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lundi, 14 décembre 2009

Cellule 2009

Fendons-nous de quelques banalités bien tranchées, puisqu’une nouvelle semaine nous montre impudiquement le bout de son lundi : j’ai du mal à croire, pour rien vous cacher, que nous allons  bientôt pénétrer, comme un couteau de boucher à l’intérieur d’une viande saignante, dans le vif hasardeux d’une toute nouvelle décennie.  On me le dit pourtant un peu partout, d'almanachs en calendriers, sans compter les Pères Noëls comme des sacs qui déjà trainent leurs guêtres au milieu de sapins abattus sur les places et dans les grandes surfaces : tel serait bien le cas. Et que ce serait même foutrement irrémédiable... Bon sang, j'aurais donc pas vu défiler les neuf fois douze mois des premières années du troisième millénaire ? Où étais-je donc ?

Guère plus que le cortège de tous ceux des dernières décennies du deuxième, d’ailleurs. Ils sont passés, les gueux, goutte à goutte, d’un geste imperceptible. C'est rien du tout un mois, pas plus qu'un moi.

Du coup, j’aurais envie d’écrire 09 partout, ce matin, sur les murs à la peinture blanche, sur les abribus au feutre noir, sur tous les visages que je croise, et sur les dernières feuilles des platanes qui cèdent à l'hiver, finalement, sur chaque flocon de neige et sur le vent.

Et je me console en me disant que si je vois si peu les ans passer, c’est à cause du calendrier uniforme de la société du spectacle qui a tout fait tout pour qu’ils se ressemblent tous les ans, nos ans, c'est sûr. Rien ne ressemble plus à la mort de Mickael Jackson que celle d'Edith Piaf ou que celle de Johny Halliday, vous allez voir. Rien ne ressemble plus à une fête des Lumières qu'une fête de la musique, et qu'une guerre en Irak qu'une guerre en Afghanistan.

Fut un temps, je m’étonnais toujours, quand une année tirait à sa fin, de demeurer là, moi aussi. Encore là !, me disais-je en me rasant, un beau matin de décembre. Avec cette tête changeante qui avait l'air de ne pas bouger d'un iota. Et je sortais pour humer l’air des rues. J'aurais avalé le monde.

Maintenant, même plus.

J’ai pris l’habitude de vivre.

Et cela ne m’étonne plus d’avoir des mains, des pieds, un regard. De tous ces organes depuis si longtemps explorés, de tous ces petits rites sans surprises, de toute cette peau, ces ongles, ces cheveux, est-il vraiment sage d'attendre pourtant quelque étonnement ?

Qu'avons-nous le droit d'espérer, franchement, de l’an prochain ?

C’est l’instinct seul, qui s’oppose. L’instinct finit toujours par récupérer la pensée sans fondement du calendrier du spectacle, par lui trouver non pas un sens, mais au moins une direction, et le soumettre à sa volonté de perdurer. Alors le locataire de sa propre viande se rassure, se conforte, vous savez.

Quelques jours jours encore dans la cellule 2009 du temps qu'il fait, puis l'an neuf, au gué, au gué. Champagne pour tout le monde. Il suffira de passer le pont.

 

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Sisley -  Le pont d'Argenteuil - Orsay.

07:32 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : an 2009, littérature | | |