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mardi, 19 juin 2012

Jazz à Vienne, swing d'un légionnaire

Le centre d’une ville sera toujours sa cathédrale. Voici celle de Vienne, dédiée à Saint-Maurice. Je passerai devant tous les matins de cette semaine, en sortant de la gare, avant de rejoindre un centre d’interrogations orales comme il se dit : drôle de bourg millénaire que ce Vienne en vis-à-vis de Saint-Romain-en-Gal, de l’autre côté du Rhône. Quand le rectorat vole au chevet de la communication de la municipalité ; le lycée du coin se retrouve rebaptisé Ella Fitzgerald, en référence au festival Jazz à Vienne, qui remplit chaque année le théâtre antique. La région swingue. Ce qui s’appelle filer d’un monde à l’autre, de l’orgue au saxo.

 

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En longeant les rues centrales, je retrouve sur les enseignes toutes sortes de vieilles typos, comme dans un croustillant feuilleté d’époques. Les décennies s’empilent sur les boutiques tout comme les siècles sur la cathédrale, sa façade elle-même, toute parcheminée. Les villes européennes nous donnent du temps à lire. Toutes bancales soient-elles, c’est ce qui les rend bien plus propices à la promenade que les villes américaines. Si on s’y perd, c’est rarement dans l’espace, et toujours dans le temps. Celui de leur légende.

 La colonie romaine qui fonda Lyon un peu par hasard, au gré d’une halte à Condate (ce qui est aujourd’hui les bas des pentes de la Croix-Rousse) ne venait-elle pas de Vienne ? Et très curieusement, ce légionnaire romain (un légionnaire de l’envahisseur, ne l’oubliez-pas), ce Plancus, dépêché là ou plutôt mis au placard par Auguste, voilà que mon pas emboite le sien dans je ne sais quelle rêverie… Quelques générations in fine nous séparent. Fonder ? Coloniser, plutôt, car les érudits locaux n’ont jamais été très regardants en matière de sémantique, c'est ça, de l'âme soumise.

Je m’arrête à une boulangerie, j’achète un petit pain au chocolat… Je songe à Munatius Plancus, le légionnaire, flirtant du regard les quelques ruines éparpillées ; Gallo-romains puis burgondes, ici quelques reliquats, rien qu’une putain de forêt inculte jadis, à grand peine agrippée à de vieux sédiments hercyniens, un abri précaire : On peine à imaginer tout ça, désormais, les technos-pingouins que nous sommes et puis les affiches de juillet à venir, le programme en téléchargement ici

Je traverse le puissant Rhône, que tout cela indiffère. Les interrogations du matin commencent, la candidate s’est pomponnée. Foutu métier, quand même. Servir ? Mais à quoi ? Les légionnaires, partout, que nous sommes devenus. Ayant respiré la poussière presque insignifiante des commencements même de l’Europe toute romaine, avec ce peu de fil qui nous lie à l’Histoire, passer le pont du doute et se retrouver sur l’estrade infiniment frêle d’aujourd’hui. J'écoute ce qu'elle a à nous dire, nous, son jury.

Commentaires

Quand vous parlez de sédiments hercyniens, il me vient un doute. Mes cours de géologie de prépa date d'Hérode, mais le plissement hercynien (ère primaire) a lieu avant la sédimentation qui intervient à l'ère secondaire. Le plissement hercynien correspond à l'orogénèse armoricaine, du Massif central, des Vosges... puis la mer recouvre le tout et crée la sédimentation (dépôts organiques et minéraux).

En tous cas, joli texte avec ses résonances historiques... On a l'impression d'entendre marcher Munacius et ses légionnaires. Au fait, la politique électorale de l'époque était aussi corrompue et biaisée qu'aujourd'hui, ça ne change pas...

Écrit par : Jérémie S. | lundi, 18 juin 2012

C'est bien ça le fond du problème: hercynien ou pas, ça ne change pas ! D'ailleurs j'y retourne...

Écrit par : solko | mardi, 19 juin 2012

La mémoire des choses est une lutte qui reprend de zéro à chaque génération. (Comment avancer correctement dans ces conditions ?) ;)

Écrit par : Sophie K. | mardi, 19 juin 2012

Cela me rappelle "les nouveaux arrivants" dont parle H Arendt. J'ai toujours aimé l'expression.

Écrit par : solko | mardi, 19 juin 2012

Les commentaires sont fermés.