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dimanche, 15 février 2009

Pour cinq mille balles de mythologie

Dans les années soixante, feu les Classiques Garnier jaune proposaient un recueil mythologique de Pierre Commelin (1837-1926) qui fit les choux gras des lycéens de l’époque et qu’on peut encore trouver en occasion. En exergue de son recueil de mythologie gréco-latine, ce dernier avait placé cette phrase :

« La mythologie est évidemment une série de mensonges. Mais ces mensonges ont été, durant de longs siècles, des sujets de croyance. Ils ont eu dans l’esprit des Grecs et des Latins, la valeur de dogmes et de réalités. À ce titre ils ont inspiré les hommes, soutenu des institutions parfois très respectables, suggéré aux artistes, aux poètes, aux littérateurs l’idée de créations et même d’admirables chefs-d’œuvre. »

La Banque de France s’est toujours intéressée à ces mensonges, dont avec minutie elle décora pendant plus d’un siècle ses jolies vignettes, images fiduciaires pour ne pas dire pieuses, dont elle abreuva les Français à travers tous les soubresauts de leur histoire. Au sortir de la seconde guerre mondiale, peut-être ces derniers avaient-ils envie de légèreté, besoin d’insouciance : est-ce pour cette raison qu’en 1959, elle confia à Sébastien Laurent la fabrication, pour sa nouvelle valeur faciale de 5000 francs, d’un billet à l’effigie de Pomone ? Pomone – cela sonne un peu comme Simone (Signoret), oscar le 4 avril 1960 de la meilleure actrice  pour son interprétation dans le film Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton.

 Mais ce n’est pas Simone. Ni Momone, la demi-sœur de Piaf, autre icône de ces années-là. Non.  Pomone est une des charmantes divinités de la campagne, telles que les Romains ont eu le bonheur d’en inventer. Recherchée en mariage par tous les dieux champêtres, elle avait donné sa préférence à Vertumne, le dieu des changements de temps et des variations climatiques, sous le gouvernement de qui Denis Diderot eut la sagesse de placer son magnifique Neveu de Rameau. («Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid… »)

« Pomone, raconte Commelin, nymphe d'une remarquable beauté, fut recherchée en mariage par tous les dieux champêtres. Elle donna la préférence à Vertumne, à cause de la conformité de leurs goûts. Aucune nymphe ne connaissait comme elle l'art de cultiver les jardins et surtout les arbres fruitiers. Son culte passa de chez les Etrusques à Rome où elle avait un temple et des autels. On la représentait ordinairement assise sur un grand panier plein de fleurs et de fruits, tenant de la main gauche quelques pommes, et de la droite un rameau. Les poètes l'ont dépeinte couronnée de feuilles de vigne et de grappes de raisin, tenant dans ses mains une corne d'abondance ou une corbeille remplie de fruits. »

 Sur le billet de Sébastien Laurent la jeune nymphe est accompagnée d’une Amphitrite tenant en mains un trident et un coquillage, ce qui représente l’amitié et la collaboration entre la terre et la mer. Le billet Pomone a survécu jusqu’en1957, c'est-à-dire qu’il fut en gros le billet de cinq mille de la Quatrième République. Celle de Piaf et de Signoret, de Mendes France et de René Coty…  C’est le bon roi Henri qui  détrôna Pomone sur les billets de cinq mille. Et le grand Charles, René Coty, à l’Elysée. Mais ça, c’est une tout autre histoire.

 

 
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