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mercredi, 18 décembre 2013

Science du silence

La science, en ce temps-là, se nichait vive dans les livres. Il veillait du Faust dans l'encéphale du moindre médecin de campagne. Celui-ci tient à ses fioles comme l'Harpagon à son or. Elles, qui font tout son commerce. Calice qu'il soulève, mystère de sa médecine. Communion du savoir. A ses jarres et ses pots d’apothicaires, pareillement.

La patiente a la mine plus crédule que maladive, d’une humble dévote. Ce qu’elle va entendre, hélas, elle s'y soumet déjà !  La science n'est-elle pas matrone, en ce temps là ? par chaque ligne et sur toute la faïence filtre et se répand encore la lumière que Dieu fit, au commencement. Et son règne n'aura pas de fin. Frère et sœur par le serpent, cependant. Après le verdict du médecin, elle trottera jusqu'à la ferme, acheter quelques victuailles pour se remettre d'une telle superstition. La porte en bois a cessé de grincer derrière elle : On attend quelques secondes avant d'annoncer qu’un autre malade attend aussi, juste derrière la paroi. L'humanité souffrante et le péché du monde, longue cohorte de gueux.

La lumière bien sûr. David Teniers le Jeune est un flamand qui a son rang à tenir. Fils, gendre et neveu de peintres. La lumière dans le sang. Une technique, comme une dynastie, incomparablement maîtrisée. Jusqu’à la mourante étincelle à l’intérieur du poêle, faible braise. Jolie minutie qui parcourt les étoffes, également. Depuis le plus jeune âge, sans doute. Genèse de David, ses croquis d'écoliers ; d’ombre et de lumière, le bras tout profilé. Le peintre inspiré, disaient ses maîtres en ces temps-là, n'est-il pas un médecin de l'âme ? 

Lumière, donc. Lumière certes. Ce qui fait toute la toile, néanmoins, n'est-ce pas d’abord le silence ? Même par la fenêtre n'ose surgir un cri. De quelle secrète correspondance entre le liquide de la fiole et l’encre du papier va surgir le diagnostic ? Le silence de l’attente, palpable matière et souverain motif à la fois. C’est par lui que les trois visages se ressemblent, que la composition se tient. Une parole, celle de Celui qui sait, va tomber. Et comme toujours, ce sera la fin du tableau.

David Teniers le Jeune.jpg

David Teniers le Jeune, le Médecin de Campagne

05:42 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : david teniers, peinture, médecine, flamands | | |

Commentaires

Ce concentré de silence, ces personnages à l'écoute, se frayant lentement un chemin vers ce qu'ils vont apprendre, ce qui va les sortir de l'obscurité (les livres vers lesquels se porte la lumière sont d'une blancheur éclatante), nous appellent à voir "en première fois". En écho du premier Dit du monde : "Que la lumière soit !"

Sortir de l'obscurité pour y replonger si c'est une mauvaise nouvelle, le mystère de nos vies se creusant dans la solitude des chambres nues saturées de pénombre...

Écrit par : Michèle | mercredi, 18 décembre 2013

Tandis que maintenant, le médecin, le chirurgien sont contestés, un peu dans la distance critique qui se manifeste par le soin pris à consulter plusieurs professionnels et par l'émergence de ce magasin à indications et à pronostic qui s'appelle internet. Médecine 2.0 donc.

Écrit par : chiru | mercredi, 18 décembre 2013

Beau texte, Solko. C'est drôle cependant : la patiente, je ne lui trouve pas l'air crédule. Au contraire, dans cette moue des lèvres, dans l'éclat de ses yeux, le lis une sorte de scepticisme lointain et presque amusé par les agissements ésotériques du savant.
Mais je peux me tromper. Cela m'arrive assez souvent...

Écrit par : Bertrand | mercredi, 18 décembre 2013

Oui, c'est vrai. Un scepticisme aussi las que lointain, un air ailleurs, comme si elle se disait "à quoi bon soigner tout ça..." Ce qui est clair, c'est qu'elle se tient à l'écart.

Écrit par : solko | mercredi, 18 décembre 2013

C'est drôle je n'ai pas du tout l'impression qu'elle se tient à l'écart. Je la sens plutôt proche du médecin. Et plutôt fataliste quant à ce qu'il va dire. En tout cas prête à entendre.
Et l'autre personnage, près de la porte, vient aux nouvelles. Il laisse sa femme en première ligne :) Mais la maison, c'est le domaine du féminin :)

Écrit par : Michèle | mercredi, 18 décembre 2013

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