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samedi, 01 octobre 2011

Nos cheveux blanchiront avec nos yeux

Essayer d’être une page blanche : c’est une assez jolie expression, l’une de celle que l’on rencontre au fil de la lecture de Nos cheveux blanchiront avec nos yeux, de Thomas Vinau. Sous le double patronage de Blaise Cendrars, bourlingueur devant l’Eternel, et de Victor Hugo, grand père à la barbe fleurie, ce dernier propose un diptyque qui oppose le dehors de son dedans au dedans de son dehors, avec chaque jour « un fil qu’il faut suivre », « une diagonale élaborée dans le paysage ».

Nos cheveux blanchiront avec nos yeux est une succession de textes courts et titrés à la façon d’un recueil de poèmes en prose, articulés en un récit  qui tient plutôt du carnet de bord puis du journal intime, au fur et à mesure que le personnage narrateur, tout d’abord nomade, se sédentarise. Ce récit développe une véritable originalité et un solide cousu  autour de la vie d’un couple d’abord séparé, puis retrouvé lorsque l’enfant paraît et que, l’éloignement aidant, Sally (le personnage féminin) devient Ma Sally.

« C’est incroyable, le nombre de personnes qui ne se  sentent pas chez elles » note Thomas Vinau. On sent bien le parti-pris de ce militant du minuscule, comme il se définit lui-même sur son blog : suivre et capter sans cesse la brillance fugace du présent et de l’instantané, faire de l’instant – et non pas de l’histoire -  sa maison et son livre. Voilà pourquoi il est difficile de suivre l’éditeur qui en couverture annonce un roman. Car d’’image en image, le lecteur ne quitte jamais cet incessant présent de narration qui revendique non pas la construction d’une histoire faite d’amas de jours, mais incarne le fil tenu d’un quotidien sans cesse ré-écrit ; et c’est ainsi qu’au fil de la lecture,  « les personnages  infusent tout doucement en nous comme un sachet de thé dans un verre d’eau tiède » ; sans mémoire, sans passé véritable, mais pourtant dotés d’un corps, d’une voix,  dans « les couleurs d’une France lointaine ». Comme on passe subtilement d’un personnage rencontré à un autre, on croise aussi de nombreuses références, d’un Melville (Herman) à un autre (Jean-Pierre) : de la littérature au cinéma, de la chasse à la baleine à celle de bijoux, d'un modèle narratif à un autre : « L’écriture a été pour moi un moyen d’être compatible avec l’existence » avoue le narrateur au terme de son parcours. L’itinéraire auquel ce livre nous convie le prouve.

 

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