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samedi, 26 janvier 2019

Saint Polycarpe à Lyon

« Les portes de l’enfer ne prévaudront contre elle ». Les coups de canons lancés des Brotteaux contre la façade de l’église Saint Polycarpe à Lyon par les troupes de la Convention en 1793 illustrent avec éloquence la sentence du Christ : la façade élevée par l'architecte Toussaint Loyer, disciple de Soufflot, demeure, malgré les déprédations visibles sur les pilastres.

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À l’intérieur, un bois peint de la fin du XVIIIe siècle représente un saint Polycarpe stylisé dans le gout de ce siècle, qui porte au cou l’étole de l’évêque et à la main la palme du martyre. De ce saint qui vécut auprès de l’apôtre Jean à Éphèse après son séjour à Patmos, ne demeure essentiellement que le témoignage de son disciple Irénée, premier évêque de Lyon. On en garde plusieurs images : celle d’un farouche ennemi des hérésies en ce premier siècle du christianisme où elles pullulent ; celle d’un évêque influent et respecté ; celle d’un martyr témoin du Christ et de l’Esprit Saint

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I Polycarpe et l’hérésie

Vers 190, Irénée de Lyon écrivit une lettre à l’un de ses amis d’enfance, Florinus, tombé dans l’erreur gnostique afin de lui rappeler quelques souvenirs de leur commune jeunesse à Smyrne : « Je t’ai vu, quand j’étais encore enfant, dans l’Asie inférieure, où tu brillais alors par ton emploi à la cour, je t’ai vu près de Polycarpe, cherchant à acquérir son estime. Je me souviens mieux de ces temps-là que de ce qui est arrivé depuis, car ce que nous avons appris dans l’enfance croît dans l’âme, s’identifie avec elle : si bien que je pourrais dire l’endroit où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour causer, sa démarche, sa physionomie, sa façon de vivre, les traits de son corps, sa manière d’entretenir l’assistance, comment il racontait la familiarité qu’il avait eue avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur. Et ce qu’il leur avait entendu dire sur le Seigneur et sur ses miracles et sur sa doctrine. Polycarpe le rapportait comme l’ayant reçu des témoins oculaires du Verbe de Vie, le tout conforme aux Écritures. » Il rapporte alors l’aversion de l’évêque Polycarpe pour l’hérésie ; « Je puis témoigner en face de Dieu que si ce presbytre bienheureux et apostolique avait entendu quelque chose de semblable à ce que tu dis, Florinus], il aurait poussé des cris et se serait bouché les oreilles, en disant, selon qu’il était accoutumé : « O Dieu bon, pour quel temps m’as-tu réservé, pour que je supporte cela ? » Et il se serait enfui du lieu dans lequel, assis ou debout, il aurait entendu de telles paroles.

 Dans les préliminaires du Livre III de son Contre les Hérésies, le même Irénée évoquer les circonstances de sa rencontre avec Polycarpe :

« Mais on peut nommer également Polycarpe. Non seulement il fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c'est encore par des apôtres qu'il fut établi, pour l'Asie, comme évêque dans l'Église de Smyrne. Nous-même l'avons vu dans notre prime jeunesse — car il vécut longtemps et c'est dans une vieillesse avancée que, après avoir rendu un glorieux et très éclatant témoignage, il sortit de cette vie—. Or il enseigna toujours la doctrine qu'il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l'Église transmet et qui est la seule vraie. C'est ce dont témoignent toutes les Églises d'Asie et ceux qui jusqu'à ce jour ont succédé à Polycarpe, qui était un témoin de la vérité autrement digne de foi et sûr que Valentin, Marcion et tous les autres tenants d'opinions fausses. Venu à Rome sous Anicet, il détourna des hérétiques susdits un grand nombre de personnes et les ramena à l'Église de Dieu, en proclamant qu'il n'avait reçu des apôtres qu'une seule et unique vérité, celle-là même qui était transmise par l'Église. Certains l'ont entendu raconter que Jean, le disciple du Seigneur, étant allé aux bains à Éphèse, aperçut Cérinthe à l'intérieur ; il bondit alors hors des thermes sans s'être baigné, en s'écriant : « Sauvons-nous, de peur que les thermes ne s'écroulent, car à l'intérieur se trouve Cérinthe, l'ennemi de la vérité ! » Et Polycarpe lui-même, à Marcion qui l'abordait un jour et lui disait : « Reconnais-nous », « Je te reconnais, répondit-il, pour le premier-né de Satan ». Si grande était la circonspection des apôtres et de leurs disciples, qu'ils allaient jusqu'à refuser de communier, même en paroles, avec l'un de ces hommes qui falsifiaient la vérité. Comme le dit également Paul : « L'hérétique, après un premier et un deuxième avertissement, rejette-le, sachant qu'un tel homme est perverti et qu'en péchant il est lui-même l'auteur de sa condamnation ». Il existe aussi une très importante lettre de Polycarpe écrite aux Philippiens, où ceux qui le veulent et qui ont le souci de leur salut peuvent apprendre et le trait distinctif de sa foi et la prédication de la vérité. Ajoutons enfin que l'Église d'Éphèse, fondée par Paul et où Jean demeura jusqu'à l'époque de Trajan, est aussi un témoin véridique de la Tradition des apôtres. »

II Un évêque influent :

  1. Polycarpe et le pape Anicet :

Le voyage de Polycarpe à Rome qu’évoque Irénée s’était déroulé sous le pontificat d’Anicet (154-165). Il s’agissait d’une question concernant la date de la Paque.  Tandis que les églises d’Asie, fidèles à la tradition, célébrait la Paque le 14e jour de Nisan, quel que soit le jour de la semaine, celle de Rome la célébrait toujours un dimanche. Bien que la question entre le pontife et l’évêque ne trouvât alors pas de solution, les deux s’étaient quittés en paix, comme le raconte Irénée dans une lettre au pape Victor citée par Eusèbe :

