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vendredi, 30 septembre 2011

Nocives primaires

Ségolène Royal fait souvent cette espèce de lapsus qui consiste à nommer premier tour des présidentielles ce qui va se passer le 16 octobre 2011 en France, à savoir le  second tour des primaires socialistes. Si l’on prend ce propos autrement que comme une boutade servant une stratégie personnelle éculée, il pose néanmoins question puisqu’il revient à tirer une croix définitive sur le 1er tour de la présidentielle elle-même, lequel aura lieu en avril. Et donc sur les candidatures indépendantes qu’il occasionne, et qui sont une des spécificités du scrutin direct français, sa principale richesse.

Car les Primaires ne sont une tradition qu’aux Etats-Unis, où l’opinion s’est résolue depuis longtemps à se contenter pour tout débat démocratique des prises de becs internes aux deux partis qui constitue ce « premier tour » très médiatisé entre démocrates et républicains qui structure leur pouvoir politique. Aux quatre conditions émises par la Constitution américaine pour se présenter (être âge de plus de 35 ans, être citoyen des USA à la naissance, avoir résidé aux USA pendant au moins 14 ans et ne pas être candidat à un troisième mandat), il eût donc fallu rajouter être membre influent de l’un des deux partis.  On m’objectera qu’aux Etats Unis, rien n’empêche en théorie des candidatures indépendantes. Certes. Dans les faits, tout le monde sait qu’en pratique, le bipartisme et le coût faramineux des campagnes n’autorisent in  fine que deux candidats, et la médiatisation incessante de la rhétorique faite des lieux communs de leurs partis respectifs. Les primaires sont bel et bien là-bas l’équivalent de notre premier tour.

Telle est la raison pour laquelle il faut craindre, en cas de succès des primaires socialistes, puis d’élection de celui ou de celle qui en sera sorti « vainqueur », la fin définitive de tout ce qui fonde l’élection française, à savoir ce premier tour et son panel de candidats, premier tour qui est le véritable moment de débats. Car il est bien évident que si cette stratégie de communication et de conquête du PS français devait se révéler payante, il y aurait de forte chance de voir la droite républicaine s’organiser de la même manière en 2017, avec tous les risques que ce bipartisme ne s’institutionnalise devant les télé-electeurs ahuris que les Français finissent de devenir de scrutin en scrutin.

J’ai feuilleté l’autre jour dans un centre de distribution d’objets culturels non identifiés un petit essai de Remi Lefebvre sur ces primaires socialistes, qui, sans aller jusqu’à énoncer clairement cette menace, insiste beaucoup sur les éléments négatifs de cette investiture en trompe l’œil : personnalisation du débat public, présidentialisation du système politique, mais surtout domination des logiques d’opinion et appauvrissement de la réflexion militante. Cela équivaut, dit-il, à une véritable trahison historique et à la  décomposition du parti militant des années 70 au profit d’un parti de notables. J’ajouterai pour ma part que cette trahison peut aussi s’entendre comme un retour aux sources, si l’on se souvient de la bonne vieille SFIO des années trente, laquelle ne laissa pas que des bons souvenirs, loin s’en faut.

Il est certain en tout cas que quel que soit le nom du lapin socialiste que cette primaire fera émerger de son chapeau médiatique, contrairement à la propagande que l’on entend un peu partout, je suis convaincu qu’une participation massive à cette mascarade de consultation ne sera pas une bonne nouvelle pour la vie démocratique et l’avenir du pays, et qu’il aurait mieux valu qu’elle se bornât à un simple vote de militants. 

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Les primaires socialistes ; la fin du parti militant

Rémi Lefebvre (auteur)  Editeur : Raisons D'Agir.  Date de parution : 14/08/2011.

09:57 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : politique | | |

Commentaires

Merci de cet article, Solko. Je ne sais pas si en dehors des militants de tous poils, il y a une prise de conscience de ce qui se passe. Rappeler que ces "primaires citoyennes" ouvertes à tous les électeurs ont été "approuvées" en 2009 par les militants socialistes.
Taper "Primaires" sur Google, nul besoin d'ajout pour la recherche de renseignements... c'est édifiant. Effrayant. Où en sommes-nous arrivés ? Nous, les femmes et les hommes de ce pays...

Écrit par : Michèle | jeudi, 29 septembre 2011

Ajouter, parce qu'avec les raccourcis des commentaires, on peut faire entendre l'inverse de ce qu'on veut dire, ajouter donc que je suis entièrement d'accord avec votre conclusion :

"Il est certain en tout cas que quel que soit le nom du socialiste que cette primaire fera émerger de son chapeau médiatique, contrairement à la propagande que l’on entend un peu partout, je suis convaincu qu’une participation massive à cette mascarade de consultation ne sera pas une bonne nouvelle pour la vie démocratique et l’avenir du pays, et qu’il aurait mieux valu qu’elle se bornât à un simple vote de militants."

