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samedi, 17 juillet 2010

Cinq cents francs...

Le cinq cents francs, dit Rose et Bleu, demeure l'un des billets les plus larges qu'on n'ait jamais imprimé en France. Pas large comme mon avant-bras, mais presque...A ma connaissance, il n'y a bien que le Flameng 5000 francs qui fut plus gourmand que lui en papier. La première fois que j'en ai tenu un exemplaire entre les mains  (car c'est malgré tout un billet assez courant, consultable dans l'album de n'importe quel numismate courtois) j'ai pensé immédiatement à ces armoires en bois, hautes et cirées, qui emplissaient naguère les chambres de nos aïeux dans les épaisses bâtisses de nos provinces. Et à leurs draps rugueux. Aux parfums de lavaande. A ces hauts buffets sculptés, dont le chêne sombre "très vieux a pris cet air si bon des vieilles gens".

Un cliché - un lieu commun - prétend que l'homme d'antan planquait volontiers là sa fortune, sous ces piles de linges odorants et jaunes, ou bien au fond de tiroirs emplis de médaillons, de mêches, de dentelles flêtries,  plutôt que de la confier à ces voleurs de banquiers. L'heureux bougre, que personne n'obligeait à ouvrir un compte  pour toucher le fruit de son travail quotidien !  Il pouvait palper son billet avant de s'endormir, en goûter tout le craquant, en savourer l'arôme ! L'heureux bougre, qui n'était jamais tenu à glisser une carte VISA dans un de ces distributeur qui font le rectangle au coin des rues. Homme sans codes, sans barres  et sans reproches. Portons à nos narines ce type de billet : quelques-uns sentent encore le thym, la lavande ou la naphtaline de l'armoire qui grince, du buffet du vieux temps dont les tiroirs ferment mal, mais qui savait bien des histoires et geignait lorsque s'ouvraient lentement  ses grandes portes noires.

B30.jpg

Des billets comme celui-ci, mon voisin me disait l'autre jour qu'il devait ben s'en tapir encore quelques-uns sous des lattes de parquets ou bien des faux plafonds. Je voyais son regard s'éclairer à cette idée. Avait-il quelque lieu en tête ? Vu la dégringolade du pouvoir d'achat et tout ce qu'on entend ou lit un peu partout à ce sujet, vu l'agonie du franc  ( il paraît que par ci par là on en ressort ...) , la Banque de France vous en donnera 0,76 euro l'exemplaire. Pas de quoi aller bien loin... Quand on songe que le  cinq cent francs rose et bleu fut le billet de Sully Prudhomme, des notables de Normandie, d'Ardennes ou d'ailleurs.

Les figures allégoriques roses et bleues qui s'y profilent n'ont-elles pas divine allure? N'aguichent-elles donc pas l'oeil aussi bien que des geishas, telles des madones de squares de sous-préfectures, squares où tout est correct, les arbres et les fleurs ... ? A bien y regarder, il y a du rimbaldien, en effet,  dans ce billet défunt : Coupure où tout est correct, les figures et les fleurs..., de ce Rimbaud qui confessa tout d'abord aimer les images idiotes et les enluminures, et finalement, en fin d'inspiration, les billets de banque...

 L'esthétique est donc placé au service de l'ordre, puisque tous ces massifs, ces guirlandes d'arabesques bleues furent disposées là dans le seul but de compliquer la tache des faux-monnayeurs de l'époque. La cartouche initiale date de 1868. Elle est dessinée par Chazal et gravée par Maurand. Deux ans tout juste avant la défaite de Sedan, l'exil de Napoléon III, la débâcle racontée par Zola. Arthur commençait tout juste à remplir ses premiers cahiers : On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans, et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade... Surtout quand, par un coup du sort peu heureux, on n'a jamais de billets comme celui-ci dans les poches...  Siècles passent. Les régimes défilent. Mais quoi, finalement, change ? Qui a jamais vu la plus grosse coupure en euros ( c'est laquelle, au juste ? ) traîner dans le fond de sa commode Ikéa ?

18:15 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rimbaud, littérature, société, culture, billets français | | |

Commentaires

Merci Solko pour ces cinq cents francs roses et bleus. Que je suis contente de voir. Je crois bien que les billets pris par Guillaume n'étaient que des mille, j'irai vérifier...

La plus grosse coupure en euros, bonne question...

Écrit par : Michèle | samedi, 17 juillet 2010

Des billets de banque qui sentent la lavande, vous nous faites rêver, Solko !

Écrit par : Nénette | lundi, 19 juillet 2010

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