mercredi, 18 mai 2011
De loin
Un peu loin de tout ça, vraiment. Des images du monde et de son chaos. Cela fait paradoxalement du bien. Ce recul, tout en finesse. Sentiment affirmé qu’une violence inouïe, injustifiée, dérègle de plus en plus les relations entre les individus.
A l’hôpital on prend soin. Un mode de vie, un emploi du temps, une attention à l’essentiel qui aura traversé les siècles, les âges et les modes, quand j’y pense, qui n’aura, malgré les incroyables progrès technologiques, guère changé, lorsqu’il s’agit de rendre le corps à son repos naturel, l’esprit à la plénitude de son vide, de restaurer le temps.
J’ai retrouvé ce lieu au sein duquel j’avais longtemps travaillé autrefois, comme s’il m’était demeure familière. Ce qui m’a beaucoup surpris. Et beaucoup aidé, sans doute.
Cet univers m’est familier. Son silence. Son attention à l’essentiel, on ne le dira jamais assez. Ses odeurs. Et même ses bruits. Ses paroles.
En le quittant, on m’a dit « au revoir monsieur », et moi j’ai dit «au revoir madame », « au revoir monsieur » à des gens qui, parmi toute une succession d’autres -une chaine humaine, une communauté de soins -, avaient contribué à me sauver la vie.
Rien moins que ça. J’ai l’impression qu’il y aura un avant et un après.
En retrouvant le monde extérieur, il m’a semblé rentrer par deux orifices, qui seraient mes yeux, dans une sorte de boite creuse et close, lointaine.
20:12 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, hôpital |
Commentaires
Eh bien Roland, merci à ces gens, ces hommes et ces femmes si dévoués à la vie. Bon retour chez vous, et bon retour aussi sur solko, je pense que vous n'aurez pas de mal à sortir de cette boite creuse et close, et nous non moins d'aisance à vous suivre, au fil des mots revivants.
Amitié,
Tanguy
Écrit par : tanguy | mercredi, 18 mai 2011
C'est toujours un étonnement, ce profond dévouement et cette compétence qui vous tirent d'un mauvais pas. Vous vous rappelez comment c'était au départ, quand ça vous est tombé dessus ; mais de la traversée, vous n'avez que quelques souvenirs. L'essentiel vous a échappé. Eux savent et quand ils vous revoient "après", quand vous allez sortir, ils vous sourient et vous parlent comme s'ils vous connaissaient de toujours... Vous n'oubliez jamais. Leur visage, oui, leurs paroles, jamais.
Pour moi c'était en 2004, je revenais d'un colloque de deux jours sur "Les Universaux", à l'IEP de Toulouse. C'était un dimanche soir. Moi qui adore le train, je ne me sentais pas très en forme. Pourtant le colloque avait été passionnant. Dans la nuit, je repartais en ambulance à Toulouse.
Il y a un avant et un après, oui, puis on oublie. On n'en a plus que le récit qu'on s'en fait. Et ces soignants, ces médecins, qui vous ont sauvé(e), font partie de votre vie. Ils n'y font pas de bruit. Mais ils sont là.
Écrit par : Michèle | mercredi, 18 mai 2011
Ma façon maladroite de vous entendre a été de me raconter. Sachant qu'il n'y a rien de plus terrible (et de plus comique) que quelqu'un à qui vous confiez le malheur qui vient de vous arriver, qui vous dit "Figure-toi que moi aussi..."
Ce que vous écrivez dans votre billet est bien sûr au premier plan. Les échos que cela a pour moi sont en arrière-fond, et vos mots ont leur poids de chair.
Les billets sur les billets et sur Béraud m'avaient fait choisir d'être d'ici. Je m'avise aujourd'hui qu'il ne m'avait pas non plus échappé votre travail en hôpital...
Écrit par : Michèle | mercredi, 18 mai 2011
Les échos d'une expérience à une autre ne sont pas maladresse, non. Et c'est même curieux comme, rendus au strict essentiel (respirer, survivre) , les expériences qu'on peut faire sont similaires.
Écrit par : solko | jeudi, 19 mai 2011
Solko,
Merci de la simplicité de votre témoignage, et de livrer ce paradoxe, la joie que vous a procuré cette communauté humaine qui vous a sauvé la vie, vous avoir offert une renaissance et ce retour sépulcral dans le quotidien infernal.
J'ai eu, trop souvent, le corps cassé, meurtri. J'ai côtoyé la mort, quelquefois plus que la vie. Je regardais ce corps avec détachement. J'ai appris à évacuer ses souffrances, à en faire abstraction. J'encourageais le personnel soignant dans leurs taches les plus cruelles. Je les tranquillisais, les rassurer. J'étais étonné qu'ils m'accordent une importance plus grande que celle que je ressens pour moi.L'échange fut ,souvent , étonnant. Rares sont les malades dont la force vitale s'exprime dans l'humour, la poésie, un intellect qui se met à turbiner à grande vitesse.
Faites de votre "après" une occasion de libération.
Écrit par : patrick verroust | jeudi, 19 mai 2011
"J'étais étonné qu'ils m'accordent une importance plus grande que celle que je ressens pour moi" : Il y là quelque chose de très juste, le rétablissement subtil d'un équilibre, qui est le propre du soin.
Écrit par : solko | jeudi, 19 mai 2011
Solko:
Merci, touché!
Écrit par : patrick verroust | jeudi, 19 mai 2011
Le soin : savoureux équilibre entre préoccupation et sollicitude... en faits et gestes.
Écrit par : ArD | jeudi, 19 mai 2011
J'intrigue beaucoup le corps médical par l'absence importante de sensations douloureuses. Il s'interroge soit sur une spécificité neurologique soit sur une capacité à mettre en place un système de neutralisation et de protection par l'intellect, très efficace.
Cette aptitude me permet de garder calme et sang froid, de trouver les gestes et comportements antalgiques,d'éviter les drogues, de m'occuper de ceux qui en ont le plus besoin , blessés aux urgences, personnel soignant dérouté par l'absence de plaintes et gémissements.
J'ai cru comprendre que les êtres vivants les plus frustres ressentaient peu la douleur et que ceux avec un système neurologique et intellectuel sophistiqué arrivaient à la contrôler.Je suppose que je conjugue les deux et confirme qu'on peut être aussi bête qu'intelligent. Je suis mâle et m'en porte bien, il n'y a pas de mal à çà. C'était la connerie du soir!
Écrit par : patrick verroust | jeudi, 19 mai 2011
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