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jeudi, 30 octobre 2008

Les octobres de Léon Bloy.

« Laisse là ces feuilles, ma fille, je t'en supplie ! Ne sens-tu pas que c'est un décor sublime ? Serais-tu de ces sottes qui voit toujours le balai ou le râteau à la main et qui ont de l'ordre une idée si basse que leur diligence effacerait jusqu'à la Beauté divine ? Est-ce donc pour balayer et détruire ces feuilles admirables qui épuisent, en octobre, les deux tiers de la palette, que tu as arboré cette magnifique robe de safran ?

Personne, je le vois bien, ne  t'a jamais enseigné que le platane étant, d'après le Saint-Texte, un des arbres mystérieux désignés pour symboliser Marie, il est en même temps celui de tous dont le feuillage retient le plus souvent et avec le plus d'éclat les adorables couleurs du soleil mourant. »

Léon Bloy – « Octobre » (Petits poèmes en prose).

 

21 octobre 1894 : - Je prie comme un voleur demande l'aumône à la porte d'une ferme qu'il veut incendier.

27 octobre 1894 : Il faut être des mendiants à la porte des cimetières ! Des mendiants habillés de feu !

29 octobre 1895 : Faire de l'Art pour de l'argent ! m'écrit de Goux. Travailler pour vivre ! Quelle horreur ! ... alors qu'il ne peut être question que d'avoir de l'argent pour faire de l'Art et de vivre pour travailler.

3 octobre 1902 : Le boulanger, ce matin, m'a parlé de ma note avec une éloquence intérieure, comme autrefois, les premiers chrétiens parlaient du Royaume de Dieu

31 octobre 1903 : Vu, à l'église, notre doyen qui s'approche plein de sourires, pour me remercier de l'exemplaire que je lui ai fait expédier avec cette dédicace : "de la brebis galeuse au bon pasteur." Je proteste contre la brebis galeuse, me dit-il. Mais il ne proteste pas contre le bon pasteur.

 29 octobre 1905 : Révolution, bouleversement effroyable en Russie : serait-ce enfin le commencement de l'universelle conflagration attendue par moi si longtemps ?

8 octobre 1906 : Pour gagner du temps, je fais usage, une première fois, de l'autobus. Ah, je n'échapperai pas aux inventions modernes. Il est vrai que c'était pour courir à la Nouvelle Revue, où mon Epopée Byzantine est acceptée.

15 octobre 1907 : Une commerçante est polie et même affable. Menacée de perdre 50 centimes, elle devient une tigresse, en une seconde

16 octobre 1914 : Après Reims, c'est le tour d'Arras, la merveilleuse capitale artésienne. Son sublime hôtel de ville est en ruines. Le beffroi subsiste encore mais pour combien de jours ?

Le journal de Bloy s'achève un 20 octobre 1917, sur ces mots : « Après-midi, mandat de 50 francs envoyé par Lamoureux. Jeanne lui répond. »

 

Léon Bloy s'éteint le 3 novembre qui suit, à 6 heures 10 du matin.

 

01:19 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : léon bloy | | |

Commentaires

29 octobre 1895 : J'adhère à mort !
30 octobre 2008 (1H 43) : Une révélation ! je découvre que jusqu'à ce jour, j'ignorais tout sur les platanes. Ce billet va changer ma vie , vous croyez que j'ironise,ou que j'exagère mais pas du tout. (Demandez à ce cher Alceste, lui, me croira)
Merci pour ce poème "Octobre" de Léon Bloy , une pure merveille du genre, à se coucher par terre (à côté des feuilles mortes, bien sûr;-)

Écrit par : frasby | jeudi, 30 octobre 2008

"Exact contemporain de Lautréamont, à qui il fut le seul, avec Rémy de Gourmont, à consacrer un article d'importance lorsque parurent "Les chants de Maldoror", Léon Bloy n'est pas seulement un homme du Moyen Age égaré dans nos latrines à gagner de l'argent, un romantique flamboyant, un commis-voyageur du Christ, que torture l'idée fixe de la douleur. Il est aussi un rieur tragique. Avec lui, face aux tortionnaires de la grisaille nombrilique, face aux chantres de la torpeur linguistuique, se vérifie cette fromule que j'ai forgée et qui m'est chère : L'Ennui n'est pas une valeur culturelle."
Luc Decaunes, Préface des "petits poèmes en prose", La Bartavelle éditeur.

Écrit par : solko | jeudi, 30 octobre 2008

@ Frasby : j'avoue avoir pensé un peu à vos feuilles rousses en choisissant ce poème, ainsi qu'à celles qui tapissent ce billet chez Feuilly : http://feuilly.hautetfort.com/archive/2008/10/22/automne-3.html

Écrit par : solko | jeudi, 30 octobre 2008

Je me souviens que dans une école primaire autrefois, au moment de la rentrée qui se situait bien plus tard que maintenant, les maîtresses nous faisaient ramasser quelques feuilles de platane dans la cour,en nous disant: "choisissez-en une de chaque couleur"; on se penchait,on les regardait, quel plaisir d'être dehors dans la cour de la récréation en dehors de l'heure de la récréation, je sens encore cette bouffée de liberté fugitive!, puis on rentrait en classe et là on s'émerveillait ensemble qu'il n'y ait pas une feuille semblable aux autres. La maîtresse nous disait: "vous voyez chaque feuille de platane est une feuille unique."On les dessinait longuement ensuite au crayon. "Dessinez leurs formes,c'est déjà magnifique" disait la maîtresse. "On ne colorie pas. Leurs couleurs sont là, regardez les couleurs, regardez longtemps les couleurs des feuilles de platanes". C'était bien: personne ne pensait à ce qu'on "s'exprime", en barbouillant des couleurs horribles. On nous demandait simplement de regarder et d'aimer les feuilles de platane et de dessiner leurs formes. Oui c'était drôlement bien.

Écrit par : Sophie L.L | jeudi, 30 octobre 2008

Quel dommage, en effet, de balayer ces feuilles... Le vent les emportera bien assez tôt. Mais je vois que les miennes sont arrivées jusqu'ici.

Écrit par : Feuilly | jeudi, 30 octobre 2008

@Feuilly ... Vos feuilles d'automne sont magnifiques. Le plus luxueux de tous les rêvetements de sol. Bravo.
@Solko...Votre pensée pour la feuille rousse m'est infiniment douce. Merci.

Écrit par : frasby | jeudi, 30 octobre 2008

@ Sophie : Merci pour votre commentaire simple et juste. Vous avez eu la chance de passer à l'école primaire avant que de mauvais didacticiens s'en emparent. Moi également. Regarder, aimer, dessiner. C'est simple, c'est en effet vide d'ego, et ça suffit.

Écrit par : solko | jeudi, 30 octobre 2008

@ Frasby : 9 / 6 : on sent là une pratique verlainienne. De rien.

Écrit par : solko | jeudi, 30 octobre 2008

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