mercredi, 25 juin 2008
Le Baron Raverat
Le baron François Achille Napoléon Raverat est né en 1812 à Crémieu (Isère), où l'ancien cours des Tilleuls a été rebaptisé à son nom. Son père avait été anobli par Napoléon 1er en raison de ses glorieux services, de ses faits d’armes et de ses blessures. Après 42 années passées à la tête d'un cabinet de dessin, Raverat fils entama une carrière "littéraire" en rédigeant une notice sur la vie militaire de ce père bonapartiste. C'était dans l'air du temps, Napoléon "le petit", comme disait alors Victor Hugo, ayant mis la main sur le pouvoir politique en France. Encouragé par ce premier succès, le baron, qui aimait se promener et qui aimait lire, se spécialisa dans un genre porteur et promis à un bel avenir, celui des «guides, promenades & excursions historiques, pittoresques et artistiques », éditant - parfois chez l’auteur, parfois dans une librairie locale - (Maisonviole à Grenoble, Maton à Lyon) une série d’ouvrages aujourd’hui quasiment introuvables. A en croire ce qu’il raconte, il aurait donc baladé ses guêtres de 1860 à 1880 dans toute la contrée rhône-alpine: Haute Savoie, Savoie, Dauphiné, Vallée du Bugey, Massif central ; la plupart de ces volumes valent, à titre de documents, le détour : et cependant furent-ils fabriqués au cours de promenades véritablement effectuées ou à l’occasion de fréquents séjours en bibliothèques ?
Les contemporains du baron pouvaient à juste titre se poser la question, car ils n’apportent que rarement une information nouvelle par rapport aux travaux d’érudition antérieurs à leurs publications. C’était probablement des recueils et des compilations de seconde main. Mais aujourd’hui, régions, villes, monuments, ayant été si transformés, on trouve un charme désuet à parcourir ces pages jaunies, parsemées ça et là de mouillures. En feuilletant les pages du baron on comprend que ce type d’ouvrage représentait alors un marché car il satisfaisait la curiosité d’un public moderne. Depuis la Monarchie de Juillet, se développait en effet un véritable engouement – voire une fascination – pour l’exploration touristique des « provinces », la découverte géographique et historique des pays. Cet engouement pour le tourisme, dont Flaubert, avec son Bouvard et Pécuchet, dressa une satire drôle et efficace, allait de pair avec le développement parallèle des chemins de fer et celui de la photographie. D’ailleurs, à son « De Lyon à Montbrison, édité en 1876, comme à son « De Lyon à Genève » (1878) et à son « De Lyon à Grenoble » (1879) l'habile baron ne manqua pas de joindre pour chacun une carte de chemin de fer ; à son « Dauphiné » de 1877, une vue photographiée de la Grande Chartreuse, en lieu et place de la traditionnelle gravure. Nul doute que ces ajouts devaient constituer un plus, un bonus, un argument de vente aux yeux du public de l’époque. C'était le début d’une forme de vulgarisation appelée à un grand avenir. Elle déplut fortement aux vrais érudits, certes, qui reprochèrent au baron ses emprunts trop fréquents, trop faciles, voire ses plagiats, sa langue un peu trop journalistique et parfois incorrecte, ses lieux communs et ses clichés ; que diraient-ils aujourd’hui ? La vulgarisation de nos aïeux ne manque pas, avec le recul, d’un certain charme, tant elle fait preuve de naïveté. Voici, pour preuve, un passage de «Notre vieux Lyon» (chez Meton, libraire, 1881), consacré à l’exploration, par le baron, du vieux quartier Saint-Paul :
«Pour l’historien et pour l’archéologue qui aiment à étudier et les mœurs et les habitudes de nos ancêtres, pour l’artiste comme pour le simple amateur, le vieux quartier de Saint-Paul était assurément l’un des plus curieux à parcourir de tous ceux qui constituaient notre antique cité. Là, on trouvait autour de l’église un véritable réseau de petites ruelles resserrées, tortueuses, sombres, inabordables aux voitures. Les maisons dataient, pour la plupart, du moyen-âge. Elles offraient à l’œil l’aspect le plus sordide. Leurs fenêtres à croisillons, quelques-unes à guillotine et munies du légendaire papier huilé n’y laissaient pénétrer qu’un jour avare ; les allées surbaissées, l’escalier à colimaçon, les cours exiguës, les impasses ou culs-de-sac, formaient un tableau saisissant de la misère et de la malpropreté. Rarement le soleil l’éclairait de ses rayons bienfaisants, et rare aussi était cet air pur, première condition de la vie. On y sentait le froid, l’humidité, on y respirait une atmosphère fétide.»
Le baron mourut à Lyon en 1890. Il avait été membre de la très provinciale Société Littéraire de Lyon, et son président depuis 1880.
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