Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 28 avril 2011

Du fait sublime au fait divers

J’étais toujours surpris par la façon dont ma grand-mère s’exclamait en lisant le journal, lorsqu’elle y rencontrait un fait-divers particulièrement dramatique : « Quelle horreur ! », lançait-elle, avant de reposer les feuilles sur ses genoux et de laisser son regard humide et bleu se perdre dans le vide, en s’abimant dans une muette méditation sur la méchanceté de certains hommes.

L’affaire Troppmann (l'horrible massacre de Pantin), le 21 novembre 1869, avaient lancé la roue de la fortune de Moïse Millaud : une mère, déjà, et ses cinq enfants. Tant d’autres, depuis, de Violette Nozière en Dominici, de Landru en Grégory,  que la presse, toujours, présentait comme une tragique exception, avec des surenchères de vocabulaire, d’images, de révélations, sans compter les adaptations littéraires ou cinématographiques à la clé.

Pantin_murder_victims.jpg

les victimes de Troppmann

Dans la société du spectacle, le fait divers a perdu ce caractère exceptionnel. Le meurtre, qui n’y apparait qu’à titre d’image – une image comme une autre –, n’est plus vraiment érigé dans sa dimension monstrueuse ni commenté comme une exception cathartique. Il se donne à voir plutôt comme un événement in fine comparable à un autre. L’image l’a inscrit dans l’ordre du réel et du quotidien : En bref, dit le speaker... Et on passe à autre chose.

Dans ce panier ménager d’affaires en tous genres, le fait divers est devenu une sorte d’événement constitutif des rouages du vaste monde, un fait de société, au même titre que le tabagisme ou le chômage, qu’on doit par temps de crise pouvoir expliquer par quelque dérèglement du système ou de l’individu ; il n’a plus de signification propre et individuelle : tuer sa famille, tirer sur des inconnus, se suicider en public, autant d’actes jadis transgressifs devenus peu à peu les ingrédients du show sur lequel la norme de l’information offre à méditer. Méditer ? Voire ! 

Pourquoi nos regards humides et bleus s’attarderaient-ils trop longtemps sur l’écran ?  S’exclamer, comme le faisait jadis ma grand-mère, « quelle horreur !» n’est depuis longtemps plus de mise devant ces meurtres « objectivés » par ceux qui nous informent de leur existence sans jamais plus ni les raconter, ni les juger, ni les mythifier.

En 1985, le « forcément sublime » de Marguerite Duras fut une formule crépusculaire.

Nous avons quitté la saison de l’horreur ou du sublime pour passer à l’ère de l’insignifiance et de la platitude. Trop de divers a tué le sublime. Là où s’exprimaient indignation et réprobation devant l’étrangeté des crimes, ne sourd qu’une angoisse diluée et intrinsèque devant leur inquiétante familiarité : le criminel aussi a cessé d'être un sujet. N’en déplaise à Dostoïevski.  Comme tout un chacun, il n'est plus qu’un écart par rapport à une norme. Les rotatives du fantasme ont cessé de tourner : C’est à ce prix que la société de l'information subsiste.

Commentaires

Scoop:

Ce matin a été trouvée une information scoopée en petits morceaux, affreusement mutilée. Auprès d'elle,gisaient des journalistes réduits à l'état de bonimenteurs. Les rescapés ne pigent rien aux circonstances du meurtre. Nous apprenons par ailleurs que les tombes d'un certain Dostoïevski et d'une dame Duras ont été profanées avec des indices qui laisseraient entendre que nous avons affaire à un tueur de séries, un papivore. La police est sur les dents, les méthodes les plus incisives seront déployées a promis le ministre de l'intérieur lors d'un voyage à l'extérieur. Il est, par ailleurs, ministre inculte. Un suspect est,activement,recherché.Un portrait robot a été dressé. Il a le regard humide et bleu, une dévotion pour sa grand mère. Il est doté d'une certaine culture, est avide de "sublime" et de mythes solidement ancrés. Selon le témoignage de ses voisins les mythes errants suscitent chez lui une irritabilité étonnante. L'homme serait lyonnais, gastronome et amateur de bons vins, il n'est pas bouché et connaît toutes les traboules. L'enquéte s'annonce difficile. Un communiqué de la préfecture tombe à l'instant, l'individu signe Solko à la pointe du clavier. Il a promis de faire place net. Enfin bref!
Avant la météo du wwek end, votre programme télé de la semaine, un message publicitaire: "Devant la petite lucarne bleue, mettez de l'écran Total". Votre film de la semaine "le grand bleu sur grand écran plat"

Écrit par : patrick verroust | jeudi, 28 avril 2011

Extra. Le coupable galope encore.

Écrit par : solko | vendredi, 29 avril 2011

Et on le cachera si besoin, non mais ! :0)

Écrit par : Sophie K. | samedi, 30 avril 2011

Les commentaires sont fermés.