dimanche, 24 mars 2013
Earth Hour : la rhétorique vaine du "sauvetage"
Earth Hour : de l’opéra de Sydney à la Tour Eiffel à Paris, les monuments qui font le monde ont été symboliquement éteints durant une heure hier soir, pour « sensibiliser la population » au réchauffement de la planète et aux économies d’énergie. On peut se demander au passage combien d’énergie aurait été économisée si, depuis 2007, date à laquelle cette opération de communication a débuté, tous les monuments avaient été effectivement éteints chaque nuit, été comme hiver. Ou si, plus simplement, on n’avait jamais pris cette habitude purement spectaculaire d’abolir la nuit dans nos cités, en éclairant pour rien des millions de bâtiments déserts, au frais du contribuable censé s'en enchanter.
Cette opération, plus festive qu’autre chose, ressemble tellement aux grands prédateurs que nous sommes. Nous avons besoin de cette bonne conscience, collective et médiatisée, qui est le propre de l’indignation et de la lutte collective post modernes, pour nous déclarer non plus sapiens mais au moins encore un peu homo. Eteindre la lumière quand on quitte une pièce, jadis un acte de bon sens individuel et d’économie personnelle, aujourd’hui un geste de lutte écologique et d’engagement « pour sauver la planète » ! Comment ne voit-on pas que tout ce discours prétendument socialisant (« citoyen »), qui se veut celui d’une collectivité consciente de ses actes, parasite bien plus la prise de conscience de chacun qu’elle ne la motive. Earth Hour n’est rien qu’un jeu, à la fois ridicule et symbolique.
Ridicule parce que tout le monde sait qu’il ne change rien à la situation : on se donne le droit de continuer la grand gâchis planétaire, en se l’interdisant une heure, juste pour s’amuser en poussant des cris stupides devant le spectacle d'une tour Eiffel, retournant pour une heure à l'obscurité.
Symbolique, parce que représentatif jusqu’au dérisoire, de tout ce que les démocraties d’opinion et leurs dirigeants produisent comme mesures couteuses et inefficaces, que ce soit dans l’économie, la santé, la justice, le sociétal (comme ils disent).
Littéralement, tous ces « pingouins » en cols blancs, qui se croient si nécessaires parce qu’ils passent leur temps à « sauver » (la planète, l’euro, les emplois, les retraites…), dans une rhétorique du naufrage qui pue en réalité les détournements de fond et les financements occultes, ne sont que des prédateurs du Bien public. D'une affaire à l'autre, d'un scandale à l'autre, à gauche comme à droite, chacun le dit, chacun le sait, et tout le monde continue à s'engager dans l'illusion colllective que génèrent leurs discours, sans cesse et partout martelés . A quand leur extinction définitive, le retour salvateur à la nuit noire de l'âme ?
09:45 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : earth hour, politique, tour eiffel, opéra de sydney, société |
Commentaires
Tiens, Thibaudet est d'accord avec vous qui fit, vous vous en souvenez? une escapade à Sidney: ridicule,hypocrite,consternant!
Écrit par : Sophie | dimanche, 24 mars 2013
En effet. Même si, en réalité, c'est moi qui suis d'accord avec lui
(ça me rappelle les pères et les mères qui trouvent qu'ils ressemblent à leurs enfants, quand dans les faits, c'est le contraire).
Vive Albert, donc. On sera toujours d'accord sur ce point là, fondamental !
Écrit par : solko | dimanche, 24 mars 2013
Ben moi itou chus d'accord. Ce qui me fascine, c'est, toujours en filigrane, la culpabilisation constante du citoyen et la morale à trois balles qu'on lui sert (genre "achète-toi une bagnole pour soutenir le commerce, mais ne l'utilise pas pour sauver la terre".)
Écrit par : Sophie K. | dimanche, 24 mars 2013
Achète toi une voiture mais évite de t'en servir, c'est ce que l'on appelait jadis la double injonction paradoxale, et ça pourrit bien la vie.
Écrit par : Julie des Hauts | lundi, 25 mars 2013
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