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lundi, 21 février 2011

A nos Zemmours

Le polémiste a pour lui l’Antiquité. Si on l’a vu en tous siècles, depuis, déchaîner les esprits, c’est qu’il est associé autant à l’exercice de la liberté qu’à la passion du verbe. Du siècle d’Agrippa d’Aubigné à celui de Louis de Montalte, la France classique a trouvé en la polémique l’occasion de greffer en son vocable renaissant toutes les rodomontades et toutes les finesses de la rhétorique gréco-latine. Tout l’art de l’affrontement et de la recherche de l'autre. La Révolution la vit refleurir comme jamais avec le Père Duchesne, le plus célèbre marchand de fourneaux de son temps, et avec les plus grands orateurs de la Convention. Et comme il y eut Hébert, il y eut face à lui Rivarol. La polémique devint question de style.

On cite toujours LE fameux Napoléon le Petit de Hugo face à Napoléon III. Mais combien plus cinglante (et sans doute plus efficace), fut la sécheresse de ce simple Philippe de Chateaubriand face à Louis-Philippe. « Lorsque, dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du délateur ; lorsque tout tremble devant le tyran et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. C’est en vain que Néron prospère, Tacite est déjà né dans l’Empire ; il croit, inconnu, auprès des cendres de Germanicus et, déjà, l’intègre Providence a livré a un enfant obscur la gloire du maître du monde » (1)

Les polémistes de la Restauration,  puis ceux de la Monarchie de Juillet, les Constant, Courier, Carrel, Lamennais, Proudhon ont érigé la satire politique au rang d’institution à la fois littéraire et nationale. Le verbe haut et le plaisir de la joute.

Les vrais polémistes sont tous des dandys de la pensée. Les vrais polémistes ont toujours attiré les foudres des médiocres.

Dans sa préface de Belluaires et Porchers, Léon Bloy parle ainsi des campagnes montées contre sa plume et se moque des lyncheurs : « Nul n’ignore désormais que je suis un envieux, un paresseux, un traître, un mendiant ingrat, un scatologue, un insulteur de fronts olympiens, un assassin disponible, un raté sans pardon. » La peau du pamphlétaire : le XXème siècle, qui a promu l’information comme modèle de pensée l’aura en partie eue.  Malgré tous les efforts de Saussure et de ses descendants pour rappeler que le signe linguistique est arbitraire, on ne badine plus avec les mots. De nombreux pamphlétaires l’ont compris à leurs dépens, spécialement à la droite de l’échiquier : je pense à Daudet, à Céline et à Béraud, solitaires qui n’ont jamais tué personne, mais dont on n'a pas été loin de penser qu’ils étaient des assassins plus dangereux que les exécuteurs de l’aube, que les états-majors des armées ou que certains idéologues convaincus ou manoeuvriers, qui couvrirent de leur prudent silence toutes sortes de crimes.

Je ne suis pas spécialement un fan de Zemmour ni d’ailleurs de Naulleau : ni l’un ni l’autre ne me semblent des polémistes hors pair, n’en déplaise à Laurent Ruquier qui parle de ses deux Eric comme s’il tenait entre les mains deux bâtons de dynamite. Simplement, comment faire plus ridicule, plus veule, plus pisse-froid, que ces associations utilisant la justice pour obtenir gain de cause ?  Abominable procédure, détestable recours que celui du plaideur. Il faudrait que ces gens relisent Racine et sa comédie. Et vraiment, s’il était besoin de le dire, avec leurs termes hyperboliques (haine raciale, diable ! et pourquoi pas génocide à soi tout seul ?), le Mrap, SOS Racisme, la Licra, l’EJF, J’accuse (rien que ça !…) : autant d’associations qui me rappellent des associations de consommateurs plus que des lieux de bien ou de  mal pensance. Il paraît même que certaines se mettent à porter plainte contre des « comités de soutien » (suivre ce LIEN). Et qu'un syndicat (suivre ce LIEN) demande son exclusion de France Télévision ... 

