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mardi, 05 février 2008

La disparition

Que dire de ces livres plats, sans relief, sans profondeur, dont la société du spectacle nous inonde ?  Quel intérêt y avait-il, déjà, à lire un ouvrage consacré à la pauvre existence de Rachida Dati ? A celle, non moins exaltante, de Cécilia Sarkozy ? Et quel nouvel intérêt y aurait-il à se pencher sur l'un de ceux qui racontent la vie de Carla Bruni ?

Je remarque au passage que le e muet, qui laisse de façon si douce en suspens à l'oreille une consonne, ou bien qui lui permet de s'essoufler lentement dans un bruissement vaporeux, le e muet est bizarrement (ou tragiquement) absent du nom des femmes du président. Le n637a848bcd38811f179a2a10a26d7c71.jpgom et le prénom de chacune de ces dames qui ne donnent pas dans la nuance, au contraire, ne possèdent qu'une voyelle claironnante et sonnant sec en finale. Comme, entre parenthèses, celui de leur mentor Nicolas Sarkozy qui ignore aussi abruptement qu'un claquement de porte la tendre suggestion et la fine délicatesse du e muet si caractéristique de la langue de Bossuet (qu'il écorche d'ailleurs tant qu'il le peut). De la plus fermée (A, noir) à la plus ouverte (I rouge, disait Arthur.), les voyelles des femmes du président et du président lui-même sont donc sans mystère, sans ambiguïté, sans profondeur. Starlettes, tout au plus. De là à dire que celles et celui qui les portent sont, de même ....

Cette disparition ferait en tout cas une bonne intrigue pour un Pérec post-moderne qui aurait du temps à perdre à broder sur la vie de tous ces êtres insipides dont le destin n'est que de passer de rayons en rayons, tout en empochant un maximum de blé. Signes éphémères, pauvres livres de vent... "L'Art s'intéresse à l'objet pauvre, disait Tadeusz Kantor, pour le faire passer de la poubelle à l'Eternité." Belle formule inspirée du dadaïsme et du ready-made, façon Duchamp. Et pour de vrai, ni le banc de la Classe Morte,  ni la roue du char du Retour d'Ulysse, ni le pistolet de Marcel Duchamp ne sont entièrement passés à la poubelle. Qui aurait, pourtant, la folie de vouloir sauver de la consommation frénétique dont ils sont les repoussants emblèmes tous ces haïs, icones si vertigineusement et si tragiquement vides et indignes du moindre e muet ?

 

 

lundi, 04 février 2008

Un monde en toc

Assiégé par des rebelles, un palais présidentiel tremble. Dans un autre, un avocat véreux épouse une courtisane liposucée. Seul sur un banc, un homme lit la philosophie d'un Grec ancien, qu'on vient de lui fourguer avec le journal du soir. Au magasin bio du coin, une cliente antipathique se fait tirer son sac par un malfrat malin. Le lendemain, un club breton de CFA 2 sort d'une compétition footballistique pourrie un club pro. Quelques jours auparavant, le conseil d'administration d'une banque avait reconduit son PDG qui venait pourtant de laisser partir en fumée rien moins que 7 milliards d'euros. Ce qu'on retient des primaires aux Etats-unis, c'est que pour être noir, il faut  quand même être né d'une mère blanche afin de partir à l'assaut de la Maison du même adjectif. Tout ça ne nous dit pas l'heure, assurément. Mais quand même.

On ne peut imaginer à ce jour le nombre de mères de famille âgées de la cinquantaine qui rêvent de voir leur progéniture, mâle ou femelle, s'imposer enfin à un jeu de téléréalité. Compensation narcissique ? Economique ? 78 millions d'euros, c'est le budget d'un film érigé à la gloire de la connerie française et diffusé dans le monde entier. Un traité rejeté par référendum est ratifié en catimini par des députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles. Tous plus ou moins maqués dans une loge ou dans une autre. Cela ne sera que le énième calamiteux traité de Versailles. Celui-ci, nous dit-on, n'est qu'un mini. Comme les fourmis. Pendant ce temps, des millions de consommateurs de démocratie participative s'activent à préparer les élections municipales à venir, comme si ça devait changer quelque chose à leur morne existence. Dame, vous disent-ils, un maire, c'est un élu de proximité avec lequel on peut causer. Soit.1fd1ff067da30259dd01799eb6559ff7.gif Mais tout ça ne nous dit toujours pas l'heure.

