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mardi, 18 mars 2008

Je me prive de rien

Pourquoi me priverais-je ? Mes ancêtres, serfs, esclaves ou gladiateurs, ont été ou se sont tellement privés de tout, jadis. De tout !  Avec les moyens technologiques dont nous disposons dans notre société, je peux assouvir avec un seul ticket en main mes frustrations et celles qu'ils m'ont léguées, concrétiser mes fantasmes ainsi que les leurs. Ah, le marketing ! Par exemple, si je suis une black, je peux me teindre en Marylin pour aller draguer, et si je suis blond, me relooker façon pote avec des tresses africaines sympas sympas. Et tutti quanti. Ce n'est pas un style que j'adopte, c'est leurs voeux que je comble, si si ! Et je me sens bien comme ça. Ni mon esprit que je gave, mais le leur. Devant un tel déluge de merveilles, la notion même de privation m'est insupportable ! Quand je pense que mon grand frère n'avait même pas de portable ! Mon père même pas de GPV ! Et mon grand-père même pas de télé... La famille Même pas, pour tout dire. Je rachète. Je rachète à tour de bras, moi qui suis enfin libre et cultivé. Dites vous bien que mon arrière grand-mère n'a jamais connu la pilule ! Et mon arrière grand-père, qui ne savait pas skier,  jamais vu la mer ! Mais comment faisaient-ils ? Pauvres gens ! Comment faisaient-ils ? Il parait qu'ils se lavaient à l'eau presque froide dans des baquets ! Qu'ils péchaient le poisson dans les rivières ! Et qu'au lieu de télécharger de la musique, ils chantaient ! Quelle horreur ! Moi, c'est un tout autre genre. Moi, je me prive de rien.

"Nous oublions toujours, quand nous comparons le passé au présent, de considérer à quel point le présent est débiteur du passé. En naissant, ou quelques années plus tard, nous nous trouvons les maîtres d'un mécanisme immense et compliqué qui nous parait, ou peu s'en faut, faire partie de la nature. Les villes sont à ce point de vue de mauvaises écoles philosophiques. Quand on a vécu en des campagnes où on manque de presque tout, on se fait déjà une meilleure idée du passé. On apprécie mieux la solidité des fondations établies par les générations anciennes. Les mille petites commodités, les petits luxes modernes nous cachent l'essentiel de la civilisation. En avoir été privé, c'est souvent en apprécier l'inutilité. Mais il y a une partie stable, très ancienne, dont l'homme ne pourrait être dépouillé sans cesser d'être l'homme. Or cette partie ancienne, si on y réfléchit, on trouvera qu'elle n'est pas seulement la plus utile, mais qu'elle est aussi la plus belle. "

1 Rémy de Gourmont, "Une loi de constance intellectuelle"  - La Culture des Idées.

09:38 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, gourmont, société, culture | | |

Commentaires

STAYING ALIVE

Le présent ne dépend jamais
Du passé
Ni même du futur
Le présent est d'une constance imperturbable
Il regarde défiler
Le pas cadencé des légions d'instants
Qui s'effondrent une à une
Sans que la moindre ridule
Ne vienne oblitérer
Le sourire envenimé de ses yeux

Écrit par : gmc | mardi, 18 mars 2008

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