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dimanche, 26 avril 2009

Littoral

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Wajdi Mouawad sera l’artiste associé du Festival d’Avignon 2009, où il présentera quatre spectacles arrangés en « quatuor », le tout étant nommé  « Le sang des promesses » : Littoral, Incendies, Forêts, puis Ciels. Les trois premiers volets existants seront repris en continu dans la Cour d'honneur (on parle déjà, à ce sujet, "de nuit-culte");  le dernier volet, Ciels, sera créé un peu plus tard au parc des expositions de Chateaublanc.  «De 22h30 à 6h30 du matin, il faut, précise Vincent Baudriller (codirecteur du festival), remonter à l'intégrale du Soulier de satin de Claudel, il y a une quinzaine d'années, pour trouver un pari aussi fou. » Soit. Hortense Archambault (codirectrice du festival) annonce que « Wajdi », c’est  « un certain retour au texte et à la narration, avec des réflexions complexes sur le monde actuel et ses violences ».


Retour au texte, à la narration ? Words, words, words... Croit-il vraiment, Wajdi Mouawad, qu’ « avoir vécu la guerre, ça donne un sens pour parler du monde » ?  C’est pourtant ce que le personnage de Littoral (pour quelques jours encore au théâtre des Célestins), un ado canadien flanqué d’un imaginaire en forme de chevalier errant, et que la mort de son père a brutalement confronté au drame familial vécu par ses parents au pays natal (le Liban), proclame au milieu de Littoral. De fait, dans la société sans histoire  dans laquelle nous vivons, en avoir vécu une, cela donne en tout cas au moins un alibi, faute de sens. Le père, donc.  Et sa mort. Le fils,  venu l’enterrer dans le pays natal, rencontre d’autres orphelins qui l’aident à trouver le lieu d’une sépulture « un lieu qui ait du sens » De fait, ils auront du mal à ne pas s’embourber dans le lieu commun. Et nous avec. Car le lieu qu’ils retiendront sera finalement la mer. D’où le titre : Littoral. Difficile de faire plus infantilisant. On comprend pourquoi ça plait à l'époque.

 « Je dis la vérité : Pour la recréation de Littoral,  les théâtres où nous présenterons le spectacle ont besoin de textes pour les brochures de saison. Je comprends tellement. Moi-même je dirige un théâtre »  Mouawad joue l’ingénu en parlant ainsi. Et devance la critique qu'inévitablement on est tenté de lui faire : avoir servi la soupe au bon moment. Car son texte n'est qu'un habile montage, un patchwork bricolé à partir de nombreux autres textes,  le tout ajusté tant bien que mal aux tableaux peinturlurés de sa mise en scène : on reconnait de ci, de là,  Virgile, Sophocle, Hölderlin, Dostoïevski, d’autres, plus contemporains. La mise en scène se présente aussi tel un curieux mélange de dérision cinématographique et de lyrisme ancien. Fumigènes, peintures sur les corps, bande son très présente, nudité des acteurs : Décidément. Tels sont les incontournables du théâtre des temps où nous vivons. Le silence a disparu des scènes contemporaines, persona non grata (et c’est regrettable) car on ne joue bien qu’avec le silence.

Sur le plateau bien huilé de Littoral, on finit vite par s’ennuyer, car la démonstration ,aux allures de performance (barbouillage des corps avec de la peinture)  manque d’originalité – au sens que Diderot donnait à ce terme lorsqu’il composa son Neveu de Rameau. Des acteurs seulement techniciens, dans une mise en scène seulement symbolique, et un texte en grande partie fait d’autres textes. Tout respire la copie, le manque d’esprit. Est-ce le retour annoncé au « théâtre de narration » ? J’en doute. Car les figures de Littoral, instantanés cinématographiques plus que théâtraux, n’ont jamais au final, sur le monde fragmenté dans lequel elles évoluent, le recul de véritables personnages.  Elles subissent l’action au lieu de la vivre, comme si elles n’avaient jamais, en quelque sorte, quitté l’égocentrisme adolescent de leur créateur. Enfants de la fin de l’histoire, qui disent la fin de l’histoire, elles ne peuvent la porter bien loin des sentiers battus : Mouawad, c’est du théâtre saga, du théâtre faussement initiatique, du théâtre de trentenaires qui ont grandi dans des jeux de rôles. Le pire, c’est qu’on se dit que ce sera finalement suffisant, par les temps qui courent, pour occuper la Cour d’honneur du Palais des papes et faire tourner,  comme on dit, la saison. Poor new world !

 

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