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jeudi, 25 février 2010

La fleur rance

C’est une petite librairie, coincée entre une agence immobilière et une sandwicherie. Le patron fait des efforts pour essayer de vendre lui aussi « ce qui se vend quand ça marche», comme il dit. Tirer sa part du gâteau. Tout à l’heure, quand je suis allé chercher le pain, j’ai vu dans sa vitrine le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas. J’ai lu quelque part que l’ouvrage de la dame aurait atteint les 210 000 exemplaires de tirage après quatre réimpressions. « Aurait » dis-je, car avec ces chiffres, il faut toujours garder raison. C’est comme avec ceux des sondages. Le livre culminerait au sommet du Top 20 Ipsos/Livres Hebdo des meilleures ventes de la semaine du 15 au 21 février.

Ben ça alors ! Je me demande qui peut bien acheter ça, 19 euros. Dix-neuf euros ! Pas des femmes de ménage, j’espère. Encore que. Il y a forcément parmi les femmes de ménages autant d’idiotes que parmi le reste de la population. Mais quand même. A ce point-là ! A 1,9 euro par exemplaire vendu, x 210 000, la Florence a beau avoir côtoyé « la France d’en bas », comme elle dit (horreur de ces raffarinades) son  SMIG aura une autre gueule que celui des autres, in fine. Vous me direz qu’elle, elle en aura fait un livre… Justement ! Se foutre de la gueule des pauvres à ce point-là … Non vraiment il y a quelque chose que je ne comprends plus chez mes contemporains.

En tout cas, je ne regrette pas de n’avoir jamais versé la moindre larme le jour de la libération, ni filé le moindre pognon tout le temps qu’a duré la prise d’otages pour le coup !

La_Femme_de_Menage_-_HST_-_195x114_Vers_1955.jpg
La femme de ménage, Jean Couty, 1955

15:36 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : le quai de ouistreham, florence aubenas, littérature | | |

Commentaires

Je suis entièrement d'accord avec vous (pas avec le titre du billet, mais bon!)Même si pour ma part j'ai eu beaucoup d'admiration pour la façon dont elle est rentrée de sa captivité d'otage:pas de pleurnicheries et pas de livre.
Mais celui-là atteint un sommet de répugnant dans le mépris. Je ne dis pas souvent ça mais je le trouve dégueulasse.
Bon, pour les chiffres ce qu'il faudra regarder c'est les chiffres de vente après les retours des invendus.
Si vraiment 200 000 exemplaires sont vendus, ça sera dingue.
Même 30 000 d'ailleurs.
Ceci dit, pas plus loin que mon beau-frère, qui par ailleurs est charmant, trouvait ça formidable dimanche.Berk.

Écrit par : Sophie | jeudi, 25 février 2010

"Tout à l'heure quand je suis allé chercher le pain..." : ah la la si j'étais dans votre cuisine, j'aurais eu du pain frais pour petit-déjeuner... Pour un "gros dormeur", vous vous levez tôt quand même (sourire).
Merci pour ce tableau de Jean Couty. Couty dont on a déjà parlé ici me semble-t-il (je vais rechercher).
Quant à Aubenas, elle était invitée à la dernière émission de "La grande librairie". Ainsi va le monde. Je suis contente, je ne me rappelais pas qu'elle avait été prise en otage, le ménage se fait tout seul...

Écrit par : Michèle | jeudi, 25 février 2010

Cher Solko,
je sais fort bien que vous feignez l'étonnement et la consternation. Vous n'êtes pas dupe de votre époque.
Le succès d'Aubenas, succès proprement crapuleux, s'explique par la tendance au voyeurisme tel qu'on le trouve exploité, avec succès, à la télévision. Voyeurisme qui mélange à la fois le goût classique de l'interdit, s'immiscer dans le privé, et de la sécurité, voir sans être vu : à ce niveau, l'écran est une chose formidable.
Mais il y a peut-être plus insidieux : l'attrait qu'exerce désormais la mise en scène des pauvres, des marginaux répond justement à ce qui fonde le (néo)libéralisme, soit : le rapport moral à la misère et à la déchéance. On trouve évidemment cela chez des classiques de cette théorie (Smith et consorts) mais plus encore aujourd'hui chez Hayek et sa suite.
Le problème n'est donc pas de parler des pauvres, s'il s'agit, comme le fit Bourdieu, d'en montrer (au sens noble du terme) la détresse : cela s'intitule "la Misère du monde", mais de ne pas les scénariser. Que Madame Aubenas puisse croire qu'en choisissant la deuxième solution, elle se place dans la critique et la contestation relève de la candeur la plus désarmante. Mais vous comprendrez très bien que par "candeur désarmante" je masque un propos beaucoup plus virulent et un jugement beaucoup plus radical. Mais comme disait La Rochefoucauld, "il faut être économe de son mépris étant donné le nombre important de nécessiteux"

Écrit par : nauher | jeudi, 25 février 2010

J'aurais dû vérifier avant de dire des âneries. J'ai confondu avec Raymond Rochette et bien sûr rien à voir. (Pardon à Dominique Rhéty, j'intègre bien mal ce qu'il nous fait découvrir).

