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dimanche, 20 avril 2014

Devinette

De qui sont les lignes suivantes ? A noter que l'illustration, au même titre que certains éléments du texte, constitue un précieux indice : 

« L’affection spirituelle et pure qui unit longtemps Mme Jaubert à Musset, et dont ses lettres nous ont gardé la température si tendre, entretenait un halo de discrète gloire autour des boucles blanches de la vieille dame. Elle avait été jeune sous Louis-Philippe ; et ses derniers amis ayant commencé d’être célèbres sous l’Empire, elle n’assemblait plus autour d’elle que des survivants d’un autre âge. Les débris d’un temps continuent d’une époque à l’autre, comme les souvenirs des Tuileries survivaient à leurs ruines calcinées, qui n’étaient pas déblayées encore. Ainsi mon père, en ses vingt ans, touchait de la main un monde déjà historique et recueillait ses témoignages. C’est là qu’il connut Mme Howland, beauté mure mais de grand esprit, amie autrefois de Cousin, de Prévost-Paradol et de Fromentin, plus tard d’Halévy, de Reyer, du peintre Degas, que j’ai moi-même vue très vieille dame, et dont je n’ai pas oublié le regard, comme elle cherchait à retrouver en moi l’image adolescente de mon père, ni son soupir, à ce retour. Romanesque, spirituelle, autoritaire et quelque peu désabusée, j’ai des lettres d’elle à mon père, de la qualité le plus rare où, malgré le détachement feint et la tendresse d’une femme au bord du déclin se mêle aux plus affectueuses gronderies. C’est elle qui lui donna, je crois, ce beau surnom d’hurluberlu dont on l’accueillait en souriant chez la marraine (…)  Le marquis Du Lau survenait, vétéran de l’Empire et du Grand-Cercle, et aussi Charles Haas, de qui plus tard Marcel Proust a fait Swann ; et le comte Lepic, naguère chambellan de Napoléon III.  La conversation s’égaillait, et mon père faisait des croquis.»

littérature

23:00 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature | | |

Commentaires

Ah, M. Thévenet, je vous ai découvert depuis peu (une note sur Guilloux, trouvée via google), ça me gêne un peu de venir répondre alors que vos habitués n'ont pas encore pu intervenir mais je crois avoir trouvé la solution de votre énigme et j'ai bien envie de vous expliquer comment.

La mention à Proust comme d'une référence acquise, digne d'être citée tend à me faire penser que ce texte est (peu ou prou) postérieur à sa mort, donc au minimum des années 20. Les expressions "halo de discrète gloire" et "la température si tendre", par leur aspect désuet, me font situer la rédaction texte dans les années 30 ou 40, peut-être 50, mais pas au-delà.
Quant à Mme Jaubert, si elle était jeune sous Louis-Philippe et que ses plus vieux amis avaient servi sous l'empire, on peut penser qu'elle est née vers 1815, ce qui lui fait 25 ans en 1840. Elle peut rencontrer Musset (elle a quinze ans pour ça) et, si elle vit assez âgée, rencontrer le père d'un narrateur écrivant en 1935, 40 ou 50. Si elle vit jusque 1900, par exemple (soit 85 ans dans l'hypothèse moyenne), cela donne bien vingt ou trente ans au père du narrateur pour rencontrer Mme Jaubert. Le père est donc quelqu'un qui a été actif (au moins) entre 1875 et 1900 et son fils a dû naître dans ces années-là. L'indice suivant, c'est que le père dessine et que son fils écrit.
Quels caricaturistes et dessinateurs trouve-t-on dans ces années-là ? Et bien entre autres l'inventeur de "comment vas-tu Yau de poêle" Henri Maigret dit Henriot (1857-1933), père de l'écrivain Emile Henriot (1889-1964). Ne serait-ce pas un extrait du "Livre de mon père" (1938) dudit Emile Henriot ? (je ne suis pas certain que ce soit celui-là, il en a écrit beaucoup, mais les dates me paraissent correspondre au style et à la mention de Proust)

Écrit par : Laurent | lundi, 21 avril 2014

Félicitations ! C'est bien "Le livre de mon père" d'Emile Henriot.
20/20, comme on dit l'école, et pour le résultat et pour le raisonnement. Merci pour votre intérêt pour Louis Guilloux aussi. Pour un premier commentaire, c'est un coup de maître.

Écrit par : solko | lundi, 21 avril 2014

ça fait une heure que je cherche et je cale :)
mais je n'ai pas dit mon dernier mot :)

Écrit par : Michèle | lundi, 21 avril 2014

Laurent a pris tout le monde de court même si, les commentaires étant modérés, je ne trouve sa réponse que maintenant.

Écrit par : solko | lundi, 21 avril 2014

Béraud bien sûr.
Et c'est un dessin d'Henri Maigrot-Henriot.
Probablement paru pendant la guerre dans l'Illustration, qui était un journal, comment on dit ? "collabo" ?

Écrit par : Sophie | lundi, 21 avril 2014

Vous avez trouvé la moitié de la réponse, bravo ! Pour le reste, ça ne ressemble pas au style de Béraud. Et puis son père n'est pas dessinateur, mais boulanger ! "Le livre de mon père" est écrit en 1938, deux ans avant la débâcle. Quant à Henriot, il est mort en 33, il n'aurait pas pu collaborer. Le fils non plus, d'ailleurs, à ne pas confondre avec Philippe Henriot;

Écrit par : sophie | lundi, 21 avril 2014

Chapeau bas à Laurent. Et à cette idée que pour citer Proust, il fallait que ce fût une référence...
J'avais cherché du côté de(s) caricaturiste(s) père(s) d'écrivain(s), fréquentant les salons de Mmes Jaubert et Howland. Du côté de la correspondance aussi...chou blanc :)

Écrit par : Michèle | lundi, 21 avril 2014

Moué itou, j'ai cherché beaucoup. Du côté de chez Swann... Rien à me mettre sous la dent...
Effectivement, Laurent a fait un commentaire et des déductions vraiment superbes.
Bravo à lui et au maître de céans !

Écrit par : Bertrand | mardi, 22 avril 2014

Les commentaires sont fermés.