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jeudi, 04 août 2016

Paul, un imposteur ?

Il y a de cela une semaine, je me trouvais à cette heure en plein cœur de l’EUR à Rome, à l’intérieur d’un monastère enfoui dans un bois d’eucalyptus, et dédié à la mémoire du martyre de saint Paul. Et voilà qu’aujourd’hui, dans le dernier numéro de Dabiq nommé Break the Cross, je lis que les partisans de l’Etat Islamique s’en prennent violemment à l’apôtre Paul, entre autres attaques véhémentes contre tout ce qui fonde la foi catholique, qu’ils vomissent et exècrent au plus haut point. Pourquoi Paul, pourrait-on se dire, quand la plupart des baptisés français n’ont peut-être jamais lu ses épitres, et que le moins que l’on puisse dire est que son témoignage n’est plus guère d’actualité dans l'hexagone ?  Parce que, au risque de déplaire à ceux qui ne voient chez les terroristes de l’Etat islamique que des égorgeurs fanatisés, des psychopathes égarés, des marginaux invétérés, Daesh possède bien un discours théologique, qu’il puise et justifie par le Coran et les hadiths, ainsi que par bon nombre de penseurs soufis.

Un chapitre entier intitulé Paul l’imposteur, donc.

Ce qui justifie cette attaque, c’est tout d’abord son statut particulier « d’avorton », pour reprendre ses propres termes : Paul n’a jamais connu le Christ vivant. En tant que témoin privilégié de sa Résurrection, que les musulmans nient avec acharnement, il est donc, si on peut s'exprimer ainsi, l'apôtre à abattre. Et Daesh de citer l’Epitre aux Galates : « Je vous déclare, frères, que l'Evangile qui a été annoncé par moi n'est pas de l'homme ; car je ne l'ai ni reçu ni appris d'un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. » (Galates 1:11-12). Paul serait donc un falsificateur de l’Evangile du Christ, un menteur qui, en privilégiant la Deuxième Alliance (l’Incarnation) à la Première (La Loi) a perverti le premier christianisme. « Prétendant suivre l’enseignement du Christ, il enseigna des choses directement opposées à ce que Jésus institua, continuent nos théologiens de Dabiq. On pouvait s’y attendre de la part de Paul qui prêcha hardiment contre la Loi de Moïse en ces termes : « Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi » (Galates 3:13). Il soutenait à la place : « Si vous êtes conduits par l'Esprit, vous n'êtes point sous la Loi. » (Galates 5:18).  C’est donc à la fois en tant que témoin de la Résurrection et apôtre des Gentils que Paul se trouve tout d’abord placé sous la critique des islamistes.

Ils lui reprochent ensuite ce qui fonde sa spécificité, le fameux « Tout à Tous » énoncé dans le discours aux Corinthiens qui devient à leurs yeux une forme de laxisme, voire d’hypocrisie, «la justification habile d’un grave péché »  : « « Car, bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre.  Avec les Juifs, j'ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi quoique je ne sois pas moi-même sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ, afin de gagner ceux qui sont sans loi. J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver de toute manière quelques-uns. » (Corinthiens I - 9:19-22).

Enfin, sa vision du Christ sur le chemin de Damas, dont il fut, nous rappelle-t-on justement, le seul témoin, est assimilée à une vision satanique : comparé à la sagesse de Ibn Taymiyyah théologien salafiste du XIVè siècle appelé à la rescousse, qui eut la sagesse, lui, grâce à Allah, de repousser la vision «d’un grand trône sur une lumière », Paul est un enfant de chœur qui se laisse duper comme un débutant par le diable. « Si Paul a vraiment vu quelque chose sur la route de Damas, ce n’était pas Jésus mais Satan qui lui inspira à enseigner ce qui était interdit, l’abandon de la Loi, et la prière au Christ au lieu de la prière à Allah…Tout ceci n’est qu’un aperçu dans un océan de contradictions, fabrications et suggestions ignorantes trouvées dans les textes de source chrétienne. » concluent enfin les théologiens du salafisme contemporain. » Demeure l'impression, à leur lecture, que ce qu'ils regrettent en ce Paul converti, c'est qu'il ne tue plus des chrétiens, et préfère le martyre pour son propre compte à l'assassinat d'autrui. 

Après une telle lecture, je me demande deux choses :

  • Comment le pape François peut-il être aussi conciliant à l’égard de la violence islamiste ?
  • Cette critique de Paul, établie du point de vue unitarien [et qui n’est au fond qu’un moyen d’attaquer la Trinité en niant au Christ sa qualité de Fils et à Paul sa qualité d’apôtre par l’Esprit saint], ne peut-elle trouver de nombreux acquiescements parmi les autres ennemis de l’Eglise, unitariens comme les adeptes du Grand Architecte de l’Univers ou tout simplement athées ?

Pour toute réponse, je goûte cette paix propice, telle que dans l'abbaye des Trois Fontaines à Rome, et dans l'église de la Décapitation, je l'ai goûtée. Je ressens ces siècles d'histoire et de catholicité dont rien n'a pu m'arracher et cet instant d'empathie, d'abandon, d'amour qui m'a lié là-bas à cet apôtre si brillant, si juste et si droit que j'ai pu le prier secrètement d'avoir le privilège de témoigner un jour en sa faveur. Jamais je n'aurais pensé alors que l'occasion s'en présenterait si vite, et de cette manière sidérante qu'il fallût la mort d'un prêtre à l'autel de son Christ, et toute cette haine déversée à son encontre, pour qu'elle jaillît. Paul, l'apôtre des Gentils dont plus que jamais nous aurons besoin pour «lutter», comme disent les politiciens, «contre le terrorisme», qui lançait aux Corinthiens cette sentence si intelligemment énigmatique : « Nous sommes accablés de toute manière mais non écrasés, nous connaissons l'inquiétude, mais non le désespoir, nous sommes pourchassés, mais non dépassés, nous sommes terrassés, mais non anéantis. Nous promenons sans cesse en notre corps la mort de Jésus afin que la vie de Jésus se manifeste elle aussi en notre chair mortelle...»   ( 2 Corinthiens, 4, 8-11)

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décapitation de Paul, Enrique Simonet, 1887

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tête en bronze de Saint Paul, église des Trois Fontaines, Rome

16:27 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : saint paul, abbaye des trois fontaines, décapitation, dabiq | | |

Commentaires

Le pape François est en train de tomber dans le piège. Piège dans lequel bon nombre sont tombés.

Écrit par : Julie | dimanche, 07 août 2016

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