Parce que la pensée, c’est autre chose que la plainte, ces associations se sont ridiculisées comme l’auraient fait des vieilles prudes de Molière, et, en compagnie de ce syndicat qui joue les Tartuffe de service, elles donnent, in fine, raison à celui qu’elles condamnent, si ce n’est sur le fond, du moins sur la forme. 

(1) Chateaubriand, Mémoires d'Outre Tombe, 4ème partie

 

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19:43 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : eric zemmour, procès, cgt, polémique, littérature, plaideurs, plaidoiries | | |

Commentaires

J'ai adoré et ô combien réaliste de ce qui se passe aujourd'hui dans notre société ou des gens, des associations, des syndicats - rien que çà - jouent les misérables en se comportant comme des loups inquisiteurs - il faut la tête de zemmour, qu'importe les moyens, qu'importe la forme - au Diable le fond - nous sommes les victimes les juges et les bourreaux et dans leur jugement sommaire, qu'importe qu'ils entrainent au trépas des milliers de citoyens qui soutiennent leur coupable - Ils se sont mis sur le trône de la justice, de la morale, de la pensée sans l'avis de personne et depuis trente ans, c'est cette minorité de "bien penseurs et donneurs de leçons" qui distribuent les bons points ou les amendes - DEMOCRATIE ON T'ASSASSINE, QUI ENTENDRA TON CRI D'ALARME ?

Écrit par : tomi | lundi, 21 février 2011

Assassiner la démocratie est peut-être un bien grand mot...
On se trouve plus dans la gestion émotionnelle des masses.
La propagande, autrement dit.

Écrit par : solko | mercredi, 23 février 2011

je suis d'accord avec vous et peu avec Zemmour. Bien qu'ayant l'air sympathique et bon-enfant (qui rit à toutes les blagues de ses collègues), il a un travers intellectuel dont on aurait dû le mettre en garde depuis longtemps. C'est un syllogiste teinté de sophisme qui a toujours une conclusion erronée à partir de données vraies (j'espère ne pas me tromper dans les belles lettres). Alors un jour ou l'autre, cela devait bien lui retomber sur le museau : les prisons sont pleines de Maghrébins, ils se sont fait prendre pour trafic, et patatras. Zemmour ne fait pas la distinction entre les petites mains pas malignes et les autres :
-les donneurs d'ordre sont en moins grand nombre = donc ils ne remplissent pas les prisons, ils ne se font pas prendre si vite ou tout de suite, pire ils sont p-ê blanc-rosé...
-et les Asiatiques dans tout cela, Zemmour a oublié les Asiatiques ! Ils ne trafiquent pas ?? N'aviez-vous pas remarqué ? Avec lui il manque toujours la 3° partie du raisonnement : les Beures, les Noirs et les Jaunes, voilà qui est complet : mais il a oublié. Evidemment, car alors le raisonnement ne tient plus...
Quand on cite des marques, il faut une liste sinon cela passe pour de la pub (moi aussi je donne dans le sophisme).
Bref la justice n'est pas là pour finir les raisonnements à la Zemmour, et les communautés en mal de notoriété sont des consommatrices qui recherchent du produit à casser sans vergogne. Alors la démocratie se retrouve à gérer des affaires de village, village avec trop de clochers !

Écrit par : Fosse-aux-Ours | mardi, 22 février 2011

Je ne crois pas qu'un polémiste (plus plus qu'un lyrique) soit un penseur. On a pris l'habitude de chercher des programmes et des mots d'ordre chez des humoristes ou des polémistes. Le polémiste ne peut que grossir le trait. Comme le lyrique ne peut que dire ses sentiments.
Chercher du raisonnement et de la rigueur dans leurs propos, c'est passer à côté de leurs discours.
L'époque, clairement, se débarrasse de la polémique par la procédure. C'est à mon sens absurde.
(et dommage)

Écrit par : solko | mercredi, 23 février 2011

Il était trois mauvais farceurs,esprit potache glandeur. Ils se faisaient du gras au banquet royal en se moquant du souverain et plus encore des convives bâfrant . Ils donnaient,de ci de là , des gages aux uns aux autres. Dans cette foire aux crétins, quelques docteurs Knock de la pensée affichaient la météo morale selon les méthodes de leur collègue Coué.Résultat des courses, les rires se sont un peu crispés, le gras s'est un peu figé, il y a des yeux dans le bouillon qui nous regardent avec suspicion . La liberté est ligotée avec les baillons de l'humour, c'est le comble qui pouvait arriver.l'humoriste de paccotille finira décoré par le chef de la police. Dans un état, de plus en plus maladroit avec le droit, malhabile de ses dix droits, dire droit devient inaudible, il ne reste plus qu'à marcher droit. Merci les rigolos,vos inepties,vos vacuités assourdissantes, vous font gagner du cash, qui va payer le crash?

