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mercredi, 20 mai 2015

Philotée, femme savante.

« Paris, 2013. Une jeune fille en robe à fleurs et veste en jean élimée enfourche son vélo. Arrivée chez elle, elle allume une lampe de bureau industrielle posée sur une antique table d’écolier, à côté du canapé Ikea. Elle a presque terminé la saison 6 de Mad Men : son MacBook sur les genoux, elle recherche sur Internet des sous-titres en français pendant que le dernier épisode se télécharge. Cette jeune fille appartient à la génération Y. Elle est née en Occident entre 1980 et 1995. Elle vit à Paris, mais elle pourrait aussi bien être nantaise, nîmoise ou montpelliéraine. Elle pourrait également être berlinoise, new-yorkaise ou londonienne. Elle pourrait, aussi bien, être un garçon. Sa vie quotidienne est peuplée de références à un temps qu’elle n’a pas connu : elle possède des meubles des années 1950, porte les robes seventies de sa mère, écoute souvent Elvis Presley et Ella Fitzgerald. Pourtant, elle est considérée par les sociologues comme une digital native, c’est-à-dire quelqu’un qui était assez jeune quand les nouvelles technologies de communication ont émergé pour avoir grandi avec elles. Elle possède un smartphone et un ordinateur. Elle utilise depuis longtemps Twitter, Skype et Facebook. Ses photos et vidéos de la vie quotidienne, prises avec son téléphone, alimentent son profil sur Instagram ; elle y applique des filtres qui imitent le rendu de la pellicule, c’est plus joli. Quand elle part en vacances, elle utilise plus volontiers un vieil appareil argentique que ses parents lui ont donné. Un objet symbolise cette fusion entre la technologie contemporaine et celle du passé : la platine vinyle qui trône dans son salon, dotée d’un port pour y brancher son iPod. Les deux derniers concerts qu’elle a vus sont ceux de We Were Evergreen, trio français aux sonorités qui rappellent la beach pop des années 1960, et Tame Impala, un groupe australien dont le chanteur a piqué la voix de John Lennon. Elle appartient à la génération Y, et le vintage peuple sa vie. »

Tel est l’un des textes ayant servi de support à la réflexion des étudiants de BTS dans l’épreuve dite de culture générale cette année. D’une certaine façon, tout le cancer des temps postmodernes s’y énonce.  Est-ce un hasard ? Une ridicule femme savante  (Philotée Gaymard) le signe (extrait de son essai, Le Monde expliqué aux vieux). Les technologies modernes y occupent évidemment la place de la guerre de Troie en tant qu'élément fondateur  dans la mythologie contemporaine, Presley et Fitzgerald y tiennent sans peine le rôle d’Hector et d’Ulysse, héros des années 50 qui figurent la seule Antiquité («un temps qu’elle n’a pas connu »)  que notre époque de Nuls narcissiques à à offrir à sa jeunesse. L’analyse intellectuelle s’y borne à un constat. Ce qu’on appelle peut-être abusivement la culture à l'ombre de Fleur Pellerin, la ministre qui n'a plus le temps de lire, (MacBook, Ikea, Twitter et autres logos) a remplacé la nature, d’ailleurs vivre ailleurs qu’à Paris, Londres ou New York semble inenvisageable. Montpellier ou Nantes à l'extrême limite... Echapper à cette pseudo culture, autrement que par un voyage en vinyle aussi. Le grand absent de cet enfer pavé de sordides intentions, c’est donc le livre. Ne parlons pas de l’absence du père. Ni de celle du Père.

Ce n’est donc pas une génération de guerriers valeureux et d’amoureuses langoureuses que Philotée, la femme savante décrit : ni une génération d'érudits ; une lettre, Y, une seule lettre suffit à désigner ses membres. Le mépris des sociologues pour les jeunes qu'ils baptisent [car leur parole insane vaut aujourd'hui celle des prêtres] pour le pékin moyen, est terrifiant. « Elle vit à Paris, mais elle pourrait aussi bien être nantaise, nîmoise ou montpelliéraine. Elle pourrait également être berlinoise, new-yorkaise ou londonienne. Elle pourrait, aussi bien, être un garçon. » Dans ce monde sans identité, héritage ni sexualité défini, on est soi mais on pourrait aussi bien être  un autre. L’égalitarisme du libéral-libertaire mène à l’interchangeabilité des êtres, leur interchangeabilité à leur anéantissement. Ce n’est pas un nivellement par le bas, c’est un nivellement par le vide.  

 

Qu’un sujet aussi inepte – et aussi efficace sur le terrain de la propagande d’Etat - se manifeste en même temps qu’une réforme visant à évincer le latin et le grec de l’enseignement, au profit (entre autres inepties) d’improvisations théâtrales sur le mode de celles pratiquées par Djamel Debbouzze n’étonnera aucun contemplateur de la destruction de l’esprit si propre aux temps postmodernes et dont la gauche européenne se fait depuis Mitterrand (ne parlons plus du pingouin abruti) le chantre fanatisé.

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 La création du monde

 

07:44 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : philotée gaymard, ikea, ipod, twitter, vintage | | |