Écrit par : Michèle | jeudi, 29 septembre 2011

Les primaires sont un épiphénomène qui cache la crise de la démocratie et de la citoyenneté. Le vote perd de son sens. Des leaders auto proclamés, cooptés par les médias, se posent en "sachant". L'électeur lambda est prié de leurs accorder un chèque en blanc et d'apporter sa caution au principe qui veut que les promesses n'engagent que ceux qui y croient, puis de retourner dans la petite case où il est assigné.

Écrit par : patrick verroust | jeudi, 29 septembre 2011

Les primaires sont un épiphénomène qui cache la crise de la démocratie et de la citoyenneté. Le vote perd de son sens. Des leaders auto proclamés, cooptés par les médias, se posent en "sachant". L'électeur lambda est prié de leurs accorder un chèque en blanc et d'apporter sa caution au principe qui veut que les promesses n'engagent que ceux qui y croient, puis de retourner dans la petite case où il est assigné.

Écrit par : patrick verroust | jeudi, 29 septembre 2011

La crise de la démocratie n'existe que parce que les partis censés la faire vivre sont remplis d'opportunistes de tous crins enfoncés dans le double discours et assidus à suivre une carrière. Les présenter comme représentant "du peuple" est une imposture. C'est pourquoi je ne crois pas que les primaires soient un épiphénomène : c'est une entreprise de propagande testée en grandeur nature par le PS au coeur du système démocratique français pour modeler un nouveau paysage politique reposant de façon définitive sur le bipartisme. Voilà pourquoi il faudrait les boycotter en masses. Quant au rôle que joue l'anti sarkozisme là-dedans, je suis étonné qu'il ne soit pas davantage mis en valeur...

Écrit par : solko | vendredi, 30 septembre 2011

Finalement, je crois que je n'aime pas les mots qui contiennent "prime" - outre "prime" lui-même : primate, primaire, primat, prix, pris, déprime.

Écrit par : Sophie K. | vendredi, 30 septembre 2011

ah, il y a quand même imprimerie ,primesautier et primevère...

Écrit par : solko | vendredi, 30 septembre 2011

Réunion de bureau à l'UMP totalement dépassée par un évènement qui lui échappe ... alors tant qu'à faire, autant crier au scandale démocratique !!!

Aigris ...

Écrit par : DDuret | samedi, 01 octobre 2011

Ce qui me paraît incroyable, c'est qu'avec cinq candidats socialistes qui ont chacun un projet différent, on puisse encore parler d'un programme d'un parti socialiste...

La présidentialisation de la Ve République est un vrai problème. Je serais pour qu'on renforce les pouvoirs du Parlement, qu'on crée un statut de l'élu pour approfondir le rapport avec la population, qu'il y ait des comités de quartiers, etc. Pour qu'on revienne au septennat, et que les présidentielles ne soient plus avant les législatives. Je serais même pour que l'élection du président de la République ne soit plus au suffrage universel. On le doit à De Gaulle et ça n'a pas fait que du bien. On ne parle plus que leadership et homme providentiel.

Quand Barak Obama est arrivé au pouvoir, il a annoncé qu'il allait contribuer de manière décisive à la résolution du conflit israélo-palestinien. Il n'a certes pas précisé comment. Il doit en avoir une drôle de conception car aujourd'hui les États-Unis opposent leur veto à la reconnaissance par l'ONU de l’État palestinien.
La question que je me pose, c'est : qu'est-ce qu'un État ? qu'est-ce qu'un pays ? Sont-ce ses dirigeants (en l’occurrence son chef suprême) ou bien les gens qui le peuplent ?

Écrit par : Michèle | samedi, 01 octobre 2011

Ce qui est finalement assez terrifiant, dans tout ce bordel médiatique généralisé, c'est que je ne parviens plus à avoir le moindre avis sur la question. Le PS et son incessante propagande politique me dégoûte profondément parce que je vois chez eux le même opportunisme que chez ceux qu'ils jaugent de haut, mal vêtu d'une "probité" aussi candide que rapiécée.
Ce qui a changé de De Gaulle à nous, et rend la présidentialisation de la Vème république problématique dans la société du spectacle, n'est ce pas largement le contexte historique ? La politique peut-elle se penser hors de lui? L'homme (ou la femme) providentiel aujourd'hui, c'est en effet une notion anachronique, presque dérisoire à laquelle en tout cas plus personne ne croit. Voilà pourquoi ceux et celles qui tentent de jouer ce jeu apparaissent dans un contre-emploi inévitable. Il n'y a qu'à voir Obama, en effet, qu'on nous a présenté lui aussi, sur la foi de la couleur de sa peau, comme un homme providentiel. Ou Sarkozy et ses talonnettes. Mais que dire de Hollande ? Jusqu'où ira l'homo minuscule ?

Écrit par : solko | samedi, 01 octobre 2011

@ Sophie K. : et que dire des "subprimes" ? :)

Écrit par : Michèle | samedi, 01 octobre 2011

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