Écrit par : patrick verroust | mardi, 22 février 2011

Les Noirs et les Arabes étant nettement plus contrôlés, le propos de Zemmour fait montre d'une telle erreur de raisonnement, qu'il eût été plus démonstratif et plus porteur de le désavouer sur cet aspect ridicule de l'expression de la pensée que de s'enliser en justice.

Écrit par : ArD | mardi, 22 février 2011

Les Noirs et les Arabes étant nettement plus contrôlés, le propos de Zemmour fait montre d'une telle erreur de raisonnement, qu'il eût été plus démonstratif et plus porteur de le désavouer sur cet aspect ridicule de l'expression de la pensée que de s'enliser en justice.

Écrit par : ArD | mardi, 22 février 2011

S'enliser en justice permet à ces ligues d'asseoir un nouveau coup de pub. Elles ne font rien innocemment.

Écrit par : solko | mercredi, 23 février 2011

Je suis d'accord avec toi (d'autant que j'ai beaucoup ri à ton "marchand de fourneaux", lapsus ou subtilité ?), et bien que n'appréciant pas spécialement Zemmour, il faut lui reconnaître une culture et un oeil critique que n'ont plus ses contemporains. Malheureusement pour lui, il a parlé un peu trop vite, en oubliant qu'aujourd'hui, aucun dérapage n'est permis : l'assemblage des mots devient un art d'autant plus difficile que nombreux sont, d'un côté les mal-comprenants avides de crier "haro" sans approfondir ou nuancer, de l'autre les bien-pensants prompts à saisir la justice pour rétablir une pensée dominante tiède, ce brouet de techniciens du monde qui nous noie tous dans l'indifférenciation. Je suppose qu'aujourd'hui, même un Desproges aurait toutes ces ligues sur le paletot.

Écrit par : Sophie K. | mardi, 22 février 2011

En tous cas, la puissance de ces ligues est dangereuse et détestable. Cet espèce d'ordre moral ne peut déboucher que sur des catastrophes. C'est le sens de ce billet.

Écrit par : solko | mercredi, 23 février 2011

Desproges ne se considérait pas comme un humoriste. Je ne sais pas s'il accepterait d'exister à tous prix.Il faut se méfier du rire pour le rire de se laisser aller au plaisir d'un mot.La culture n'est pas une garantie contre les "dérapages" de toutes sortes. Je crois qu'un artiste, un écrivain est "responsable" de son public. Faisons attention les "dérapages" d'aujourd'hui pourraient devenir les "vérités" de demain.

Écrit par : patrick verroust | mardi, 22 février 2011

Polémiquer, est-ce déraper ? Toute la question est là...

Écrit par : solko | mercredi, 23 février 2011

Je suis assez d'aacord(euphémisme) avec ce que dit Patrick...Mais ces dérapages sont des dérapages venimeux parce que dérapages controlés. Dans tous les sens, chez Zemmour, marionnette du spectacle (sens situ) comme chez les plaideurs, fausse conscience du même spectacle. Tout le monde se nourrit de la même pourriture. L'important est d'amuser et d'effrayer la chaumière.
Pendant ce temps-là, on dit pas trop de mal de l'essentiel.

Écrit par : Bertrand | mercredi, 23 février 2011

On est d'accord sur le fond. Sur l'aspect aussi spectaculaire que désespérant de la chose.

Écrit par : solko | mercredi, 23 février 2011

Oui, d'accord aussi avec vous.

Écrit par : Sophie K. | mercredi, 23 février 2011

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