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samedi, 04 février 2017

Macron, non merci !

Il suffisait de se promener autour du palais des sports de Lyon cet après midi pour se faire une idée du fan club d‘Emmanuel Macron. Il se recrute au sein des trois générations qui se sont enrichies pendant ces 40 dernières années. Une majorité silencieuse et heureuse, qui doit tout à l’Europe et à  la globalisation. Cette classe moyenne à  l’individualisme forcené, pourtant teintée d’un vieux fond de christianisme moralisateur qui ne comprend plus rien à ce qu’est le catholicisme véritable et dont les idéaux prétendument de gauche ont depuis longtemps appris à  aimer la dure loi du marché. 

Macron lance sa campagne dans le fief de Gérard Collomb. Il doit bien cela à son grand frère  qui a dû rameuter loges et conseils de quartiers : en l’absence de parti structuré, il faut pour la photo des rangées de fidèles, et les 8000 personnes du palais des congrès font un beau rassemblement, une belle image pour les chaines infos qui tourneront ça en boucle et le vingt heures. Collomb, col ouvert, ressemble comme il se doit au grand frère intronisant le petit, et s’essouffle comme à son habitude dans des éléments de langage creux mais efficaces auprès d‘un public qui ne demande rien de plus. Il savoure l’instant de bonheur, lui qui a rarement l’occasion de s’adresser à de telles foules en campagne , tarde même un peu à laisser sa place : et l’on se demande en effet en entendant fuser les premiers « Macron président » comment tous ces gens vont faire pour ne pas tomber dans l’hystérie et le culte de la personnalité, en l’absence de parti ;  on se demande aussi, mais on n’aura sans doute jamais la réponse, qui paye, qui finance l’organisation de tels rassemblements.  

Le héros frêle arrive enfin, avec toujours ce côté enfantin, qui parait séduire une grande part du public, tout en générant un malaise. Ce qui pose immédiatement la question de la stature présidentielle. Et je me prends à penser que cet homme à  l’allure émasculée et cette femme à l’allure virile qui tient, à l’autre bout de la ville, un autre meeting, sont un peu à l’image des temps déréglés dans lesquels nous vivons. Emmanuel, un fils à maman, Marine, une fille à papa, drôle de tandem dans une drôle de démocratie…

Macron commence par dire Merci, pour convoquer de manière inattendue pour quelqu’un qui veut faire peuple René Char et ses Feuillets d‘Hypnos. Et le voilà qui, dans une assimilation osée du Char maquisard du fragment 128 avec sa propre personne, compare « le sourire qui se détacha de ma pâleur » au sourire qui se détacherait à présent de la sienne, et, poussant jusqu’à la caricature, n’hésite pas à détourner la fin du texte en déclarant « je vous aime farouchement » à son public. Ah ! ces résistants de salon de thé  qui repoussent « les murs de la haine »…  L’amalgame quasi obséquieux sent la culture approximative et partisane de la prof Brigitte assise au premier rang, et on prend peur…

Pour justifier sa posture ni droite ni gauche, monsieur Macron développe ensuite une vision discontinue de l’histoire en égrenant des événements historiques marquants, du procès Dreyfus à la loi Veil, sans considérer un seul instant le substrat idéologique qui les fit émerger à des moments et dans des contextes très différents. Pour lui, le méli mélo gauche/ droite incarnerait une méthode. Et monsieur Macron qui cite pèle mêle É douard Herriot et Charles de Gaulle, Philippe Séguin et François Mitterrand (dont on se souvient de l’opposition ferme à propos de Maastricht), ressemble davantage à un lycéen survolant son manuel d‘histoire un jour de rentrée qu’à  un futur président… À cette pensée, me viennent des sueurs froides.

Car il y a dans son discours une rhétorique oscillant entre le guru de secte new age et le pasteur protestant assez inquiétante. Monsieur Macron veut réconcilier tout et son contraire : la France et le monde, dit-il à un moment, puis la France et son passé, puis les deux France, dit-il à un autre. Mais comment ? il veut combattre de concert la menace terroriste et le repli sur soi. Mais comment ? si bien que son discours de candidat s’enlise dans une besogneuse dissertation structurée en trois points, ceux de la devise républicaine qui va se retrouver tordue et essorée, mise à toutes les sauces. Drôle de moment, lorsque la jeunesse applaudit à tout rompre à cette assimilation liberté/ sécurité, sa promesse de réorganiser le renseignement et d‘augmenter l’armée… Drôle de jeunesse,  et inquiétants applaudissements. Étrange également, cette manière de passer du je au nous, cette façon de ne rien dire ni de trop ni de trop peu, tout en égrenant des vœux pieux... Carrément puritaine, cette manière, d‘intimer à son public l’ordre de ne pas siffler ses concurrents (Fillon, Hamon, Le Pen) que pourtant il conteste (on est chez des gens bien élevés ici, ma parole…). Non, vraiment, ce personnage me déplait, et je ne le vois pas rassembler autour de lui plus que ce public bien propre sur soi qu’il a déjà séduit, et dont l’enthousiasme semble déjà parfois las d‘attendre un peu plus de concret. Le plus inquiétant, c’est quand il profère : « il n’y a pas de culture française (peut-être que Brigitte ne la lui a jamais enseignée) mais il y a une culture en France », et, quelques lignes plus loin, détournant un mot d’esprit du prince de Ligne (que toute la France périphérique, rurale, et les banlieues connaissent bien), poursuit :  «je veux être totalement fidèle à l’Europe ».

J’étais venu voir celui que le système médiatique affectionne et promeut telle une nouveauté, je suis reparti consterné : pas de stature présidentielle, quelques mesures mais pas de programme cohérent une culture attrape-tout plus que douteuse, un point de vue sur l'Islam inexistant, un parterre de francs-maçons ni gauche ni droite et, derrière, du fric, venu lui d’on ne sait où…  

20:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : collomb, lyon, palais des sports, en marche, emmanuel macron, présientielle | | |