Écrit par : Michèle | jeudi, 25 février 2010

Je n'aime pas, ici, qu'on dise du mal de la femme du ménage. C'est bien pénible de voir en elle l'être ignorant...Mais je suis d'accord avec vous que le torchon coûte bien cher .

Écrit par : soulef | jeudi, 25 février 2010

@ Sophie : Mais je suis certain que Florence Aubenas aussi, en famille ou en petits cercles sait aussi être charmante. C'est bien cela le problème. Ils sont charmants ! Mais nous, que faisons-nous de ce "charme" ?

Écrit par : Solko | jeudi, 25 février 2010

@ Michèle : Vous avez raison, il faut tirer la chasse...
Sur Couty, un site très complet ici, avec de nombreuses photos de toiles :
http://www.jeancouty.com/
(une fois sur le site, il faut cliquer sur "oeuvre raisonnée"

Écrit par : solko | jeudi, 25 février 2010

@ Nauher : Hélas, j'ai beau en effet ne pas être dupe de cette époque, je reste quand même régulièrement stupéfait devant les exemples qu'elle offre d'ignominie. Car il y a l'analyse objective qu'on peut en faire, et puis il y a la réalité brutale des faits. Je ne me suis jamais fait la moindre illusion sur le côté putassier des milieux dans lequel évolue aubenas, et vous savez bien que depuis fort longtemps je n'achète plus ni libé ni le monde. Mais ce qui m'étonnera toujours, parce que le travestissement est dans ce cas tellement visible, c'est que ces gens-là trouvent encore des lecteurs (et des (é)lecteurs...

Écrit par : solko | jeudi, 25 février 2010

@ SOulef : Ce qui est pénible, dans ce cas, c'est de voir dans la femme de ménage l'être dupé. Cela dit, je continue à espérer que ce ne sont pas des femmes de ménage qui achètent ce genre de torchon.

Écrit par : solko | jeudi, 25 février 2010

Cher Solko, vous avez mille fois raisons. Il y a ce que nous savons, ce que notre intelligence et notre sens critique ont forgé pour ne plus être naïfs. Puis il y a le fait, l'événement, l'anecdote qui viennent faire entaille et nous indignent, même si c'est en pure perte. N'est-ce pas là que se placent nos névroses et notre mélancolie, dans cette énergie prise à défaut de n'être pas assez forte pour échapper totalement à ce qu'elle combat ? Plutôt une part d'humanité que le cynisme intégral. Ce n'est d'une certaine manière pas plus mal

Écrit par : nauher | jeudi, 25 février 2010

Solko, en réponse à celle que vous m'avez faite plus haut: c'est exactement ce que je sous entendais en parlant de mon beau-frère "charmant".

Écrit par : Sophie | jeudi, 25 février 2010

Mais, pour aller vite, ce que les éditeurs appellent le lectorat, ce sont les bobos, ou bolos. Et il faut bien leur donner leur pitance de simili-compassion industriée de série à ces consommateurs modèles de la culture sans passé. Bon. Je m'arrête là.

Écrit par : Pascal | jeudi, 25 février 2010

Et qu'est ce que je dis quand un de "mes" élèves me dit que le livre d'Aubenas c'est comme "Dans la dèche à Paris et à Londres" d'Orwell?

Écrit par : Sophie | mercredi, 03 mars 2010

@ Sophie : Il y a chez Orwel (qui n'a jamais été riche), une véritable camaraderie, empathie pour les pauvres, qu'Aubenas n'a pas. Et puis on attend toujours "l'Hommage à la Catalogne" d'Aubenas...

Écrit par : solko | mercredi, 03 mars 2010

Je ne l'ai pas acheté et aide-à-domicile précaire, des enfants de l'une de mes dernières employeuses me l'ont prêté...

Ils ont pleuré en le lisant...

Pas moi.

Trop consciente de mes chaines peut-être

Sur le coup, je l'ai pris comme un témoignage important, s'il soulève des consciences...

Ils ont pleuré...

J'étais mal à l'aise, quelque-chose d'indéfinissable...

Écrit par : librellule | dimanche, 27 février 2011

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