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dimanche, 25 avril 2010

Sans évasion possible

 

Ces bouts de vies, ces bribes de conversations crachées de ci de là, dont on devient le complice involontaire désormais, un peu partout… Au marché, ce matin, entre les cageots de légumes et de fruits, un type en train de causer de son séjour en Irlande avec un copain à lui malade, il était content que les vacances s’arrêtent, vivre avec un malade toujours aigri, non tu vois, trop difficile. Là, ça (!) allait reprendre (!) c’était mieux comme ça. Et toi ? disait-il : « Ah, encore une semaine ! Ah vous êtes en location ? Profites-en bien, alors… »

Devant lui, un maraîcher gueulant à qui les voulait ses fraises à 3 euros pour finir, pour finir...

Et dans cet alors, (je ne sais pas pourquoi ce mot plus qu’un autre, et avec le ton qu’il prit pour le dire), dans cette relation de cause à effet qu’il instaurait entre le fait d’être en location et celui d’en profiter, toute l’horreur du prendre et du consommer plantée dans ces vacances qui, pour lui,  s’arrêtaient enfin, à tel point qu’il était, disait-il, content de reprendre.

N’est-ce pas bien ça, au fond, l’aspect le plus misérable de cette société des loisirs ? Que le plaisir dont on profite y soit  sans cesse jaugé à l'aune de ses moyens ? Et ses moyens, à celle de ses pauvres envies, capitalisées au fond de la cuirasse de soi ? Et ses envies à celle d'un simple conditionnement, au fond, et d'un calendrier d'époque... D'une idéologie du profit partout répandue, même à l'endroit où ce qu'on attendrait serait plutôt qu'on s'en reposât enfin, un peu... Rompre d'avec ce souci constant, ça serait un luxe. Un vrai luxe spirituel qui pourtant ne coûterait presque rien, pas même un billet d'avion, de train, de métro. Eh oui, mais...

Ce monde se reconnait par le fait, comme l’a dit excellemment Victor Serge un jour de 1911, qu’il est « sans évasion possible »…

 

4 la grande roue à vapeur.jpg

 

09:00 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : victor serge, vacances, société | | |

Commentaires

Si , la seule évasion possible , l'ultime ...
Vers les oublis , tous les oublis .

Avec toute mon admiration pour vos écrits .

Écrit par : lebrac | dimanche, 25 avril 2010

Je ne pense pas qu'on puisse dire grand-chose d'intelligent au téléphone, dans la rue...

Au marché ce matin les fraises garriguettes étaient à 3.40 euros la barquette...

Bonne "reprise" demain, Solko. (sourire)

Écrit par : Michèle | dimanche, 25 avril 2010

@ Lebrac : Merci à vous d'avoir laissé ce commentaire


@ Michèle : Bien sûr que les gens ne disent rien d'intelligent au téléphone dans la rue; mais ils disent des choses significatives et c'est parfois plus troublant.
Je "rentrerai" d'autant plus facilement demain que je ne suis pas parti. Enfin, si. Dans mon univers, mes horaires, mon "vrai" travail qui ne pèse pas, qui n'est pas vain.
Bonne journée à vous également.

Écrit par : solko | dimanche, 25 avril 2010

Pouvez-vous, pour mon plaisir, dire d'où vient cette citation, «d'un monde sans évasion possible»? Merci!

Écrit par : Natacha | lundi, 26 avril 2010

@ Natacha : C'est au début des "mémoires d'une révolutionnaire" de Victor Serge", dont il est à nouveau question dans le billet d'aujourd'hui sur Bonnot (Victor Serge fut mêlé à la bande à Bonnot en 1912 et fit 5 ans de prison en France avant de partir en Russie.)

Écrit par : solko | mardi, 27 avril 2010

Les commentaires sont fermés.