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lundi, 23 mars 2009

Les arêtes des Fantasques

Ce rassemblement d'ouvriers rappelle la construction du premier tunnel de la Croix-Rousse, à Lyon., en juin 1941. Les travaux avaient été adjugés le 27 février 1939, et le gros œuvre du percement fut réalisé entre 1940 et 1948. Cette photo-ci date de 1941. Durant la guerre, les Lyonnais avaient utilisé le chantier du tunnel comme un abri contre les bombardements. Le forage des puits de ventilation s'effectua  par la suite, de 1949 à 1950. L'aménagement des galeries, des stations de ventilation et la pose du revêtement intérieur en céramique de 1950 à 1951. La mise en place des installations de force motrice et éclairage, de signalisation et de sécurité de 1951 à 1952. Le tunnel a pu être inauguré en 1952 par le président du Conseil Antoine Pinay et le maire de Lyon Edouard Herriot, qui avait été à l'origine de sa  fabrication. Cette décision avait donné lieu à une virulente polémique, à l'époque : de fait, la localisation en ce point-là du quai Saint-Clair du nouveau tunnel routier coupait littéralement en deux la rue Royale et le quartier de la soie, balayait la place Louis Chazette et défigurait à jamais le magnifique cours d'Herbouville. Qui donc à présent prend le temps d'admirer, sur la droite quand on quitte le tunnel pour prendre le pont sur le Rhône, le magnifique immeuble aux pilastres cannelés, aux superbes chapiteaux, à la corniche richement travaillée par-dessus les oeils de bœuf ? Qui se souvient que plusieurs autres immeubles de Soufflot ont été sacrifiés alors qu'il eût été possible de faire déboucher ce même tunnel plus en amont, vers la montée de la Boucle, et d'éviter ainsi de corseter la ville au Nord, comme elle l'avait été, un siècle auparavant, au Sud, par le préfet Vaisse qui avait isolé deux kilomètres de presqu'ile du reste du centre-ville en construisant Perrache ?

TUNNEL_DE_LA_CROIX_ROUSSE_.jpg

Le tunnel de la Croix-Rousse redevient d'actualité depuis le vote par le Grand Lyon, début février 2009, du percement d'un deuxième tube, juste à côté du premier, lequel sera réservé aux transports en commun, aux piétons et aux vélos. Les travaux vont débuter à la fin de cette année, et le percement proprement dit se fera à partir d’avril 2010 (pour une ouverture en 2014). On en profitera pour désamianter l'actuel  tunnel routier, changer le système de ventilation et remettre aux normes-incendie son revêtement. Il faut prévoir six mois de fermeture et 220 millions d'euros.

Ce qu'on tait fort pudiquement, c'est qu'à cette occasion, un ensemble architectural de galeries souterraines datant du XVIIème et du XVIIIème siècles va voler ni plus ni moins en éclat, bien que son intérêt historique soit avéré et malgré le classement de la ville au fameux « patrimoine mondial de l'Unesco ». Comme quoi tout ceci n'est qu'un fumeux label touristique ! Trente-quatre galeries mesurant chacune une trentaine de mètres de long, réparties de part et d'autre d'un important cheminement central aménagé en escalier et s'enfonçant dans les profondeurs du sous-sol lyonnais en direction du Rhône : parce que ce curieux tracé est situé juste sous la rue des Fantasques, on avait appelé ces galeries « les arêtes des Fantasques ». Pas d'arêtes dans le gosier du tunnel de l'encore toute puissante automobile : ces vestiges patrimoniaux sont condamnés.