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jeudi, 05 février 2009

Une affaire de goût

Beaucoup de gens disent que leur goût est naturel. Et de ce goût prétendument naturel, ils font la mesure de tout jugement esthétique, parfois même éthique. "J'aime, j'aime pas", variante assez stupéfiante du médiatique "pour ou contre", qui structure de plus en plus leurs opinions. Impression que demeure ainsi un choix, que ce choix relève d'un goût, et que ce goût est naturel. Et de ce goût prétendument naturel, ils font l'étalon absolu, la mesure exacte de ce qu'ils voient, de ce qu'ils rencontrent. "J'aime, j'aime pas" : Sorte de pensée magique, de crédo mystique, la référence en matière de sapes, objets, livres, films, tableaux, people, manifestations, festivals et parfois même, idées ... Jamais nous n'aurons vécu aussi loin de la nature, jamais, nous ne l'aurons mise à autant de sauces : c'est naturel, disent-ils de tout et n'importe quoi... mais comment peut-on sérieusement penser que le goût est naturel alors qu'on vit dans une société où, précisément, plus rien ne l'est ?

La nature, elle-même, Séjour des dieux chez les Grecs, Mère providentielle chez les humanistes, Asile miséricordieux chez les romantiques, chez nous, & par la grâce de notre sémantique, n'est plus qu'un simple environnement. Voilà à quoi nous avons réduit la représentation que, collectivement, nous nous en faisons. Cela n'empêche pas quelques-uns d'entre nous de l'admirer, certes : mais toujours de très loin; mais comment, loin de cette nature qui nous environne, aurions-nous pu conserver un goût naturel, lequel serait passé à travers tous les filtres de l'éducation, du conditionnement, de l'idéologie, des affects... pour toutes les saloperies que la grande distribution, commerciale ou culturelle, nous refile à digérer ? Froissés, sans doute, de n'être pas le centre réel de l'univers comme l'avaient cru les Antiques, nous, modernes, nous nous sommes en quelque sorte configurés un centre. Et de là, de ce centre où les notions d'inné et d'acquis ne sont même plus identifiables, éloignés de la tradition du goût, nous prenons la mesure de ce tout qui nous entoure. Combien de gens pensent-ils encore qu'en matière esthétique, le goût est avant tout une affaire d'éducation ? Combien de gens ont-ils encore l'humilité de se dire qu'ils pourraient, qu'ils devraient éduquer leur goût ?  Combien de gens en ressentent-ils encore la nécessité, dans cette étrange et partout régnante confusion ?

 

20:53 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : goût, culture, enseignement | | |