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samedi, 06 février 2010

Common indecency

On apprend que le centre des monuments nationaux vient de commander une étude  pour permettre l’implantation d’une activité d’hôtellerie gérée par des entreprises privées dans une vingtaine de monuments, parmi lesquels l’abbaye de Montmajour, le château de Bussy-Rabutin, l’hôtel de Sade, l’abbaye de la Sauve-Majeure, la forteresse de Salses, le monastère de Saorge… Cette étude a été commandée dans le cadre d’’une convention visant à rendre le patrimoine français « rentable », laquelle a été passée entre le ministre de la Culture  (Frédéric Mitterrand) et le ministre du Tourisme (Hervé Novelli)

 

On trouvera sur le site de François Bon le détail des explications sur ce qui concerne le monastère de Saorge, jusqu’à présent résidence d’écrivains, ainsi qu’un lien permettant d’envoyer une pétition contre ce dernier projet.

 

J’avoue que les bras m’en tombent.

Car à Lyon, c’est l’Hôtel Dieu, après l’hôpital de l’Antiquaille et celui de Debrousse, qui est menacé du même sort, par un type du nom de Gérard Collomb qui se déclare opposant à la politique de Sarkozy mais fait la même chose que ses ministres, faute peut-être de participer à son gouvernement. La pétition est toujours en lien, d'ailleurs.

 

Ces politiques de prédateurs sont rendues possibles par plusieurs facteurs :

Une relative indifférence de l’opinion publique, tout d’abord, qui, pour sa plus grande part a, en temps de crise, d’autres chats à fouetter.

Pour conduire ce genre de projets aussi ahurissants que putassiers, il faut aussi rappeler que les politiques, de quelque bord qu’ils soient, disposent  d’une argumentation béton que leur ont peaufinée depuis vingt ans de fumeux mais efficaces théoriciens.

En gros, et pour faire court, cela se déplie ainsi :

 

1.      Le patrimoine public est une notion historiquement datée de la Révolution Française.

2.      A cette époque, un certain nombre de bâtiments récupérés par l’Etat (châteaux, couvents…) ont vu leur valeur d’usage transformée : ils ont servi à l’éducation du peuple en devenant des lieux à vocation culturelle (musées, résidences d’artistes ou d’écrivains…)

3.      Les peuples disposant en ce XXIème siècle naissant, avec l’inauguration de l’ère du virtuel, de moyens d’éducation autrement plus efficaces, légers et pour tout dire économiques que des bâtiments de pierres (le musée virtuel est un concept  très tendance) ces derniers n’ont plus besoin d’être voués à cette noble et attachante mission.

4.      Ne pouvant retrouver leur valeur d’usage initiale, reste à en inventer une qui soit économiquement rentable. Le tourisme culturel ou la culture du tourisme est un marché prometteur, bien entretenu par les médias : le secteur de l’hôtellerie, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de bâtiments somptueux, est donc le secteur vers lequel se tournent les administrations pour les reconvertir.

 

Il y a, on le voit bien, un lien direct entre le bradage des éducations nationales des pays européens et celui des patrimoines nationaux. Les deux procèdent d’une même logique et suivent une même gouvernance. Et contre les deux, il est très difficile de lutter en demeurant isolé. D’autant plus difficile que se sont effondrés les principes moraux ou  éthiques qui tenaient debout, dans le peuple de droite comme dans celui de gauche, une sorte de common decency, comme aurait dit Orwell. Dans le monde de la common indecency, quoi de plus normal que les plus riches, pour quelques biftons, aillent partouzer dans un hôpital des pauvres, un ancien monastère, une résidence d’écrivain… On vous dira que si vous ne pouvez pas le faire, vous, c'est que n'êtes qu'un aigri. Un jaloux.

06:33 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : monastère de saorge | | |