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jeudi, 07 janvier 2010

Camus et la pauvreté

« Presque tous les écrivains français qui prétendent aujourd’hui parler au nom de prolétariat sont nés de parents aisés ou fortunés. Ce n’est pas une tare, il y a du hasard dans la naissance, et je ne trouve cela ni bien du mal. Je me borne de signaler au sociologue une anomalie et un objet d’études. On peut d’ailleurs essayer d’expliquer ce paradoxe en soutenant, avec un sage de mes amis, que parler de ce qu’on ignore finit par vous l’apprendre.

Il reste qu’on peut avoir ses préférences. Et pour moi, j’ai toujours préféré qu’on témoignât, si j’ose dire, après avoir été égorgé. La pauvreté, par exemple, laisse à ceux qui l’ont vécu une intolérance qui supporte mal qu’on parle d’un certain dénuement autrement qu’en connaissance de cause. Dans les périodiques et les livres rédigés par les spécialistes du prolétariat, on traite souvent du prolétariat comme d’une tribu aux étranges coutumes et on en parle alors d’ne manière qui donnerait aux prolétaires la nausée si seulement ils avaient le temps de lire les spécialistes pour s’informer de la bonne marche du progrès. De la flatterie dégoutante au mépris ingénu, il est difficile de savoir ce qui, dans ces homélies, est le plus insultant. Ne peut-on vraiment se priver d’utiliser et de dégrader ce qu’on prétend défendre ? Faut-il que la misère toujours soit volée deux fois ? Je ne le pense pas. Quelques hommes au moins, avec Vallès et Dabit, ont su trouver le seul langage qui convenait. Voilà pourquoi j’admire et j’aime l’œuvre de Louis Guilloux, qui ne flatte ni ne méprise le peuple dont il parle et qui lui restitue la seule grandeur qu’on ne puisse lui arracher, celle de la vérité. »

Préface de La Maison du Peuple (ré.ed 1947) de Louis Guilloux

 

 

En 1947, précisément, Albert Camus et Jean Grenier rendirent visite à Louis Guilloux Ils passèrent d’abord par Rennes, Combourg, Saint-Malo. Puis arrivèrent à Saint-Brieuc. Louis Guilloux conduisit Camus sur la tombe de son père, Lucien Camus, blessé grièvement lors de la bataille de la Marne en 1914, qui avait été rapatrié à l’hôpital de fortune installé dans l’école du sacré Cœur de Saint-Brieuc, et qui était mort à 29 ans.

L’année suivante, c’est Guilloux qui fit le voyage pour Sidi-Madani, en Algérie. En 1949, Albert Camus imposa au comité de lecture de Gallimard Le Jeu de Patience, grâce auquel, en empochant le Renaudot, Louis Guilloux put enfin sortir de l’ombre à cinquante ans : le livre de format in-octavo comportait plus de 800 pages de 48 lignes à raison de 65 signes par ligne. Plus de 300 personnages : impubliable aujourd’hui, assurément D’ailleurs, on ne le trouve pas même en collection de poche folio…

14:21 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : albert camus, louis guilloux, littérature | | |

Commentaires

Ce qu'il fit pour Guilloux, Albert Camus tenta de le faire pour Gustaw Herling, écrivain Polonais victime des camps staliniens parce qu'il tentait de rejoindre les résidus de l'armée polonaise en France en 1939, après le 4ème partage entre les frères amis-amis, nazis et communistes. Camus défendit bec et ongles le chef d'oeuvre d'Herling " Un monde à part", sans parvenir pour autant à ce qu'il soit traduit et publié en France. D'ailleurs la version que je possède aujourd'hui a été traduite de l'Anglais
Parce que les intellecttuels français,au premier rang desquels cet enculé d'Aragon, ne voulaient pas voir la vérité sur l'URSS..
Camus écrit : " Ce livre devrait pourtant être lu autant pour ce qu'il est que pour ce qu'il dit".
L'histoire lui a donné raison.

Écrit par : Bertrand | jeudi, 07 janvier 2010

Beau billet Solko. Et merci pour les références (Louis Guilloux)dont je devrais tout connaître en mauvaise bretonne que je suis.
(Je ne savais même pas que le père (dont on sait si peu de chose)d'Albert Camus était enterré à Saint Brieuc)

Écrit par : Ambre | jeudi, 07 janvier 2010

Il semble que Guilloux ait été un des rares amis de Camus dans le monde des Lettres...

Bertrand, Aragon est peut-être un enculé mais reste un grand poète...

Solko mes meilleurs voeux pour 2010 : j'ai malheureusement peu de temps pour les blogues depuis quelques temps, aussi je profite de ce passage pour te souhaiter une très bonne année.

Écrit par : Rosa | jeudi, 07 janvier 2010

Rosa, y'a de grands poètes, de grands écrivains,de grands musiciens, de grands médecins, des papes même, qui, pour être grands n'en sont pas moins des enculés..
Je ne vois pas où est le problème. Enfin, je veux dire que je ne vois pas l'utilité syntaxique de la conjonction "mais".
Cordialement

Écrit par : Bertrand | vendredi, 08 janvier 2010

Bertrand, je retire volontiers le "mais".
Je ne sais pas ce que devient ma phrase : dois-je écrire "Aragon est un enculé (je retire même peut-être) ET un grand poète ?
Cette conjonction te sied-elle davantage ?
Je dois à Aragon des grandes émotions poétiques de mon adolescence, à l'époque je ne connaissais même pas le mot "enculé".

Écrit par : Rosa | vendredi, 08 janvier 2010

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