A quoi bon, me direz-vous l'heure, l'heure ? « Nous disparaissons ». Tels sont les premiers mots d'un essai qui vient de paraître chez Flammarion (voir ci-contre). Analyse brillante, par son auteur canadien Ollivier DYENS, de la relation qui s'est tissée entre chacun d'entre nous et ceux que Georges Bernanos appelait déjà, en 1944, "les robots". Analyse brillante mais in fine décevante car finalement impuissante. Cet auteur, comme beaucoup de verbeux officiels, ne sort du rang que pour mieux aller y occuper une place un peu plus en tête au box-office des centres de distribution d'objets culturels. Le tout guidé par "l'effroi technologique" qui n'a pas l'air de le terroriser tant que ça, ni intellectuellement, ni moralement, ni spirituellement  : car s'il n'y a rien à faire, véritablement, qu'être cette "machine qui palpite", alors pourquoi avoir écrit ce livre ? Et où sont passés les polémistes d'antan ? Techniciens, le seraient-ils devenus jusqu'aux confins de leurs lacunes?  A ce rythme-là, le monde en toc ira, par nos soins, proliférant, en effet... Et qu'importe l'adjectif qu'un petit malin ira plaquer sur le mot condition. Cette prolifération, quand chacun d'entre nous et tout ce que nous consommons en fait partie, n'est plus même une condition. A quel point Beckett avait, non pas vu  ( Qui voit ? Où sont les voyants, où sont les  visionnaires ? ), mais subi - et décrit - juste ! Sous le ciel gris d'un monde en toc, pour se faire un chapeau de paille, toute l'actualité du monde, et tous les essais qu'on peut écrire à son sujet, ne suffit plus.

 

14:06 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : société, actualité, culture, politique, critique, littérature, beckett | | |

samedi, 02 février 2008

chandeleur

Aujourd'hui, Chandeleur, jour de la Purification de la Vierge, rappelle la Légende Dorée de Jacques de Voragine. Marie, qui n'avait nullement besoin d'apporter son enfant au Temple, céda pourtant à la Loi des hommes, par une vertu où se mêlent obéissance et humilité. C'est ce qui permit à Syméon de composer le cantique qui porte son nom :

« Car mes yeux ont vu le salut / que tu préparais à la face des peuples / lumière qui se révèle aux nations / et donne gloire à ton peuple Israël... »

 Sans doute sommes-nous loin du temps où les jeunes filles du peuple achevaient ce jour-là leur neuvaine du même nom, par la récitation fervente de laquelle elles espéraient découvrir en vision le visage de l'époux qu'elles rencontreraient par la suite, afin d'être certaines de ne pas rater l'âme sœur. Charles Nodier, qui fit un conte fantastique de cette coutume, ne reconnaîtrait donc plus Montbéliard. Sans doute sommes-nous loin aussi des processions plus ou moins festives et carnavalesques du Moyen Age, durant lesquelles de graves et songeuses Vierges Noires vêtues et coiffées pour l'occasion de leurs plus beaux atours étaient promenées le long de rues mal pavées.

 

Le Perce-neige
Violette de la Chandeleur,
Perce, perce, perce-neige,
Annonces-tu la Chandeleur,
Le soleil et son cortège
De chansons, de fruits, de fleurs ?
Perce, perce, perce-neige
A la Chandeleur.

 

On ne sait pas trop quelle mouche piqua Robert Desnos le jour où il composa cette comptine. Elle est néanmoins bel et bien de l'auteur de Rrose Sélavy.  Fête des crêpes au moins autant que fête des cierges, Chandeleur, jusque dans les trois syllabes de son nom (au contraire d'Epiphanie, par exemple) a gardé dans sa consonance quelque chose de la naïveté de sa formation populaire. Chandeleur : On dit bien que si l'hiver ne meurt pas ce jour-là, il prend vigueur...

 

07:50 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chandeleur, robert desnos, jacques de voragine | | |