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mardi, 03 mai 2016

Collector

Le propre de la société du spectacle telle que Debord l'a définie est d’accorder toujours à chaque élément de sa contestation la place marchande qui lui reviendra un jour ou l’autre dans son système. C’est ainsi que les meilleurs slogans du carnavalesque mai 68 vinrent finalement s’échouer dans une campagne de pub de la grande distribution : « il est interdit d’interdire de vendre moins cher », clamèrent à l’occasion des quarante ans du mouvement l’agence Australie, en quatre visuels déclinant les « combats » de l'enseigne qui lui avait passé commande : parapharmacie, essence, culture et sacs plastiques jetables. « Sous les pavés, la consommation », personne ne fut ainsi plus éloquent quant à la postérité de 68 que le bien nommé Leclerc. Avant de venir s’échouer dans cette salutaire mise à nu, les tracts contenant les slogans les plus détonants de ce funeste mois étaient passés, il est vrai, par quelques expositions à Beaubourg pour bobos nostalgiques, et avaient battu quelques records à Drouot, entre un vinyle des Beatles et une planche de Tintin. Les spécimens les plus brillants de la génération 68 qui s’étaient illustrés tout en braillant ni Dieu ni maître rue des écoles indiquaient par là où se trouvaient ses dieux et quels étaient ses véritables maîtres à penser.

Alors que l’Assemblée Nationale s’apprête une fois de plus à dilapider les voix et les sous des contribuables en de vains débats, la contestation de la loi El Khomri  [dont personne ne dénonce véritablement les pires méfaits][1], se poursuit dans la jeunesse, aiment à commenter sur les plateaux des chaînes infos les spécialistes de la vie politique française. Ils auraient aimé, ces spécialistes-là, avoir autre chose à se mettre sous la dent que la lassitude des riverains et l’exaspération des commerçants devant les scènes de casse et de dégradation. Il est certain, au passage, que si en lieu et place de Nuit Debout, un mouvement organisé par l’extrême droite eût porté sur la place publique la nécessité pour la France de quitter au plus vite la zone euro, peut-être que Hollande, Valls et ses sbires auraient commandé une évacuation manu militari des lieux. Sans doute les éminences socialistes espéraient-elles, au moment où, comme la comique ministre de l’Education Nationale, mi clown, mi garçon manqué, toutes exprimaient à demi-mots leurs soutien pour ce mouvement naissant, l’éclosion de je ne sais quel Podemos versus Marianne. Ils n’eurent qu’une « kermesse au milieu de l’indifférence », comme l’académicien Finkielkraut  le fit sagement remarquer.

Mais une kermesse, même insignifiante [ qu’est-ce qui a le pouvoir de signifier un peu plus qu’une image dans cette société du spectacle, dont le fondement est  la défaite de toute pensée? ] se doit d'avoir aussi ses slogans. Un slogan, c'est comme un selfie, un instantané de la vacuité qui passe avant de rejoindre l'insignifiant néant d'où il est sorti. Et j'avoue que ces deux visuels placardés à l'entrée d'un lycée par un vaillant militant, parce qu'ils expriment toute la stupidité des temps et toute la veulerie de ses dirigeants, méritent qu'on s'attarde sur eux quelques secondes. Parce que le slogan final par lequel se clôt la litanie pour décérébrés dysorthographiés qui clôt le second, oui, est vraiment collector...

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[1] l'article 6 stipule que «la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.» Ainsi, le transfert des fêtes religieuses chrétiennes vers les fêtes musulmanes est en cours et l’islamisation des mœurs se met en place avec la bénédiction de ce gouvernement d’islamo gauchistes corrompus

lundi, 17 septembre 2012

La grande distribution a perdu son guru

Monsieur Leclerc est allé rejoindre Bernardo Trujilo dans les souterrains infernaux de la grande distribution post mortem. Bon voyage, Edouard. Les centres Leclerc post-modernes vendent-ils des cercueils ? Il faudrait aller vérifier. La grande famille des consommateurs satisfaits pourrait dès lors se rassembler pour en offrir un au big boss qui vient d’avaler son extrait de naissance. Emballez c’est passez.

J’ai la chance d’habiter non loin d’un boulevard sur lequel siège un marché presque quotidien. Un vrai, avec des maraîchers qui gueulent, des fromagers qui plaisantent, des poissonniers qui glissent un citron dans le sac en plastique bleu, et un super tripier qui vend des andouillettes et de la salade de museau, un vrai bonheur...

Facile, dès lors, de se dispenser des courses chez Edouard and son. Du coup le « no parking no business » qui fit la fortune des Carrefour, Auchan et autres Darty me demeure lettres mortes.

Trujilo, c’est vrai, avait pourtant du talent : Son « les pauvres ont besoin des prix bas, les riches les adorent » témoigne d’une connaissance presque balzacienne du cœur humain. Et tous ses commandements sont du même acabit : « Empilez haut, vendez à prix bas », une véritable prophétie. N’empêche. La même répugnance, toujours, à entrer dans ces centres de distribution. « Tout et tous sous le même toit », ça n’a jamais été ma tasse de thé.

Deux phrases introduisaient, parait-il les séminaires de Trujilo :
- « Messieurs, un million de commerçants sont morts cette année dans le monde pour n’avoir pas su prévoir l’avenir. Je vous demande d’observer une minute de silence pour honorer leur mémoire ! »
- « Et maintenant, une autre minute de silence pour les millions d’autres qui vont mourir et qui ne le savent pas encore. J’en vois quelques-uns parmi vous… »

Sans jouer au poujadiste rétrograde, on ne sait non plus combien de petits commerçants Edouard le financier aura fait crever à feux lents. Il aura bel et bien été un de ceux par lequel un certain malheur s’est irrémédiablement abattu dans le fameux panier de la ménagère et sur l’assiette de bébé.  J’ai lu quelque part que le groupe, avec un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros en 2011,  vise aujourd’hui de détrôner Carrefour de sa place de leader d’ici 2015. Le nouveau premier ministre, dont je ne sais toujours pas orthographier le nom, a salué « une réussite économique incontestable » et son ministre de l’économie, Moscomachin, a évoqué «un pionnier de la grande distribution de talent ». Les héros qu'on peut, qu'on a, hein...

Bien dans leurs baskets, les nouveaux dirigeants. De la grande distribution langagière, dans toute sa gloire. Faut dire que certains sociologues n’hésitent pas non plus à faire du grand papa d’Issy les Moulineaux un des fondateurs de la révolution sociale en France. Un clerc, le clerc, quoi. Mériterait presque le Panthéon. Ce serait au fond une sorte d’honnêteté intellectuelle de cette République sociale et consumériste de l’y coller, entre Hugo, Moulin, Zola et autres Jaurès. A Leclerc, la patrie reconnaissante, je vous dis. Et foin du maréchal de Hauteclocque, libérateur d'un autre temps. Faut vous dire que chez ces gens-là,  on a, c’est vrai, les libérateurs qu’on peut…

 

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22:27 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : edouard leclerc, bernardo trujilo, consommation, société | | |