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mercredi, 05 novembre 2008

Une élection américaine comme une autre

Le dernier sondage donnait le score du challenger de plus en plus rapproché de celui du favori, si bien que, si la tendance s'était accentuée, il aurait fort bien pu le battre. Dès l'aube du jour de l'élection, le sondage Reper donnait 55,3 % à l'un, 44,8% à l'autre, soit une approximation de 1/2% de ce que devait être le résultat réel lorsqu'il fut finalement proclamé. Le soir de l'élection, après un souper pris debout au cottage de Mme Roosevelt, nous nous rendîmes en auto, à travers les bois de Hyde Park jusqu'à la demeure principale que le Président aimait tant, où nous voulions écouter les résultats du scrutin. Dans une petite pièce à gauche du grand hall se tenait la mère du Président en compagnie de quelques vieilles dames de ses amies qui cousaient, tricotaient ou bavardaient. La radio marchait en sourdine, et elles ne semblaient d'ailleurs y prêter que peu d'attention. Dans le grand salon, où fonctionnait un autre poste, se pressait une foule curieusement bigarrée. Roosevelt, lui, était dans la salle à manger sans veston entre ses fils, son oncle Fred Delano et quelques collaborateurs. Des graphiques géants encombraient la table et dans l'office cliquetaient des téléscripteurs. Mme Eléanor Roosevelt allait d'une pièce à l'autre, attentive aux besoins

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de ses invités et ne paraissant jamais s'arrêter pour écouter les résultats. Si on lui demandait son avis, elle répondait d'un air détaché : « Il paraît que Wilkie (1) est en excellente posture dans le Michigan. »  C'était dit exactement sur le ton dont elle aurait usé pour remarquer : « Le jardinier m'a prévenue que les soucis fleuriront un peu en retard, cette année. »  En compagnie de ma femme et de George Backer, j'allai rejoindre Hopkins (2) dans sa chambre. Il avait un petit poste de radio à 15 dollars, semblable à celui qu'il devait offrir plus tard à Churchill. Avec quelques résultats, il avait commencé un graphique, mais son papier était presque entièrement couvert de dessins. A cette heure, la position de Willkie paraissait beaucoup plus forte qu'on aurait pu s'y attendre. On m'a raconté qu'au début de la soirée, Roosevelt lui-même doutait  de l'issue de la consultation. A partir de 10 heures, sa victoire apparut cependant si certaine qu'il fallut renoncer à marquer les points avec exactitude. Un peu plus tard, le Président et tous les invités sortirent sous la véranda pour assister au défilé des gens de Hyde Park , dont l'un portait une pancarte sur laquelle on avait hâtivement écrit : Bon pour le troisième. Et Roosevelt était tout particulièrement heureux d'avoir triomphé dans sa circonscription natale, fief républicain, par 376 voix contre 302 : ce fut son plus grand succès électoral à Hyde Park.

Photo :  Anna Eleanor Roosevelt (1884 - 1962) Texte : Robert E. Sherwood - Le Mémorial de Roosevelt, d'après les papiers de Harry Hopkins, "la campagne pour le troisième mandat", Paris, Librairie Plon, 1950

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(1) Wendell Willkie, candidat républicain face au Président Roosevelt lors de sa ré-élection pour son troisième mandat, en novembre 1940

(2) Harry Hopkins, bras droit de Roosevelt, conseiller auprès de lui lors de l'élaboration du New Deal, patron de sa diplomatie durant la Seconde Guerre Mondiale. C'est d'après les nombreux documents qu'il laissa à sa mort en 1946 que l'un de ses adjoints, R.E. Sherwood, composa Le Mémorial Roosevelt. 

09:04 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : élection d'obama, eléanor roosevelt | | |