« Le bienheureux Polycarpe ayant fait un séjour à Rome sous Anicet, ils eurent l’un avec l’autre d’autres divergences sans importance, mais ils firent aussitôt la paix, et sur ce chapitre ils ne se disputèrent pas entre eux. En effet, Anicet ne pouvait persuader Polycarpe de ne pas observer ce que, avec Jean, le disciple de Notre-Seigneur, et les autres apôtres avec qui il avait vécu, il avait toujours observé ; et Polycarpe de son côté ne persuada pas Anicet de garder l’observance ; car il disait qu’il fallait retenir la coutume des presbytres antérieurs à lui. Et les autres choses étant ainsi, ils communièrent l’un avec l’autre, et à l’église, Anicet céda l’Eucharistie à Polycarpe, évidemment par déférence ; ils se séparèrent l’un de l’autre dans la paix ; et dans toute l’Église on avait la paix, qu’on observât ou non le quatorzième jour. »

  1. La lettre de Polycarpe aux Philippiens

Rédigé en grec, c’est le seul écrit de Polycarpe attesté qui demeure. L’épître est une exhortation quatorze chapitres, jointe aux lettres d’Ignace d’Antioche qu’il envoie aux Philippiens qui en ont exprimé le désir. Elle appartient au genre parénétique et comporte de nombreux emprunts, tant à saint Clément de Rome qu’à la première épître de Pierre ou celle de Paul aux mêmes Philippiens. Après avoir donné quelques conseils aux fidèles, aux diacres, aux jeunes gens, aux vierges et aux presbytes, il s’adresse à l’ensemble de la communauté, qu’il met en garde contre le docétisme :  « Quiconque  ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un antichrist ; et celui qui ne confesse pas le témoignage de la Croix vient du diable ; et celui qui détourne les paroles du Seigneur selon ses propres désirs et ne reconnaît ni résurrection ni jugement, celui-là est premier-né de Satan. C'est pourquoi abandonnons la vanité des foules et les enseignements mensongers pour revenir à la parole qui nous a été transmise dès le commencement ; restons sobres pour pouvoir prier, persévérons dans les jeûnes, supplions dans nos prières le Dieu qui voit tout de ne pas nous induire en tentation, car, le Seigneur l'a dit, l'esprit est prompt, mais la chair est faible. »

Polycarpe fait également allusion à un scandale de l’Église de Philippes, celui du presbytre Valens et de sa femme : « J'ai été bien peiné au sujet de Valens — qui avait été quelque temps presbytre chez vous —, de voir qu'il méconnaît à ce point la charge qui lui avait été donnée. Je vous avertis donc de vous abstenir de l'avarice et d'être chastes et vrais. Abstenez-vous de tout mal. Celui qui ne peut pas se diriger lui-même en ceci, comment peut-il y exhorter les autres ? Si quelqu'un ne s'abstient pas de l'avarice, il se laissera souiller par l'idolâtrie, et sera compté parmi les païens qui ignorent le jugement du Seigneur, ou ignorons-nous que les saints jugeront le monde, comme l'enseigne Paul? Pour moi, je n'ai rien remarqué ou entendu dire de tel à votre sujet, vous chez qui a travaillé le bienheureux Paul, vous qui êtes au commencement de sa lettre. C'est de vous en effet qu'il se glorifie devant toutes les Églises qui, seules alors, connaissaient Dieu, nous autres nous ne le connaissions pas encore. Ainsi donc, frères, je suis bien peiné pour lui et pour son épouse ; veuille le Seigneur leur donner un vrai repentir. Soyez donc très modérés vous aussi en ceci, et ne les regardez pas comme des ennemis ; mais ramenez-les comme des membres souffrants et égarés, pour sauver votre corps tout en- tier. Ce faisant, vous vous faites grandir vous-mêmes. »

III Le martyre de Polycarpe 

Polycarpe de Smyrne souffrit le martyre le second jour du mois de Xanthice, sept jours avant les calendes de mars, le jour du grand sabbat, à la huitième heure. Il fut fait prisonnier par Hérode, sous le pontificat de Philippe de Tralles.  D’après les calculs, cette date pourrait être, soit le 23 février 155, soit le 22 février 156.  La Prière de Saint Polycarpe de Smyrne « Seigneur, Dieu tout-puissant, je Te bénis ! » demeure le passage le plus connu de la lettre que l'église de Smyrne adressa à celle de Philoménium pour le retracer.

« Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de ton enfant bien-aimé, Jésus-Christ, par qui nous avons reçu la connaissance de ton Nom, Dieu des anges, des puissances, de toute la création et de toute la race des justes qui vivent en Ta présence : Je Te bénis pour m'avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, de prendre part au nombre de tes Martyrs, au calice de ton Christ, pour la résurrection de la vie éternelle de l'âme et du corps, dans l'incorruptibilité de l'Esprit-Saint. Avec Eux, puissé-je être admis aujourd'hui en Ta présence comme un sacrifice gras et agréable, comme Tu l'avais préparé et manifesté d'avance, comme Tu l'as réalisé, Dieu sans mensonge et véritable. Et c'est pourquoi pour toutes choses je Te loue, je Te bénis, je Te glorifie, par le grand Prêtre éternel et céleste Jésus-Christ, ton enfant bien-aimé, par qui soit la gloire à Toi avec Lui et l'Esprit-Saint maintenant et dans les siècles à venir. Amen. »

polycarpe,lyon

Eglise saint Polycarpe, le maître choeur

 

 

17:05 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : polycarpe, lyon | | |

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