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dimanche, 17 juin 2007

LE PRINCE ET LE BOURREAU

La pièce « Le Prince & le bourreau » a été créée à Lyon, du 31 mai au 9 juin 1983, par la compagnie PERSONA, au théâtre des Maristes à Lyon. C'était tout d'abord un long poème; l'histoire d'un prince quittant son enfance, son domaine. Il croisait la route d'un bourreau auprès de qui il apprenait l'âpreté de l'existence. Une jeune fille, très claudélienne, imprimait ensuite sa marque dans le coeur de chacun de ces deux hommes, si différents.

Peu à peu, au fil de l'écriture, le poème devint une pièce de théâtre. Je crois que tel est le destin de tout poème : être dit. Pas déclamé en voix de tête,  ni ressassé en silence ; mais DIT, de vive et franche parole. Jean Luc Séville a été, à cette occasion, mon premier metteur en scène. Le texte n'a jamais été édité, mais j'en garde pour quelques familiers une vingtaine d'exemplaires. Si un metteur en scène est tenté par l'aventure un jour, qu'il me contacte par l'intermédiaire de ce blog. Voici deux extraits :

 

« Ils vous regardent : on dirait qu'ils essaient de savoir combien vous valez. En or. En talent. En amour. En n'importe quoi qui s'achète ou se vende. Ils vous parlent : on dirait qu'ils guettent au fond de votre âme ce moment où vous ne saurez que dire, que faire pour désavouer ces principes qu'ils brandissent, qu'ils vous jettent à la figure comme des truelles de ciment, insolents bâtisseurs d'orgueil, de haine, de guerre. On dirait qu'ils attendent ce moment où trop faible, trop vaincue, vous céderez sous le poids de leurs certitudes, de leurs tactiques lâches, vous ploierez malgré la noblesse de votre front, devant leurs genoux, leurs mollets, leurs pieds obscènes ! Eh bien non ! Je suis partie ! Je suis partie ! »

« Ils viennent. Ils savent qu'ils vont mourir. Tout leur espoir est déjà mort. Alors ils viennent, les mains liées derrière le dos. Et tout le monde regarde en silence. On dirait qu'il n'y a rien d'autre à faire, que de tuer ou de mourir. On dirait que le ciel est bleu pour rien. Que les oiseaux ne chantent plus. On dirait que tout ce qu'on apprend dans les écoles, qu'on récite dans les églises, ça n'a jamais existé. Maintenant, ce n'est plus mal de tuer. C'est là.  C'est ce qu'il faut faire. C'est ainsi. Alors il pose sa tête sur le billot. Et tout le monde regarde : les gendarmes, le curé, le greffier, les gens... Tu comprends ? Là, maintenant, à cet instant, ce serait mal de ne pas le tuer. C'est ça qui serait horrible : ne pas le faire; ne pas pouvoir le faire ! Et quand sa bouche est là, fermée... Et quand son nez respire.. Ce qui serait horrible, quand tout le monde regarde, tout le monde respire, tout le monde tue, c'est de ne pas pouvoir le faire. Alors CRAC ! »

Roland Thevenet  (Le Prince et le Bourreau - 1982)

 

16:35 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poésie. | | |