édition 2010 était la gouvernance, nouveau terme à la mode depuis quelques années, utilisé pour désigner la mise en place par les acteurs tant publics (gouvernements, institutions internationales) que privés (entreprises, associations, syndicats,...) de règles, institutions, incitations,... en mesure de gouverner le monde, l’Europe, l’environnement, et, sur un plan microéconomique, les entreprises.
Ce sont près de deux cents intervenants qui ont animé pendant trois jours (du 9 au 11 novembre) quarante-trois conférences réparties dans neuf lieux différents et souvent prestigieux, rassemblant plusieurs milliers de participants. Ces derniers avaient l’opportunité de se restaurer tous les jours à la CCI (haut lieu du «capital» lyonnais, place de la Bourse) ou à l’Hôtel du département (sous les ors de la république).
Le pari de ces journées tel que le formule le Directeur général des JECO - « offrir un accueil convivial dans des lieux qui (vous) permettront de découvrir la ville de Lyon au gré des itinéraires entre les salles des conférences tout en prolongeant les débats entre participants » - est une nouvelle fois gagné. Si on met de côté les étudiants, souvent en licence ou en classes préparatoires, toujours plus nombreux, le public des intervenants et des participants se compose de personnes aux mêmes caractéristiques professionnelles: professeurs, experts, banquiers, chefs d’entreprise, chercheurs, politiques, membres d’associations,... en activité ou à la retraite.
Les JECO réussissent ainsi à mélanger trois générations: des jeunes de 18 à 30 ans, souvent en formation, des actifs de 30 à 65 ans et de jeunes retraités. Tout ce beau monde parvient à échanger soit à la fin des conférences, soit autour des buffets. Le public composé de Lyonnais, mais aussi de participants venus pour la circonstance des quatre coins de la France, a ainsi l’opportunité de pénétrer des lieux qu’il n’aurait pas le loisir de connaître autrement. L’appréciation est unanime: « Lyon est une belle ville ! »
Que retenir de ces conférences? En prenant un peu de hauteur, on saisit les raisons de la modestie des intervenants. Nous vivons dans un monde bouleversé mais nous n’en sommes encore qu’aux prémices de ces transformations. La crise dans laquelle nous sommes plongés, tout le monde en convient aujourd’hui, sera une crise durable.
Vers quel avenir tendons-nous?
D’aucuns pratiquent la « politique de l’oxymore » en parlant de « développement durable », de « croissance verte », de « moraliser le capitalisme », « d’urgence du long terme », «d’apprivoiser le risque»... Mais le discours est aussi guerrier, avec «la grande bataille des matières premières, «la culture, une arme économique?». Si l’on se prépare à devoir affronter des guerres commerciales, d’autres guerres se profilent à court ou moyen terme: des guerres des monnaies, des guerres des générations, des guerres de l’eau...
Ils sont loin les discours lénifiants qui étaient encore de mise il y a peu : on sait qu’on ne sait pas. Ou plutôt, les experts, de l’écologie ou de l’économie, nous disent savoir comment régler les problèmes actuels. Ils semblent penser en même temps qu’il y a peu de chances qu’ils se règlent par la coopération et on est très loin du triomphe d’une quelconque raison mondiale. Les deux branches de l’alternative paraissent se situer soit vers plus de
démocratie (mais les procédures démocratiques sont lentes et il y a urgence), soit vers l’auto-proclamation d’un despote éclairé qui trouverait le moyen d’imposer ses
décisions en incarnant le bien commun.
Cette dernière possibilité est-elle très éloignée du rêve de notre président qui assure la présidence conjointe du G20 et du G8 depuis aujourd’hui?
Au delà de la diversité des thèmes abordés, le retour du politique paraît de rigueur. L’unité obtenue après-guerre par la mise en place des États-providence avait inventé un nouveau type d’État. Depuis la crise de 1974 et ses suites, « les droits de l’homme et l’idéologie économique tendent à réduire l’existence en commun à un monde d’individus régulé par le seul marché et débarrassé de la contrainte publique. Nous avons basculé dans une société anti-politique, et nous en payons le prix » nous dit Marcel Gauchet dans Libération d’aujourd’hui. Nombreuses sont les comparaisons effectuées entre la crise actuelle et la crise des années 1930. L’histoire est capable de balbutier. Il faut donc se méfier de ceux qui répètent à l’envi, « cette fois, c’est différent ».

Voilà aussi ce que l’on peut tirer de la fréquentation de ces passionnantes  journées de l’économie.

 

Alain COMBES - professeur d'économie

 

18:50 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lyon, jeco, société, économie, politique, crise | | |