vendredi, 15 août 2014
Marie, de Kodeń
Marie, écrivit Alfonso de Liguori dans sa méditation sur l’Assomption, fut la seule qui, « arrivant au Ciel, put dire à Dieu : Seigneur, si je ne vous ai pas aimé sur la terre autant que vous le méritiez, je vous ai, du moins, aimé autant que je le pouvais ! »
« Marie a été très cachée dans sa vie », rappelle Louis Grignion de Montfort : C’est ce que signifierait Alma mater, « mère cachée et secrète », de l’hébreu almah. Sa Virginité échappera toujours au frigide raisonnement des humains, telle l’eau réchauffée s’écoule de la glace froide et bornée. Dans sa Virginité, Marie a gravé pour jamais le mystère d’une autre Nativité, merveilleuse et poétique - au sens que les Grecs conféraient au terme - lequel reconduira éternellement, par-delà les limites de la raison, la vitalité de sa dévotion. La Virginité de Marie est un commencement éternellement reproduit, un recommencement offert à tous les humains, l’essence même de sa fécondité : C’est pourquoi la liturgie la consacre « Reine et Souveraine du Ciel et de la Terre », la mère véritablement nourricière que ne fut jamais Ève.
Innombrables sont les icônes et les tableaux représentant Marie par le monde. Dans la basilique Sainte Anne de Kodeń en Pologne, l’un d’entre eux témoigne de la ferveur poétique qu’inspira sa dévotion. C’est une furieuse histoire, d’amour, de voyage, de rapine, de politique et de pardon, qui pourrait débuter par « Il était une foi » : Celle de Mikolaj Sapieha, dit le Pieux, un prince polonais du dix-septième siècle. Ce dernier, affaibli par une maladie tropicale, avait effectué un pèlerinage jusqu’à Rome dans l’espoir d’une rémission. Il rencontra alors le pape Urbain VIII et fut guéri dans la chapelle du Vatican, devant ce tableau représentant une sculpture de la Vierge et de l’Enfant ayant appartenu à Grégoire 1er, et ayant séjourné dans la ville de Guadapule, en Espagne. On raconte qu’il avait été peint par Augustin de Cantorbéry, avant son départ pour Kent.
Mikolaj Sapieha s’éprit du tableau avec une telle force qu’il osa demander au pape de le lui offrir. La toile étant miraculeuse, ce dernier refusa de s'en séparer. Micolaj ne se découragea pas et décida de la découper, puis de s’enfuir avec à travers les Alpes et l’Europe centrale. Le vol découvert, le pape lança ses gardes à ses trousses, mais Sapieha qui connaissait mieux les routes parvint à regagner avec son précieux butin sa Pologne natale, jusqu’à la ville de Kodeń, où il la déposa dans une église en bois. Le pape ordonna sa restitution. Comme Sapieha refusait, il prononça contre lui une excommunication.
Mais Mikolaj se révéla un auxiliaire précieux du catholicisme polonais lorsqu’il intervint pour bloquer le mariage entre le roi Ladyslas IV Vasa et la très cartésienne et très protestante Princesse Palatine Elisabeth de Bohême. Sous la pression des autorités catholiques polonaises, Urbain VIII leva l’excommunication en 1634. Le prince polonais dut néanmoins accomplir un nouveau pèlerinage à Rome, et le pape offrit alors au peuple de Kodeń son tableau miraculeux, à condition que Mikolaj s’engageât à y bâtir une basilique. Ce qui fut fait. La basilique recèle d’ailleurs d’autres trésors étonnants, dont il sera peut-être question un jour ici.
La Vierge Kodeńską, basilique Sainte-Anne à Kodeń
11:03 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : kodeńską, alfonso de liguori, grigion de montfort, koden, urbain viii, guadapule, augustin de cantorbéry, nicolas sapieha |